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Souvenirs et témoignages d'un bibliothécaire bâtisseur

1993
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    Souvenirs et témoignages d'un bibliothécaire bâtisseur

    Par Jean Bleton, Inspecteur général honoraire

    Les carrières des bibliothécaires sont liées la plupart du temps à des noms de villes ou de bibliothèques. Mon parcours professionnel (1) , commencé en 1942, fut un peu insolite et, je crois, assez exceptionnel, m'amenant à avoir très tôt des contacts que beaucoup d'autres n'ont pas eu la chance d'avoir, du moins en aussi grand nombre (2) . Donc, j'ai accepté d'évoquer pour les lecteurs de cette revue quelques souvenirs personnels, les uns de caractère anecdotique, les autres pour aider à comprendre certains choix en matière architecturale, que j'ai dû faire plus ou moins contre mon gré. Des quelques dizaines d'inaugurations auxquelles j'ai assisté, je ne retiendrai ici que celles qui m'ont marqué, ou fait sourire.

    La première en date remonte à l'année 1952. Julien Cain, depuis peu membre de l'Académie des Beaux-Arts, avait accepté d'inaugurer, le 20 octobre, les nouveaux locaux de la bibliothèque municipale de Colmar, installée dans l'ancien couvent des Dominicains. Sachant que j'avais suivi ce dossier pour l'octroi à cette ville de subventions, il m'a invité à l'accompagner. Le simple bibliothécaire que j'étais n'avait pas droit aux "premières", ce qui m'avait séparé, à la gare de l'Est, du directeur général et de sa femme dont j'ai fait la connaissance ce jour-là. Par gentillesse, il vint me chercher dans mon wagon de seconde pour aller à la voiture-bar et m'offrir une consommation. Dans le couloir il rencontre le général Koenig, qu'il connaissait bien entendu et, après coup, me dit ses regrets de ne pas m'avoir présenté.

    A la gare de Colmar, le bibliothécaire, P. Schmitt, également conservateur du Musée d'Unterlinden, nous attend sur le quai et nous invite à prendre sa voiture, - ô combien luisante pour un tel événement ! - afin de rejoindre la mairie où nous sommes attendus. Sur le parcours prévu, des soldats, l'arme au pied, constituaient une haie d'honneur. Décidément, la journée commençait pour moi sous le signe des armes ! Mais Julien Cain regarde sa montre et demande au bibliothécaire : "à quelle heure est la cérémonie ?"-"Dans 20 minutes, M. le Directeur général", lui répond P. Schmitt. -"Conduisez-nous à votre Musée, il n'est pas loin de la mairie et j'aimerais revoir le Rétable d'Issenheim, nous avons le temps." Et nous voilà partis au Musée, ouvert exprès pour nous, par un autre chemin que celui voulu par le protocole. Pour la première fois je découvrais la culture artistique prodigieuse qu'avait notre directeur en regardant chaque tableau et en disant dans quels autres musées, aux quatre coins du monde, il avait vu une oeuvre, meilleure ou moins bonne, du même artiste. L'heure fatidique approchant, P. Schmitt nous invite à rejoindre à pied la mairie, à proximité de laquelle des soldats étaient toujours là, un peu surpris de nous voir arriver par un autre chemin.

    Réception, discours, visite de la bibliothèque, repas nous occupent jusqu'à 16 heures environ. Le préfet, très sensible à la venue dans son département d'une telle personnalité, propose sa voiture et son chauffeur pour visiter dans la région ce que nous voulons. Julien Cain choisit d'aller au château du Haut-Koenigsbourg. Pas de chance, il était fermé. Qu'à cela ne tienne, nous prîmes la route du vin. Et c'est ainsi que fut bien remplie cette journée, commencée avec l'armée, poursuivie avec les beaux-arts et achevée par la découverte d'une région, superbe à l'automne, et la dégustation de ses meilleurs crus.

