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    Culture Bleue

    La bibliothèque départementale de prêt de l'Ardèche propose une offre culturelle inédite pour les séniors

    Par Nelly Vingtdeux, direct BDP de l'Ardèche
    Par Philippe Souchu, bibliothécaire Association AD HOC
    Leur autrefois fut immense et nul n'a le droit de le recroqueviller en une enveloppe dérisoire. Ils n'ont pas prétendu figurer au nombre des grands et, toutefois, j'ai découvert de la grandeur en eux. Et, malgré les tracasseries de l'âge, il leur arrive de respirer la douce lumière du soir. Pierre Sansot

    Le véhicule « Culture Bleue » sillonne le département depuis février 1998, animé par une belle vocation: apporter aux personnes âgées un service culturel correspondant à leurs besoins et à leur situation. Une fois par mois, le bus « Culture Bleue » de la Bibliothèque départementale de prêt de l'Ardèche va à leur rencontre, avec des livres tout spécialement choisis pour eux. Il fait principalement étape dans les foyers-résidences et maisons de retraite du département. Mais sa fréquentation est également étendue aux personnes âgées vivant encore à leur domicile. Le bus « Culture Bleue » ne se limite pas à la diffusion de livres. Chacun de ses passages est l'occasion d'animations.

    « Culture Bleue » mérite l'attention des professionnels des bibliothèques sur deux plans majeurs: une offre, unique à ce jour en milieu rural, de service de lecture et de culture à un public spécifique et une fédération des acteurs sociaux, culturels et thérapeutiques autour d'un projet initié par la Bibliothèque départementale de prêt. Nous avons pensé, avec Nelly Vingtdeux, directrice de la BDP de l'Ardèche, que la présentation d'un projet associant autant de partenaires ne pouvait se faire sans leur laisser la parole, pour cerner ainsi les différentes logiques. La coopération inaugurée pour « Culture Bleue »est sans doute, pour la bibliothèque, la clé de l'élargissement de sa démarche de rencontre de publics nouveaux. Sont donc ici conjugués les propos : des responsables du projet « Culture Bleue » à la BDP, des partenaires intellectuels et financiers, enfin des acteurs de terrain. Notre ambition aura été de rendre ici sensible aussi bien la teneur de ce projet en direction d'une population que la méthode qui a permis sa réalisation.

    Un réseau d'offre culturelle de proximité et un lien avec le monde

    Bulletin de VABF

    Quelle est la finalité de « Culture Bleue - ?

    Nelly Vingtdeux Le projet Culture Bleue est parti d'un constat. Nous savons que les personnes âgées sont des lecteurs passionnés ; pourtant, arrivés à un certain âge, ces lecteurs ne fréquentent plus la bibliothèque : problèmes de vue, difficultés ou crainte de sortir, handicaps physiques, ou vie en maison de retraite...

    Il fallait donc trouver un moyen pour contribuer à approvisionner en ouvrages ces personnes, nombreuses dans le département. Tout en respectant leurs différences, leurs réticences et en ayant cet objectif : que la finalité de la bibliothèque ne soit pas exclusivement la diffusion des livres mais aussi le maintien d'un lien social, que la vieillesse, la maladie, l'exclusion de la société des gens jeunes et actifs ont rompu. La finalité du projet Culture Bleue » est donc à l'intersection du culturel et du social.

    ABF Parlez-nous un peu de la genèse du projet...

    Nelly Vingtdeux En 1994, l'ensemble du territoire du département est éligible au bénéfice du Programme de développement rural initié par la Communauté européenne au titre du développement des villages. Le soutien aux activités culturelles est un axe affirmé du PDR et c'est dans le cadre de ce dispositif que va se mettre en oeuvre Culture Bleue ».

    Le Conseil général de l'Ardèche reçoit donc le concours du FEDER (Fonds européen de développement des espaces ruraux) en faveur de l'opération. Ce fonds, rappelons-le, finance un projet dans le but de sa formalisation et de son expérimentation afin d'envisager sa reproductibilité. Pour développer le projet, nous avons alors recruté une contractuelle de catégorie A, Hélène Bouisset, spécialisée en gérontologie et en développement culturel, particulièrement dans le domaine du livre.

    Des idées, du temps et des rencontres...

    ABF Comment « Culture Bleue » devient-il le projet d'envergure que nous connaissons aujourd'hui ?

