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    Dénormalisation ou renormalisation

    Par Jean-Paul Gaschignard, Bibliothèque du Cher

    Après avoir relégué nos vieilles fiches bristol dans les oubliettes de l'histoire, les formats MARC sont-ils menacés du même sort par la déferlante Internet, les formats logiques de balisage de l'information (SGML) et la numérisation croissante de l'information ? » Le texte d'introduction à la journée «Catalogues du futur, futur des catalogues », organisée par l'Observatoire de l'information bibliographique et documentaire, n'y allait pas de main morte. L'idée de la disparition des catalogues ne date pas d'hier (1) , mais ressurgit aujourd'hui sous des formes nouvelles.

    Selon les uns, SGML constitue une couche logique supplémentaire, par dessus le format, qui est utilisée parce que de plus en plus de logiciels documentaires se servent de balises SGML. C'est la conception que présente Jacques Ducloy dans son article (2) , et que l'on retrouve dans l'exemple de notice UNIMARC en SGML présenté dans L'Art d'informatiser une bibliothèque (3) .

    Selon d'autres, la structuration selon SGML ferait disparaître la nécessité même d'un catalogage. « Les éditeurs sont en mesure de filtrer les données en cours d'édition, non seulement pour réaliser des produits sur différents supports, mais aussi pour extraire du document les éléments descriptifs du catalogage, incluant les mots clés et les résumés des auteurs. " Comme le note Catherine Lupovici, il s'agirait d'un « catalogage dans la publication », prenant le relais d'un catalogage avant publication encore très balbutiant en France.

    Mais de quoi parle-t-on alors ? S'agit-il de dire qu'il existe déjà des logiciels des bases en texte intégral exploitées de cette façon, ou de dire que cette façon de faire remplacera les catalogues actuels ? Suppose-t-on que tous les documents sur papier des bibliothèques seront aussi disponibles, dans les mêmes établissements, sous forme électronique ? Si oui, parle-ton vraiment des bibliothèques de lecture publique (car nous rencontrons souvent de bons auteurs pour qui n'existent, apparemment, que des bibliothèques scientifiques ou spécialisées) ? Ce qui est gênant, dans les déclarations futuristes, c'est que leurs auteurs ne disent jamais comment vont se réaliser leurs prophéties, dans quels champs d'application, à quelles échéances, en ayant à surmonter quelles contraintes.

    Le catalogage dans la publication, tout comme le catalogage avant publication, épargnera beaucoup de temps aux bibliothécaires, si, et seulement si, il peut devenir précis et fiable. En est-on sûr? Les expériences actuelles de catalogage avant publication, dans la base Électre par exemple, laissent quelques doutes. Les imprimeurs, tous les imprimeurs, vérifieront-ils systématiquement que chaque balise a été choisie convenablement ? On peut vérifier automatiquement la cohérence logique d'un balisage, mais on ne peut pas vérifier son contenu. Espérer une telle discipline, de la part d'autant d'entrepreneurs indépendants, dispersés, et qui doivent faire face à des charges de travail importantes, semble pour le moins hasardeux.

    Et si la nouveauté n'était pas toujours là où on l'attend ? (et si cette imprévisibilité était justement, par essence, une de ses principales caractéristiques, et faisait l'essentiel de son charme ?)

    Et si certains outils des bibliothèques, comme les fichiers d'autorité, en se perfectionnant, se répandaient dans le monde des systèmes documentaires, par exemple pour gérer des fichiers de fournisseurs ? Et si une des difficultés principales de cette explosion documentaire que nous vivons était le bruit, la difficulté à trouver exactement ce que l'on recherche ? Et si la tendance générale allait non pas dans le sens d'un traitement au kilomètre en masse, avec peu de contrôle de qualité, mais au contraire dans le sens d'un renforcement des contrôles de qualité et des règles de normalisation ?

    Simples hypothèses, bien sûr, mais qui en valent d'autres. L'évolution actuelle, dans les bibliothèques, va bien dans le sens d'un renforcement de la normalisation : Recommandation 995, travaux sur les données locales, formats des notices d'autorité, usage des normes et des formats dans les logiciels... Il y a du ménage à faire. Une bonne part de cette normalisation - cet ensemble «règles de catalogage + formats informatiques + normes de fait aujourd'hui solidaire et indissoluble - date encore de l'ère du papier. Nous devons la faire évoluer pour l'adapter à l'informatique. Il nous faut prendre en compte tous les types de bibliothèques, et partir des usages réels qui en sont fait avec les logiciels, et non de discours théoriques parfois sévèrement démentis par la réalité. Cela se fait, parfois lentement. La tendance est bien à la renormalisation, et non pas à la dénormalisation.

    1. Alain Jacquesson, L'Informatisation des bibliothèques, Paris, Électre-Éd. du Cercle de la Librairie, 2" éd., 1995. retour au texte

    2. Jacques Ducloy. -Le nouveau rôle des bibliothèques dans le cadre d'Internet et des info-routes , in Les Nouvelles Technologies dans les bibliothèques, Michèle Rouhet (dir.), Paris, Électre-Éd. du Cercle de la Librairie. 1996, p. 1734, et plus particulièrement p. 22. retour au texte

    3. Pierre-Yves Duchemin, Paris, Électre-Éd. du Cercle de la Librairie, 1995, p. 156. retour au texte