    Cette liaison entre l'armée et les bibliothèques, assez rare il est vrai, je l'ai retrouvée dans une autre circonstance, à l'occasion de l'inauguration par le président Houphouët-Boigny de la nouvelle bibliothèque nationale d'Abidjan le 9 janvier 1974. La directrice de cet établissement, reconnaissante de mon aide pour la mise au point de son programme et l'examen des plans, tenait absolument, malgré mes réticences et un emploi du temps très chargé, à ma venue, d'autant plus qu'un billet d'avion aller et retour m'attendait dans une agence proche de la rue Lord Byron où était mon bureau et que je devais faire l'objet d'une remise de décoration. Un refus de ma part eût été... inconvenant ! Grâce à des avions quotidiens, je calcule qu'en 36 heures, je peux assister à l'inauguration et reprendre l'avion le lendemain matin, après avoir même visité la bibliothèque universitaire achevée depuis peu.

    La cérémonie exigeait, bien entendu, la présence de la garde républicaine ivoirienne en grand uniforme, très proche de celui de la nôtre... à une couleur près. La voilà donc alignée de part et d'autre d'un immense tapis orange, qui va de la route à l'entrée de la bibliothèque. J'éprouve quelque compassion pour ces soldats, choisis très grands, qui sous le casque à crinière transpiraient à grosses gouttes. Enfin arrive le président dans une importante Mercédès et c'est d'un pas rapide qu'il parcourt le chemin tracé par le tapis pour atteindre la bibliothèque où toutes les personnalités invitées l'attendent.

    Coupure du ruban tricolore, visite des locaux, arrêt pour admirer dans des vitrines quelques documents imprimés, relativement anciens, de ce pays, passage éclair dans les magasins à peu près vides de livres et, enfin, dans une salle de lecture débarrassée de ses tables, remise des décorations prévues. Trois Français en sont bénéficiaires, notre directeur, E. Dennery, Melle Delrieu, qui fut expert de l'Unesco puis directrice de la BU à Abidjan et le "professeur Bleton" qui avait eu pour auditrice à l'ENSB, en 1967, Mme Liguer-Laubhouet, la responsable de cette bibliothèque. Chacun, avec ses titres et ses décorations, est présenté à l'assistance par le ministre ivoirien de l'Education. E. Dennery, le plus riche en ce domaine, se voit remettre la cravate de commandeur de l'Ordre national de la Côte d'Ivoire, ce dont il remercie, par un discours, le Président. J'ai droit pour ma part à une rosette, Melle Delrieu à un ruban.

    Sans doute n'avions-nous pas remarqué un petit aparté entre le Président et le Grand Chancelier au moment de la remise de la cravate à E. Dennery car, la cérémonie terminée, quelqu'un l'aborde et lui demande s'il peut reprendre tous les insignes de son grade (placés dans un grande boîte), une erreur ayant été commise du fait qu'il était déjà Commandeur de la Légion d'honneur française, qu'il aurait donc dû être promu au rang au-dessus et que, s'il le voulait bien, dans deux heures il serait fait Grand Officier. Ce qui arriva... après, parait-il, une course contre la montre entre 2 ou 3 ministères dont les portes ont dû s'ouvrir pour la circonstance et dont les titulaires devaient obligatoirement contresigner cette nomination. Avec bonne humeur, E. Dennery fit, le moment venu, un autre discours de remerciement. Quoiqu'on puisse en dire, certaines Républiques africaines ont du bon !

    Parmi les inaugurations auxquelles j'ai pris part, cette fois comme inspecteur général, il en est deux pour lesquelles j'ai dû remplacer au pied levé mon excellent collègue et ami, M. Caillet, et un discours était à prononcer, l'un en présence de Louis Aragon, l'autre de Roger Caillois.