    Nelly Vingtdeux Ce projet d'offre et d'activités culturelles dont la bibliothèque est porteur s'avère être un outil très intéressant de prévention du vieillissement et de contribution à la qualité de la vie des personnes âgées. C'est pourquoi, avec la Direction de la solidarité départementale et le Service d'aide aux personnes âgées en particulier, nous en développons l'aspect social et thérapeutique. Ce lien de l'action culturelle et de l'action sociale est le « sésame ouvre-toi d'autres financements qui permettent à « Culture Bleue » de prendre sa dimension actuelle. Au financement initial du département, de la Communauté européenne, de la DRAC et du CNL, vont ensuite venir s'ajouter ceux de la Caisse régionale d'assurance maladie, de la région Rhône-Alpes, de la Fondation de la Caisse d'épargne, de caisses de retraites, etc. Tous ces financements autres que ceux du Conseil général rassemblent plus de 1,5 million de francs sur trois ans.

    La multiplication de partenaires financiers sur un projet innovant et expérimental a donc entraîné logiquement la constitution d'un Comité de pilotage qui évalue à mesure sa mise en oeuvre. Chaque partenaire en effet finance « Culture Bleue », dont la BDP est maître d'oeuvre technique, pour des objectifs qui lui sont propres. Il est normal et enrichissant pour la conduite d'un projet que son développement soit évalué, contrôlé et si nécessaire réorienté. Ce Comité de pilotage inclut également un ingénieur d'études du Centre pluridisciplinaire de gérontologie de l'université Pierre Mendès France de Grenoble. Ses points de vue théoriques sont essentiels à la qualité de l'évaluation de Culture Bleue ».

    Nous avons également établi des liens avec les acteurs de terrain : l'Association des directeurs d'établissements pour personnes âgées, la Fédération des associations d'aide à domicile en milieu rural, la Fédération hospitalière de France, les associations de retraités et clubs du 3eâge de l'Ardèche, etc. pour insérer « Culture Bleue dans le tissu des initiatives locales.

    La parole aux partenaires...

    Le Service d'aide aux personnes âgées de la Direction de la solidarité du département de l'Ardèche

    ABF Monsieur Ribes, Nelly Vingtdeux nous a parlé de l'importance qu'avait eu pour le développement de « Culture Bleue » la collaboration de la Direction de la solidarité départementale et particulièrement du Service d'aide aux personnes âgées que vous dirigez... Pouvez-vous nous dire deux mots de la nature de cette collaboration ?

    Jean-Luc Ribes, chef du Service d'aide aux personnes âgées du département de l'Ardèche

    Dans un souci de desserte de public spécifique et de dynamisation de certaines de ses bibliothèques locales, la Bibliothèque départementale a conçu le projet culturel » Culture Bleue pour lequel elle avait déjà reçu un financement européen. « Culture Bleue » nous a été soumis pour le financement du volet social du projet. Nous avons donc travaillé ensemble à en développer la dimension médico-sociale en y intégrant d'une part la prévention du vieillissement intellectuel et de la dépendance psychologique, d'autre part le développement de la vie sociale des personnes en établissements d'accueil.

    Cette collaboration entre deux services du Conseil général a généré d'autres partenariats suscités par cette dimension médicosociale de Culture Bleue (CRAM, organismes d'assurance vieillesse, autres collectivités locales, etc.). « Culture Bleue est donc un projet pilote non seulement par son contenu, mais aussi par cette mutualisation de moyens techniques et financiers sur l'action gérontologique.

    ABF Quels sont les objectifs propres d'un service social comme le vôtre dans la conduite d'un tel projet ?

    Jean-Luc Ribes Pour nous, le premier de nos objectifs est la prévention du vieillissement, l'amélioration de la vie en établissement et le développement de la vie sociale par le biais des propositions d'activités culturelles faites aux personnes âgées. Ces activités qui sont aussi destinées aux personnes âgées qui vivent à leur domicile et aux retraités dynamiques sont des facteurs d'ouverture des établissements. Le rapprochement actif des générations (par exemple des activités menées en commun entre personnes âgées et enfants des écoles) vise à briser l'isolement et l'enfermement des personnes âgées. Notre but, au fond, est l'ouverture l'un à l'autre du village et de l'établissement d'accueil.

    Le deuxième de nos objectifs est de catalyser et de coordonner les initiatives locales déjà en prise sur la vie des personnes âgées.

