Quelle drôle de vilaine couverture pour un ouvrage qui a tout pour devenir votre livre de chevet ! D’un anglais vraiment facile et agréable à lire, la troisième édition de la bible Assessing Service Quality : Satisfaying the expectations of library customers
est parue en 2015 chez Facet, éditeur incontournable pour tout bibliothécaire souhaitant mettre à jour ses connaissances ! L’ouvrage est présenté dans un grand format, agrémenté d’une cinquantaine de tableaux, graphiques ou schémas qui en facilitent la lecture en l’illustrant par de nombreux exemples concrets.
Les précédentes éditions de l’ouvrage datent de 1998 et 2010. Une nouvelle édition en 2015 montre à quel point la question de la qualité du service en bibliothèque est soumise à de grands bouleversements depuis quelques années. Les bibliothèques sont de plus en plus soumises aux mêmes règles de gestion et de management que le monde marchand avec lequel – qu’elles le veuillent ou non – elles se trouvent en concurrence et doivent – plus ou moins – adopter leurs règles de gestion.
Sur le plan des normes émises par le Comité technique international de l’ISO TC46/SC8 relatif à l’évaluation en bibliothèque, rappelons également que l’actualité a été très riche ces dernières années :
Statistiques internationales de bibliothèques
. 5e éd. : août 2013 (éd. française : mai 2014).Indicateurs de performance des bibliothèques
. 3e éd. : mai 2014 (éd. française : avril 2015).Methods end procedures for assessing the impact of libraries
. 1re éd. : avril 2014Qu’est-ce qui fait la valeur des bibliothèques ?
, Afnor, février 2016.
On est passé de la mesure de l’activité et des intrants, à celle de l’impact… C’est un peu le propos du livre qui donne sens à cette évolution. C’est sur la méthodologie de l’évaluation de la qualité du service, les indicateurs à retenir, mais surtout sur la philosophie qui sous-tend cette démarche, que reviennent les trois auteurs de cet ouvrage, Peter Hernon, Ellen Altman et Robert E. Dugan.
En introduction, les auteurs insistent sur le bouleversement du paysage informationnel auquel sont confrontés les usagers (actuels ou potentiels) des bibliothèques. Il n’est plus possible de penser la bibliothèque sans tenir compte du contexte dans lequel elle s’inscrit nécessairement : offre de contenus gratuits en ligne, offre d’achat de ressources en ligne avec mise à disposition immédiate des contenus recherchés, etc. L’accès aux contenus change ; la façon de chercher, également, change.
C’est tout simplement en « consommateur » de services que les usagers vont se situer et vont déterminer s’ils ont – ou non – besoin des services de la bibliothèque. Les usagers sont la raison d’être de la bibliothèque (en doutez-vous encore ?). Il est donc important de les écouter, d’apprendre de leurs témoignages et de s’en nourrir pour améliorer les services et les mettre en perspective. L’ouvrage propose donc d’adopter une démarche réflexive sur les notions de qualité de services et de satisfaction des usagers, et présente différentes approches pour adopter une démarche orientée usager (
Il n’est plus possible de concevoir une offre de services sans avoir réfléchi à ses missions ; il n’est plus possible d’énoncer des missions sans avoir interrogé ses usagers sur leurs besoins et leurs attentes. Cette double interrogation devra se faire nécessairement en inscrivant la bibliothèque et son avenir dans le contexte d’un monde en mouvement où les solutions alternatives pour trouver de l’information et se nourrir de nouveaux contenus sont multiples. Quel est le rôle alors de la bibliothèque ? Aider les usagers à enrichir leur vie (
L’ouvrage revient au travers des six premiers chapitres sur la nécessité d’une réflexion préalable à toute évaluation. Le premier chapitre,
Dans les chapitres suivants (2 et 3), les auteurs évoquent le fait que de nombreuses bibliothèques vivent sur un statu quo : leurs missions sont définies depuis la nuit des temps, leur public connu… elles évaluent la croissance de leurs collections, le nombre d’emprunts et – au mieux – dorment sur leurs lauriers ! Cependant, chaque jour, nous disent-ils, est le premier jour pour de nombreux visiteurs. C’est à ces primo-visiteurs qu’il faut répondre, c’est à eux qu’il faut plaire et c’est eux qu’il faut convaincre de revenir ! La mission de la bibliothèque doit donc toujours être questionnée et remise sur le métier.
Cette mission doit être distinguée de la vision. La seconde donne une direction (où va-t-on ?) quand la première est opérationnelle et peut se décliner en objectifs (comment y va-t-on ?) comme dans l’exemple cité dans l’ouvrage de la bibliothèque de Charlotte Mecklenburg
Après ces précisions qui peuvent sembler des évidences mais qu’il est salutaire de répéter (et d’appliquer), on lira avec attention le chapitre 4,
De chapitre en chapitre, on revient sur ces notions fondamentales de qualité et de satisfaction qui sous-tendent toute l’évaluation : on quitte la mesure de la quantité (le
Les derniers chapitres s’attardent en détail sur les méthodes de collecte de la satisfaction (questionnaires,
Le dernier chapitre,
Finalement, mesurer la satisfaction et la qualité de service, insistent les auteurs, ne sert à rien si aucune action corrective n’est engagée dans la foulée et c’est bien entendu la partie la plus difficile à mettre en œuvre : transformer l’évaluation en action !
Cet ouvrage est indispensable tout autant aux néophytes pour qu’ils s’initient à l’évaluation, qu’aux spécialistes afin qu’ils révisent leurs connaissances en vérifiant qu’ils ont bien mis le public et les « bénéficiaires » des bibliothèques au cœur de leur stratégie pour co-constuire un avenir commun ! Il permet enfin de s’approprier les notions de satisfaction et de qualité de services, loin des clichés récupérés du marketing commercial, et de réfléchir à ce que signifie véritablement l’impact des bibliothèques publiques ou académiques.