    Le 3 juin 1972, en effet, était inauguré à Pantin le nouveau bâtiment - dont je connaissais bien les plans et les architectes - destiné à abriter la bibliothèque Elsa Triolet, nom retenu par la ville peu de temps après sa mort. Mon discours achevé, je m'assis à côté de Louis Aragon, l'auteur de grands romans, mais aussi pour moi, de merveilleux poèmes, dont Les lilas et les roses que je me récitais en venant à Pantin. Je n'oubliais pas non plus celle que j'avais vue, vers les années 1948-49, présider le Comité national des écrivains (CNE) un jour où Julien Cain, empêché, m'avait demandé de le représenter. Sa douceur, ses yeux, sa voix aux accents slaves me revenaient en mémoire. Avec sa veste de couleur mauve - tenue de deuil sans doute ? - sa lavallière blanche et sa longue chevelure blanche de poète, Louis Aragon, qui m'avait peut-être à peine écouté, est resté de marbre.

    Il n'en fût pas de même après le discours que j'eus à faire le 31 mai 1975, à Vichy, où ni le Secrétaire d'Etat aux universités, Jean-Pierre Soisson, ni M. Caillet ne pouvait se rendre pour inaugurer une exposition - la première - consacrée à Roger Caillois. Prévenu deux jours avant, et après avoir revu une liste de tous ses écrits, j'ai préféré me plonger dans la lecture de ses seuls poèmes, plus facilement accessibles et plus rapides à lire que le reste de son oeuvre. Mon propos, émaillé de plusieurs d'entre eux, me valut aussitôt après des félicitations de l'académicien, félicitations sincères si j'en crois l'insistance qu'il mit à en obtenir le texte. De tous mes discours, c'est grâce à lui le seul que j'ai fait dactylographier. Sa réponse à mon envoi confirmait son opinion et m'offrait un des rares autographes d'écrivains connus que je possède.

    Comment ne pas dire encore quelques mots d'une inauguration qui eut lieu le 11 janvier 1975 à Verrières-le-Buisson, pour laquelle j'accompagnais E. Dennery, attiré par la présence attendue d'André Malraux, familier de ces lieux (3) où, dans un centre culturel portant son nom, avait été aménagée, avec les conseils de l'expert que j'étais, la bibliothèque. Tous ceux qui étaient présents à cette cérémonie ne peuvent oublier les phrases, apparemment improvisées, lancées ce jour-là par l'écrivain-ministre, avec cette voix et cette grandiloquence un peu incantatoire qu'il savait prendre en certaines circonstances... Qu'on en juge ! "C'est par une journée à peu près semblable que de beaucoup plus grands hommes que moi sont venus inaugurer la première bibliothèque municipale de France. Il s'agissait de Renan et de Victor Hugo (4) , Autrefois n'importe quel être humain avait le sens de sa vie ; il lui était donné par les religions, par les passions politiques... il y avait cette certitude d'être un homme. Cette certitude, elle n'est plus donnée que par la lecture.", et de conclure sur un ton gaullien, "M. le Maire et vous tous, au nom de tous ceux à qui vous aurez donné la grande fraternité des morts, et qui sans doute ne parleront jamais, je vous félicite et je vous remercie".