    Le troisième de nos objectifs est plutôt d'ordre méthodologique : il s'agit de produire des normes d'animation... Les établissements d'accueil sont soumis à quantité de normes concernant la sécurité, l'hygiène, la restauration, etc. Mais il n'existe rien qui concerne leur animation. Tout en respectant les désirs et potentialités des usagers, l'action qui est menée doit privilégier le recours aux supports culturels (fonds documentaire multimédia, ateliers de lecture, etc.) et la participation active des personnes âgées ; elle doit faire en sorte que l'animation ne se cantonne plus à de simples activités du type occupationnel et passif.

    ABF Pourquoi aviez-vous besoin d'un partenariat avec la bibliothèque ?

    Jean-Luc Ribes La Bibliothèque départementale est un service public qui maîtrise parfaitement l'action culturelle ; ses compétences en ce domaine et dans celui de la gestion d'actions en réseau sur un territoire présentent toute garantie contre la déperdition des moyens dont nous sommes comptables. Outre son intervention propre dans les établissements, l'action de la Bibliothèque départementale dans le cadre de " Culture Bleue vise la dynamisation, la coordination et la formation des divers acteurs locaux de la vie des personnes âgées. Bien loin de se substituer aux initiatives locales, aux clubs du 3eâge, la Bibliothèque départementale offre aux associations, aux personnalités locales, aux agents d'établissements ou d'aide à domicile des moyens d'optimisation de leurs initiatives. C'est là un domaine où la BDP, par l'animation de son réseau de bibliothèques locales, d'associations, de bénévoles et de communes, a acquis un grand savoir-faire.

    Des partenaires financiers...

    La Fondation de la Caisse d'épargne

    ABF Pourquoi la Fondation de la Caisse d'épargne a-t-elle été amenée à soutenir « Culture Bleue » ?

    Henri Duplain, secrétaire général de la Caisse d'épargne Loire-Drôme-Ardèche

    L'objectif de la Fondation est de soutenir des actions de prévention de l'exclusion en faveur de trois catégories de population : les personnes illettrées, les personnes au chômage, les personnes âgées ou très âgées. Le but de notre soutien est la prévention de la marginalisation de ces personnes avec tout son cortège de dépendances et d'humiliations. Ce but est dans le droit fil de celui des pères fondateurs des Caisses d'épargne qui souhaitaient, au début du XIXesiècle, promouvoir l'épargne populaire pour combattre la marginalisation liée au paupérisme.

    « Culture Bleue s'inscrit exactement dans les objectifs que nous poursuivons en direction des personnes âgées. Parfaitement argumenté, ce projet a immédiatement retenu notre attention. Personnellement, c'est le meilleur projet, dans le domaine concerné, que j'ai jamais eu à présenter au Comité de gestion de la Fondation.

    ABF Qu'est-ce qui, selon vous, fait la qualité de "Culture Bleue» ?

    Henri Duplain Parmi les excellents projets qui nous viennent régulièrement de l'Ardèche, dont la vie associative est très riche, c'est le premier qui émane d'une bibliothèque. C'est un projet innovant et, ce qui est un critère essentiel pour nous, reproductible.

    La conception du projet, l'ensemble des perspectives d'action (desserte, ateliers, travail inter-générationnel, dynamisation du tissu local) et le public bénéficiaire entraient parfaitement dans nos critères d'éligibilité.

    Nous avons été également sensibles à la place faite aux personnes âgées elles-mêmes comme acteurs du projet, ce qui rompt cette spirale de l'assistance et de la dépendance contre laquelle s'inscrit notre Fondation.

    L'aspect dynamisation, enfin, des acteurs locaux mobilisés sur la vie des personnes âgées nous a également semblé être une dimension intéressante de « Culture Bleue » ; c'est pour nous la clé d'une démultiplication de l'action qui reste proche néanmoins du terrain et des besoins exprimés.

    ABF Gardez-vous le contact pendant toute la mise en oeuvre du projet ?

    Henri Duplain Certainement. Sa généralisation offre des perspectives très intéressantes, notamment en ce qui concerne les personnes âgées à domicile. J'ai eu la chance de suivre une tournée sur le terrain... Le dossier était formidable ; l'action l'est bien davantage encore, menée par des personnes de grande qualité. Nous sommes fiers d'avoir pu contribuer à la mise en oeuvre de Culture Bleue ».

    La Caisse régionale d'assurance maladie

    ABF Madame Huilier, vous êtes responsable de la CRAM Rhône-Alpes, qu'est-ce qui a décidé de votre participation au projet « Culture Bleue »?

