Cet ouvrage peut sembler rébarbatif, et être d’une actualité toute factuelle, un essai parmi tant d’autres. En réalité, c’est un texte réjouissant, optimiste et profondément neuf.
De quoi parle-t-on ? D’économie, d’industrie culturelle, de numérique, de technologie, de désir ; de libido ; de politique industrielle et culturelle.
Les trois auteurs, Bernard Stiegler, Alain Giffard, et Christian Fauré interviennent au nom d’Ars Industrialis
Les travaux de Bernard Stiegler, aujourd’hui directeur du développement culturel du Centre Pompidou et directeur de l’IRI (Institut de recherche et de l’innovation, Centre Pompidou), qui fut, aux temps glorieux de l’EPBF (Établissement public de la Bibliothèque de France), un des artisans des PLAO (postes de lecture assistée par ordinateur), s’appuient sur des philosophes reconnus, Platon, Aristote, Husserl, Foucault, et d’autres parfois bien injustement oubliés – nous pensons à Gilbert Simondon, et son Du mode d’existence des objets techniques
, (Aubier, 2001), ou à Bertrand Gilles, Histoire des techniques
(Gallimard, La Pléiade, 1978). Bernard Stiegler pense la technique comme un auxiliaire de la mémoire, un auxiliaire de la pensée. Il ne la résume pas à une fonction utilitariste. Il en perçoit les immenses possibilités et les insondables dangers. Son œuvre, multiforme, explore aussi bien les méfaits de la télévision que la misère symbolique attachée à la consommation de masse. Cette œuvre dense, nous avons parfois du mal à la suivre. Il faut dire que l’homme pense et publie beaucoup : deux livres par an en moyenne. C’est impressionnant.
Le texte publié ici reprend des thèses soutenues par Bernard Stiegler, en prétextant du rapport remis à Thierry Breton, ancien ministre de l’Économie et des Finances, par Maurice Lévy et Jean-Pierre Jouyet : L’économie de l’immatériel : la croissance de demain
(La Documentation française, 2007). «
Signalons qu’enfin, sous cette pensée profuse et originale, émergent les prémices d’une politique publique, d’une action publique qui pourraient réconcilier citoyens, économie et connaissance.
Le texte d’Alain Giffard, président d’Alphabetville
développe conjointement des activités de recherche théorique et de création artistique. Disponible sur : Cahiers de la librairie : la lecture numérique, une activité méconnue.
Avec ce texte, nous revivons les aventures de Memex, en 1945, ancêtre de l’hypertexte, conçu par Vannevar Bush, ainsi que, plus classiquement, celles de l’HTML et du web. Alain Giffard évoque ensuite la structuration de la lecture numérique, navigation, marquage, copie, prospection, annotation, mémoire et publication. Le grand intérêt de cette contribution est que, sur de sérieuses bases, sont envisagés deux modes de lecture : la lecture d’information et la lecture d’étude. La seule étude disponible actuellement, réalisée avec de vrais humains tels qu’on peut les toucher et même les sentir, par Ziming Liu, professeur des sciences de l’information, en 2005, démontre que la lecture numérique est une lecture d’hyperactif, de zapping, multiséquentielle, une sorte de lecture de préparation, de lecture d’information. La lecture sur papier reste, pour le moment, le modèle de la lecture d’étude par excellence. De nouveaux développements techniques pourraient ainsi tenter d’approcher techniquement les possibilités numériques et les capacités physiques d’attention. Il y a, semble-t-il, place ici pour une sorte d’observatoire des pratiques du numérique. Poursuivant ensuite les analyses de Bernard Stiegler, Alain Giffard évoque, invoque, convoque une initiative de la puissance publique : «
Christian Fauré, consultant chez Cap Gemini
L’ensemble est clos par un texte du CIEM Pediatrics
, en 2007.
C’est donc dire si l’ensemble est conforme à son projet : embrassant politique publique, philosophie, technique, sociologie et soin. Cet ouvrage ne peut être qu’une ouverture sur les textes publiés par Ars Industrialis, et les différents auteurs de l’ouvrage – Bernard Stiegler, Alain Giffard et Christian Fauré, dont on connaîtra, au passage, le goût pour le dilettantisme (mais jusqu’à 18 ans seulement