    De quelques partis architecturaux discutables...ou discutés

    Ma première visite d'une bibliothèque ronde se situe en 1948, lorsque désigné, en même temps que Jacqueline Viaux, Pierre Breillat et Louis Desgraves, pour participer à un séminaire de l'Unesco à Manchester, j'ai découvert la bibliothèque publique de cette ville. D'entrée de jeu son directeur nous apprit que, toute extension étant impossible, il avait décidé d'éliminer tous les ans 5% de son fonds, ce qui correspondait à peu près au volume de ses acquisitions annuelles. Nous, bibliothécaires français, obligés de garder des collections publiques... inaliénables (cf. le Décret de 1897), nous nous sommes regardés, un peu inquiets, sinon jaloux de la liberté laissée à ce collègue anglais. Lorsque je devins un bibliothécaire constructeur, pour cette raison et... pour d'autres, j'ai refusé les bibliothèques rondes. Et pourtant... j'ai contribué à en construire quelques-unes ! Qu'on sache du moins pourquoi. Les deux principales se situent à Lille et aux environs. Dans la Cité hospitalière de cette grande ville du Nord, conçue avant la guerre 39-45 par un grand architecte, Jean Walter, la bibliothèque avait été prévue à rez-de-chaussée dans l'extrémité d'une des ailes de ce bâtiment en forme d'étoile. Lorsqu'il s'est agi, après 5 ans d'interruption de chantier, de réaliser l'achèvement de cette Cité, inspecteur général des bibliothèques et directrice de la BU s'aperçurent que les surfaces accordées à celle-ci étaient beaucoup trop petits. Que faire ? L'architecte ne pouvait changer ni son plan-masse, ni l'avant projet de l'aile où elle devait se situer. Non sans mal, rendez-vous fut pris chez l'architecte lui-même, propriétaire d'un bel hôtel du Marais, où nous nous rendîmes, Robert Brun, l'inspecteur chargé du Nord, et moi-même. La seule solution qui nous fût proposée - à prendre ou à laisser (5) était de construire dans la cour qui jouxtait l'aile de la bibliothèque un bâtiment rond, assez bas pour ne pas ôter de la lumière aux occupants des ailes déjà construites. Là serait une salle de lecture, sous laquelle, dans un sous-sol obscur, nous aurions un magasin. Il fallut en passer par là, donc aménager dans des ronds une salle de lecture avec des tables rectangulaires et des rayonnages à livres, impossibles à cintrer. R. Brun fut tout de même heureux d'inaugurer ces nouveaux locaux, devenus indispensables, en octobre 1953.

    A Flers, où la Faculté des sciences de Lille devait être transférée, une bibliothèque de type "à deux niveaux" fut programmée vers les années 1962-63, comportant une première tranche de 5 000 m2, une seconde de 2 500, éventuellement une troisième. L'architecte désigné, beau-frère du Premier ministre de l'époque, tint à mettre la bibliothèque, comme nous le souhaitions, au centre de son plan-masse pour la rendre facilement accessible à tous et faire d'elle le "point fort" de sa composition. Il avait même prévu de la placer sur un tumulus pour qu'elle soit très visible et "à l'honneur". Quand il vint nous montrer son avant-projet avec une bibliothèque ronde de 7 500 m2, j'ai rappelé que 5 000 m2nous suffisaient et que le contrôleur financier ne pourrait viser une dépense que pour cette surface. Bien sûr une maîtresse de maison peut mettre sur un plateau, parmi d'autres fromages, un camembert amputé d'un tiers, mais pour un vaste bâtiment, placé sur un tumulus et vu de partout, une telle amputation était-elle acceptable ? Nos refus du projet ne durèrent pas longtemps. L'inspecteur général Jérome Seïté, responsable au Ministère de toutes les constructions de l'enseignement supérieur, me téléphone quelques jours plus tard, et compte tenu des relations amicales que nous entretenions, me prévient : "Cher ami, ou vous acceptez la bibliothèque qui vous est proposée, ou on la met dans un petit coin du plan-masse et vous ne l'aurez pas de sitôt." Que faire, sinon accepter ? Et c'est ainsi que fut construite, entre 1965 et 1967, une bibliothèque ronde aux salles publiques impossibles à surveiller, trop grande pour certaines parties, trop petite pour d'autres, de 7 540 m' !

    J'ai dit ailleurs (6) combien d'études avaient été faites pour la reconstruction de la BM de Tours et comment, de guerre lasse, la Direction avait été amenée à accepter le 25" projet conçu pour elle. Dans un volume donné et à partir de formes imposées, comment réaliser une bibliothèque vraiment "fonctionnelle" (7) R. Fillet, désigné par André Masson pour remplacer G. Collon qui, hostile au projet et surtout à son implantation, avait demandé sa mutation, en tira, on le sait, le meilleur parti.