    Joëlle Huillier, sous-directrice de la CRAM Rhône-Alpes Nelly Vingtdeux a présenté le projet "Culture Bleue conjointement à la CRAM et au Service santé-solidarité du Conseil régional. Il a immédiatement retenu notre attention. Nous sommes en effet favorables au maintien à domicile des personnes âgées, et nous considérons comme des domiciles les loge-ments-foyers auxquels s'adresse « Culture Bleue ». Nous sommes soucieux de la qualité de la vie de ces personnes et les activités culturelles et de loisirs sont un élément essentiel de cette qualité de vie.

    ABF Quelle est la nature de votre participation au projet?

    Joëlle Huillier Notre participation est financière et concerne l'investissement. Ce financement s'étale sur trois années au maximum. Il est lié, par convention, à l'existence d'un Comité de pilotage du projet qui évalue progressivement ses résultats et son intérêt. Notre mission est de permettre le démarrage d'initiatives locales qui, sur cette période, doivent trouver des moyens de pérennisation.

    ABF Quel besoin spécifique aviezvous de bibliothèque ?

    Joëlle Huillier Nos objectifs concernent la vie quotidienne des personnes âgées. Plutôt que de passer des appels d'offres de services, nous favorisons des initiatives de terrain, portées par des acteurs locaux en prise directe avec des réalités sociogéographiques extrêmement diverses. "Culture Bleue », portée par la Bibliothèque départementale de l'Ardèche, est pour nous une très intéressante opportunité.

    Le conseil régional

    ABF Comment la région Rhône-Alpes est-elle devenue partenaire du projet « Culture Bleue - ? Martine Robin, chef du Bureau santé-solidarité de la région Rhône-Alpes

    Lorsque le dossier Culture Bleue » a été présenté à la région, il était déjà, du fait de la collaboration d'un service culturel et d'un service social du département de l'Ardèche, très travaillé et son contenu s'inscrivait parfaitement dans la perspective des objectifs qui sont ceux du conseil régional.

    ABF Quels sont précisément ces objectifs ?

    Martine Robin Sans compétence explicite en matière sanitaire et sociale, la région Rhône-Alpes a choisi de développer, dans le domaine de la prévention sanitaire et de la promotion de la santé, une politique volontariste. Les actions soutenues sont prioritairement menées en direction des jeunes, mais « Culture Bleue nous a intéressés dans la mesure où ce projet, s'adressant à une population âgée, se développe dans une perspective de prévention de la dépendance intellectuelle. La dimension du projet concernant l'action contre l'isolement des personnes âgées, qui plus est dans des territoires ruraux, a également motivé notre adhésion. Cette dimension territoriale du projet est à nos yeux essentielle.

    Vous n'ignorez pas que la Région est une collectivité qui n'a pas de compétence obligatoire en matière de lecture publique. Ce n'est pas sur un budget culturel, mais sur un budget santé que le projet a été soutenu. Il nous a en effet semblé que la transversalité « social-culture » du projet était une expérimentation qu'il convenait de soutenir et de suivre ; l'intérêt et l'originalité de « Culture Bleue » sont bien sûr, pour nous, le service développé en direction des personnes, mais aussi sa méthodologie qui associe deux services d'un conseil général pour structurer une opération sur l'ensemble d'un territoire.

    Pour une collectivité comme la Région, cette notion de maillage territorial des actions est très importante ; nous suivons donc « Culture Bleue » attentivement dans la perspective de sa reproductibilité.

    ABF Quelles sont les instances qui vous permettent de suivre l'évolution du projet?

    Martine Robin Nous sommes partie prenante du Comité de pilotage qui évalue et qui réoriente progressivement, si nécessaire, « Culture Bleue ". Le dernier bilan a été tout à fait satisfaisant. La multiplication de coordonnateurs locaux du projet devrait maintenant permettre la réelle extension du service aux personnes âgées à domicile. C'est là une dimension de « Culture Bleue à laquelle nous sommes très attentifs.

    « Culture Bleue » sur le terrain...

    ABF Hélène Bouisset, vous êtes au sein de l'équipe de la BDP, responsable de Culture Bleue ». Sur le terrain, comment est conduite l'action ?

    Hélène Bouisset La desserte des établissements par « Culture Bleue se fait dans la même logique de réseau que celle qui organise les bibliothèques communales du département. L'interaction entre la bibliothèque municipale locale et l'établissement de personnes âgées est d'ailleurs pour nous une donnée fondamentale. La dynamique culturelle locale nécessite cette collaboration entre la commune, la bibliothèque, l'établissement, collaboration que nous formalisons par une convention qui engage réciproquement la commune et le conseil général.

    « Culture Bleue installe donc dans les établissements des dessertes de bibliothèques spécialisées, constituées de livres en gros caractères, d'audiolivres, de compact-disques, de vidéos. La bibliothèque est aménagée au sein de l'établissement et ouvre ses portes de façon régulière aux résidents, ainsi qu'aux personnes extérieures à la maison de retraite.

    Un bibliobus Culture Bleue », aménagé avec des postes de lecture adaptés, un espace d'écoute d'audiolivres et de disques, et bien entendu des ouvrages en gros caractères, se rend une fois par mois dans chacun des établissements et s'installe pour toute une journée. Ce bus est l'emblème de « Culture Bleue » :un outil de liaison. La réalité du projet est plus large : un réseau de dessertes, d'ateliers, d'animations, de compétences, de professionnels, de bénévoles et de moyens.

    ABF Pouvez-vous nous raconter une journée de votre travail ? Hélène Bouisset La matinée est consacrée au prêt de livres, aux contacts directs de la personne âgée avec les ouvrages qui constitueront le fonds de la bibliothèque de l'établissement, aux échanges sur fond d'accordéon ou de Brassens, à la lecture des journaux à l'aide des téléagrandisseurs installés à cette intention...

    L'après-midi est réservée à l'animation. Les ateliers proposés ne se substituent pas à l'animation de l'établissement ; ils ont pour vocation d'être, au travers du plaisir que procurent le livre et la lecture, des générateurs d'ambiance dans lesquels la personne âgée peut exprimer sans danger pour elle (dans le contexte positif et dédramatisé d'une activité culturelle) ses angoisses, ses préoccupations, ses attentes.

    Ces tournées revêtent souvent pour les personnes à qui elles sont destinées une grande importance : à Ruoms, par exemple, nous avons eu, dans le bibliobus » Culture Bleue », la visite d'un centenaire qui, à la lecture d'un article du Dauphiné Libéré le concernant a eu du mal à contenir son émotion. Les résidents et le personnel avait organisé pour lui une fête en présence de tous les siens. En fait, sa surdité était telle qu'il n'avait pu entendre le témoignage de ses enfants et petits-enfants. Il n'avait pas osé le dire et il découvrait soudain dans le téléagrandisseur ce qui s'était dit sans qu'il l'entende au cours de ce jour mémorable.

    ABF Pouvez-vous nous décrire un peu les ateliers ?

    Hélène Bouisset Ces ateliers ont toujours comme support de base les livres et ont tous comme fil conducteur les sens. Outre l'aspect ludique de reconnaissance des saveurs et des odeurs (entre autres choses), ils permettent l'émergence de la mémoire des plaisirs du passé, ils plongent la personne âgée dans un autre univers de communication où les mots et le langage rationnel sont de moindre importance, donc moins dévalorisant pour celui qui sent sa mémoire lui échapper. Ils peuvent, les sens en éveil, se laisser aller à la rêverie et à la méditation.

    Stimulées sensoriellement, les personnes âgées retrouvent, par le plaisir, une gymnastique intellectuelle qui participe à la prévention du vieillissement intellectuel et de la dépendance physique. Un exemple... Lors d'un atelier du goût, où nous avions, autour de plusieurs pots de confiture et de représentations de natures mortes de grands peintres, amorcé une discussion sur le sucre, une dispute mémorable s'éleva entre les participants sur la meilleure façon de sucrer la confiture d'orange amère. Rendez-vous compte : ces personnes ne cuisinent plus depuis des lustres, et là, d'un coup, j'avais les meilleures cuisinières du canton qui étaient prêtes à se crêper le chignon pour expliquer leur recette. Je suis capable aujourd'hui de confectionner toutes les confitures, de la rose à la rhubarbe... mais je ne sais toujours pas les sucrer correctement !