    L'actuelle bibliothèque municipale de Lyon offre un cas de figure un peu différent. Entre 1963 et 1970 son directeur, H.J. Martin, qui avait succédé à Henri Joly, très attaché au Palais archiépiscopal où elle avait été transférée en 1913, souhaitait quitter ce bâtiment, très beau mais peu "fonctionnel" et surtout au bord de l'asphyxie. A l'occasion de plusieurs voyages que j'ai faits à Lyon, nous avons été reconnaître ensemble des emplacements disponibles que nous proposait la Ville. L'ancien adjoint d'Ed. Herriot, Louis Pradel, devenu maire, avait le goût de la pierre et le souci de transformer cette métropole aux circulations de plus en plus difficiles en une ville moderne. Il écoutait les demandes de son bibliothécaire et était bien d'accord pour construire une nouvelle bibliothèque. En 1965, reçu une fois de plus par lui, je lui fais part des inconvénients et des servitudes que nous voyions aux terrains prospectés. C'est alors qu'il nous dit : "Je vais avoir un emplacement central, très vaste lorsque l'armée aura quitté la caserne de la Part-Dieu, mais voilà, il n'y aura là que des bâtiments importants et de grande hauteur (8) . Il faudrait que votre bibliothèque ait une tour-magasin assez haute !" Sans hésitation nous avons dit oui à l'emplacement... mais c'était aussi dire oui à la tour. Celle-ci, du moins, fût conçue en matériau dur, relativement isothermique, avec des ouvertures très étroites, et y fût prévue, à défaut d'un conditionnement d'air, une climatisation qui, hélas ! n'a pas toujours donné satisfaction.

    Autre sujet de critique : pourquoi n'y-a-t-il pas eu dans la Faculté des sciences de Jussieu une grande bibliothèque ? Deux raisons au moins ont joué contre une telle création. La première, c'est le transfert à Orsay, dès 1961, de toutes les collections scientifiques de la Sorbonne - ce qui, bien-sûr, contribuait à augmenter l'asphyxie d'une bibliothèque intégrée dans des locaux d'enseignement, eux-même inextensibles. Transfert qui a permis, un temps, aux collections de sciences humaines de trouver place, mais plus rien ne subsistait alors pour constituer le noyau d'une bibliothèque scientifique digne d'une telle faculté. La seconde fut la présence à la tête de celle-ci d'un mathématicien réputé, au passé de résistant, pour lequel des collections relativement peu importantes et proches des laboratoires suffisaient pour bien travailler. Chaque secteur scienti fique, à ses yeux, devait avoir "sa" bibliothèque et, le moment venu, on trouverait bien de la place pour les installer ! Le fameux "plan en damier" que beaucoup connaissent - où chaque cour, m'a-t-il dit lorsqu'il m'a reçu, a les mêmes dimensions que celles de l'Escorial - fut approuvé à une séance mémorable du Conseil Général des bâtiments de France, exceptionnellement présidée par le ministre lui-même, André Malraux, sans que les architectes membres de ce conseil ne se sentent le droit de présenter des observations, le représentant des bibliothèques que j'étais ayant été invité à ne pas prendre la parole pour signaler... leur absence. Ce qui vient d'être décidé - construire 18 000 m2de planchers de bibliothèque à Jussieu - va répondre enfin, je le pense, aux besoins des étudiants et des professeurs qui sont sur ce site universitaire.

    Une brève anecdote avant de clore cet article. Lorsqu'en 1956 on décida d'édifier une bibliothèque des sciences à Marseille St Charles et que l'architecte fut désigné, Mr Lelièvre et moi le reçûmes plusieurs fois (il fit par la suite beaucoup parler de lui !), j'ai nommé Fernand Pouillon. Lors de sa première venue, il proposa de construire ce qui serait "la plus belle bibliothèque de France" (il faut bien sûr l'entendre avec l'accent marseillais le plus chantant), la plus économique et la plus vite édifiée, elle serait à ossature métallique et tout en verre' (9) . Sans hésiter M. Lelièvre posa la question suivante : "Monsieur Pouillon, êtes-vous jamais resté dans votre voiture, l'été, sur la Canebière, toutes vitres fermées ?" La réponse ne se fit point attendre. "Ne vous inquiétez pas, je vous ferai cette bibliothèque avec de la pierre du Pont du Gard." Ce qu'il fit.

    Beaucoup d'architectes, il est vrai, ont défilé dans mes différents bureaux, plusieurs centaines je crois, sans parler de ceux rencontrés sur des chantiers ou à la Sous-Direction des constructions scolaires et universitaires, ou à la Direction de l'architecture, rue de Valois, tel Auguste Perret, ou encore à l'étranger, tels Mies van der Rohe, I. Peï, Faulkner-Brown, et beaucoup d'autres.

    Maintenant, à quelques exceptions près, c'est par des revues d'architecture ou des articles de journaux que je fais leur connaissance.

    1. Parcours que je dois essentiellement à trois hommes : Marcel Bouteron, Julien Cain et Pierre Lelièvre, qui ont encouragé et facilité mon entrée dans le monde des bibliothèques. retour au texte

    2. Outre 4 présidents, dont 2 Français, des anciens présidents du conseil et premiers ministres, plus d'une centaine de sénateurs et députés, j'ai eu la chance, grâce aux bibliothèques, de bavarder avec un assez grand nombre d'hommes et de femmes aussi différents que Louis Aragon, Marcelle Auclair, Claude Aveline, Georges Bataille, Gaston Berger, Fernand Braudel. Roger Caillois, Robert Debré, Maurice Genevoix, Jean Guéhenno, Jean Hamburger, Michel Leiris, André Malraux, Henriette Psichari, R.P. Riquet, A. Salacrou, E. Triolet, François Truffaut... pour ne citer que des disparus. Et bien entendu, avec d'innombrables bibliothécaires français qui ont "marqué" la profession, tels que Henri Lemaître, E.Coyecque, H. Vendel, Y. Oddon, L.N. Malclès, Victorine Vérine, G. Collon, P. Poindron. retour au texte

    3. On sait quels liens existaient entre Louise de Vilmorin et André Malraux et les longs séjours qu'il fit dans cette commune de l'Essonne. retour au texte

    4. Impossible de trouver trace de cet "événement"... vraisemblablement inventé par notre illustre ministre ! retour au texte

    5. Sachant l'intérêt que les ministres de l'Education nationale portaient aux Bourses Zellidja, généreusement offertes à des étudiants par cet architecte, nous avons préféré "prendre". Quelques années plus tard sa veuve, on le sait, offrit au Musée du Louvre une collection de peintures modernes inestimable, dite donation Guillaume-Walter. retour au texte

    6. Voir mon article sur les inspections d'Henri Vendel. paru dans l'ouvrage collectif que J.M. Arnoult eut l'heureuse idée d'éditer en 1979 en hommage à son prédécesseur à la BM de Chalons-sur-Marne. retour au texte

    7. Trente ans après, c'est, mutatis mutandis . et à une autre échelle, le problème qui s'est posé aux destinataires du bâtiment conçu pour la Bibliothèque de France, dont tous les lecteurs du Bulletin connaissent le parti architectural. retour au texte

    8. Un plan-masse de ce nouveau quartier a été donné dans le n'369-70 p.86 de l'Architecture française (mai-juin 1973) consacré aux bibliothèques. Celle de Lyon y fait presque figure de petit bâtiment. Plans et photographies en sont donnés pp. 53-55. retour au texte

    9. Cette solution qui, depuis 1975, a été souvent adoptée (cf. l'article de Michel Melot, pp. 545-567 dans le T. IV de l'Histoire des bibliothèques françaises) supposait une maîtrise, qu'on n'avait pas alors, de la chaleur et de l'ensoleillement, ainsi que la fabrication de verres spéciaux très coûteux, sans parler d'un conditionnement d'air qui, à l'heure actuelle, reste encore assez onéreux et parfois... aléatoire. retour au texte