    Plusieurs supports sont utilisés dans les ateliers. Ainsi un atelier littéraire sur le thème des oiseaux abordera, grâce aux livres, la mythologie, les légendes, les expressions où les noms d'oiseaux sont utilisés ; des chants d'oiseaux pourront accompagner ces lectures. Ainsi, qui de la fauvette, de l'alouette ou du coucou sera reconnu ? Peut-être que certains se souviendront du temps où ils gardaient les bêtes et connaissaient tous les chants mystérieux qui peuplent nos campagnes... D'autres raconteront que les oiseaux ne chantent plus de la même façon, ou indiqueront quelle espèce on peut encore voir si l'on est chanceux...

    Chaque livre sera l'occasion de se souvenir et de partager. Les odeurs, les histoires, les souvenirs, les mythes, les légendes, les goûts, les ambiances sonores contribuent à cette possibilité de s'immerger ou de se recréer un espace privé dans un espace collectif. Soyons attentif à ceci : chaque livre est une chance. Rien ne doit être désinvolte dans la proposition culturelle que nous mettons en place.

    Des ateliers intergénérationnels ont également vu le jour et aboutissent à une exposition. Les enfants d'une classe de CE2 et les résidents du foyer-logement d'Alboussière ont échangé durant une année leurs impressions sur l'école. Ils ont parlé de tout sans tabou et fausse pudeur : les punitions, les jeux, les souvenirs bons et mauvais. Les uns ont écrit un livret pour laisser une trace de ces longues discussions avec les anciens ; les autres ont fouillé leurs greniers et ont participé à la réalisation de l'exposition. Ils l'ont inaugurée ensemble récemment.

    La parole à un chef d'établissement...

    ABF Monsieur Barrai, vous êtes responsable du foyer-logement d'Alboussière qui est l'un des cinq sites-pilotes de « Culture Bleue » en Ardèche ; pouvez-vous nous le présenter ?

    Daniel Barrai, directeur du foyerlogement Le Grand Pré d'Alboussière

    Ce foyer-logement dispose de soixante lits. Il n'offre pas de cure médicale, juste un forfait soins courants, il s'inscrit dans un environnement rural. Ici, l'animation des personnes âgées a toujours été une préoccupation et nous avons une salle dédiée à cette activité. La commune d'Alboussière est le siège de la Bibliothèque intercommunale, dont bénéficiaient déjà nos résidents. Cette bibliothèque, son équipe et l'intérêt qu'y porte la commune ont été des éléments déterminants dans la sélection de notre établissement pour devenir l'un des sites-pilotes de « Culture Bleue ».

    ABF Concrètement, que signifie « Culture Bleue » pour un établissement comme le vôtre ?

    Daniel Barrai Cela signifie d'abord des aménagements, ensuite de la formation, enfin de la sensibilisation.

    Des aménagements : la salle d'animation a été transformée pour que la bibliothèque puisse s'y installer ; il ne s'agit pas seulement de livres, mais aussi de cassettes, de téléviseurs, de magnétoscopes, d'équipement haute-fidélité.

    De la formation : l'une des aides-soignantes était déjà bénévole pour la bibliothèque d'Alboussière. Une autre aide-soignante s'est jointe à elle et a reçu une formation adéquate.

    La mobilisation du public enfin s'est faite naturellement à partir des ateliers d'animation qui fonctionnaient déjà...

    ABF L'impact des actions « Culture Bleue » sur son public est-il perceptible ?

    Daniel Barrai Cet impact est tout à fait perceptible. Le foyer-logement est devenu en quelque sorte l'annexe de la bibliothèque communale pour les personnes âgées. Elles viennent ici pour trouver les collections qui leurs conviennent. Ce mouvement de va-et-vient entre l'établissement et le village est une formidable opportunité d'ouverture ; d'autre part l'établissement est ainsi bien connu par des personnes qui l'intégreront peut-être à terme .

    Du point de vue des personnes maintenant, celles qui sont volontaires pour les ateliers y sont très attachées. Elles y passent, me disent-elles toutes, de bons moments. Les activités des ateliers permettent la valorisation des personnes et leur intégration dans le groupe. Une anecdote : l'une d'elles un peu marginalisée a été la seule, tout au long des ateliers sur les odeurs, à reconnaître toutes les odeurs qui étaient à identifier. Cette performance lui a valu une notoriété certaine et une reconnaissance insoupçonnée à partir d'une compétence difficile à mettre en évidence. Les thèmes d'atelier doivent donc se renouveler pour stimuler l'intérêt et pour fournir à chacun la chance d'une valorisation et d'une reconnaissance.

    « Culure Bleue peut aussi avoir un impact sur les relations entre générations Un atelier spécialisé, issu d'animations qui avaient été conduites sur la mémoire, a permis, sur le thème de l'école, une rencontre régulière entre personnes âgées et élèves de l'école primaire. Non seulement les personnes âgées sont heureuses de rencontrer des jeunes, d'être stimulées dans leurs souvenirs, mais les jeunes de leur côté bénéficient d'informations sur l'évolution de l'école qu'ils fréquentent... Ce travail a débouché sur une exposition qui vient d'être inaugurée.

    L'ensemble des activités constitue une aide psychologique pour les personnes âgées et cela est sensible au niveau même des soins dispensés.

    ABF Le projet est encore dans une phase expérimentale. En tant qu 'établissement- pilote, jouez-vous un rôle sur les orientations du projet ?

    Daniel Barrai Oui, il y a régulièrement des réunions de concertation entre les sites-pilotes et les responsables de la BDP. Il s'agit surtout d'une instance d'évaluation ; en fait, nous vérifions les hypothèses de travail... par exemple, il apparaît, à l'usage, que les téléagrandisseurs doivent être disponibles sur les sites et non seulement à bord du bus « Culture Bleue La lecture du courrier et celle de la presse locale sont vraiment des liens avec l'extérieur qui doivent être activables à tout instant. Voilà le genre de réflexions auxquelles nous contribuons aujourd'hui.

    ABF Comment s'est faite la sensibilisation des établissements à « Culture Bleue » ?

    Daniel Barrai En Ardèche, l'Association des directeurs d'établissements est très active. C'est un espace de réflexion et de circulation de l'information. Cette association est un partenaire régulier de la Direction départementale de la solidarité. Comme la BDP et la Direction de la solidarité sont deux services du département qui ont étroitement collaboré à ce projet, la sensibilisation a donc été rapide et efficace. En plus de son contenu innovant, la concertation, la collaboration et la communication sont des caractéristiques majeures de la démarche des initiateurs de « Culture Bleue ».

    Demain, la généralisation du projet...

    ABF Ces actions vont-elles être étendues à l'ensemble du département?

    Jean-Michel Paris, directeur adjoint de la BDP de l'Ardèche.

    Le service « Culture Bleue » correspond à un besoin individuel du public, besoin d'autant plus vif qu'il est trop souvent non formulé (comme c'est le cas en ce qui concerne de nombreux besoins culturels), et à un besoin collectif dans la mesure où il répond à une forte attente des chefs d'établissements. La première phase de ce service, celle de sa mise en oeuvre, s'est faite par l'ouverture de relais expérimentaux et nous travaillons aujourd'hui à la création de sites supplémentaires d'ici la fin de l'année. Les demandes de créations de bibliothèques en établissement se font de plus en plus pressantes.

    Nous souhaiterions pouvoir étendre le service à l'ensemble des établissements de l'Ardèche. Une telle opération demande évidemment de gros moyens financiers et humains. Le département travaille à cette probable généralisation.

    ABF Pouvez-vous détailler un peu ces moyens ?

    Jean-Michel Paris La couverture du département demande la création de 70 relais installés au sein de différents établissements, répartis sur le territoire avec la mission de rendre également ce service aux personnes âgées à domicile. Le réseau sera organisé de telle sorte que chaque site regroupe trois ou quatre établissements ; il y aura donc au bout du compte une vingtaine de sites. Sur chacun des sites, sera employé un coordonnateur qui sera en charge des animations « Culture Bleue ", de la gestion des bibliothèques des établissements, ainsi que des prêts à domicile. Les coûts salariaux seront mutualisés sur plusieurs établissements, ce qui rendra ces créations d'emplois tout à fait réalisables.

    Le calendrier de mise en place de ce dispositif prévoit d'abord une première tranche d'ouverture de 35 établissements, puis une deuxième tranche d'ouverture de 35 autres établissements.

    La couverture de l'ensemble du département signifie donc l'embauche de 20 coordonnateurs locaux Culture Bleue sur l'ensemble du réseau, ainsi que l'embauche de 4 agents sur le site central de la BDP. La mission de cette équipe centrale sera de coordonner l'ensemble des sites, de développer le réseau, de mettre à jour les animations, de faire les acquisitions, de traiter les collections et, bien sûr, de former les responsables locaux.

    Cette couverture de l'ensemble du département nécessitera l'acquisition et le maintien à jour d'une collection de 14 000 documents environ, d'un téléagrandisseur par site ; il nécessitera également la définition d'un budget annuel d'animation conséquent, ainsi que celle d'un budget de formation des personnels.

    Des emplois en général... et des jeunes en particulier

    ABF Pouvons-nous revenir un instant sur les embauches de coordonnateurs locaux ?

    Jean Michel Paris L'extension de « Culture Bleue à l'ensemble du département est un projet d'envergure. Les 24 personnes embauchées le seront au titre du programme « nouveaux emplois-nouveaux services Le recrutement ne se fera pas au coup par coup, mais selon des modalités communes à l'ensemble du dispositif. L'ampleur du projet nous a amenés à travailler conjointement avec la préfecture et la Direction du travail de façon à définir les différents profils de postes et à évaluer de façon cohérente la formation nécessaire à l'accomplissement de ces nouveaux métiers.

    Au terme des cinq premières années, la rémunération des coordonnateurs sera prise en charge par les établissements eux-mêmes.

    Le point de vue d'une universitaire, associée à « Culture Bleue »

    ABF Sylvie Tourneur, vous êtes ingénieur d'études et responsable de la formation au Centre pluridisciplinaire de gérontologie de l'université Pierre Mendès France de Grenoble d'une part et bibliothécaire et psychogérontologue d'autre part ; vous faites partie du Comité de pilotage de « Culture Bleue ». Comment en envisagez-vous l'évaluation ?

    Sylvie Tourneur, Centre pluridisciplinaire de gérontologie de l'université Pierre Mendès France Nous préparons actuellement l'évaluation de la mise en oeuvre de « Culture Bleue » sur l'un des sites-pilotes. Mais pour vous aider à comprendre la façon dont nous envisageons l'évaluation, il peut être utile, je crois, de faire un peu un retour sur la méthode mise en oeuvre pour la réalisation du projet, dont la caractéristique est le partenariat entre des institutions oeuvrant dans des champs distincts : celui de la culture et celui du médico-social. J'ai animé, en Ardèche, une journée de réflexion entre professionnels et bénévoles des différents champs sur cette question du partenariat.

    La définition d'un tel partenariat suppose en premier lieu une définition des finalités du projet au-delà des logiques propres à chacun des champs professionnels. Ce dépassement des logiques sectorisées passe forcément par une mise en question du regard que l'on pose de part et d'autre sur la vieillesse. Ainsi, développer une politique de lecture en direction des personnes âgées, ce n'est ni utiliser les professionnels de l'action gérontologique comme relais, ni mettre les professionnels de l'action culturelle au service de l'animation des établissements. Les professionnels de ces deux champs doivent plutôt se rencontrer sur la question du lien social et concevoir que le champ de la gérontologie est un champ parmi d'autres, comme l'illettrisme, l'exclusion sociale, la petite enfance...

    ABF Comment cela détermine-t-il l'évaluation de « Culture Bleue» ?

    Sylvie Tourneur Toute la question de l'évaluation est de savoir ce qu'on évalue... Il me semble que la BDP, du fait du public spécifique qu'elle vise dans « Culture Bleue a a dû inverser sa démarche usuelle. Pour faire vite, disons que la BDP, ayant pour mission le développement de la lecture publique, pratique généralement une politique volontariste d'offre documentaire. Pour que sa politique soit toujours davantage publique, elle doit maintenant porter une attention particulière aux populations que ne touche pas cette offre généraliste... et dans le cas précis de son action en direction des personnes âgées, c'est leur demande et leur attente qui doivent induire l'offre de la bibliothèque. C'est une révolution méthodologique très intéressante pour une institution de service public. L'évaluation que nous préparons se propose de mesurer simplement si l'offre correspond à la demande et aux attentes des personnes âgées.

    ABF En quoi l'offre de livres et de lecture vous semble-t-elle particulièrement intéressante pour les personnes âgées ?

    Sylvie Tourneur Votre question nous ouvre un domaine particulièrement riche en réflexions. Je dirai d'abord que ce qui est fructueux pour tous dans la lecture l'est aussi pour les personnes âgées.

    La lecture est une activité sociale. Elle est à la fois une expérience commune et une expérience extrêmement singulière. La lecture crée un espace commun où peut être partagée cette expérience et où peuvent être affirmées des différences. Le livre et la lecture sont donc un support d'identité aussi bien sociale que personnelle.

    La lecture est aussi une activité intellectuelle et psychique. Elle met en jeu et en interaction un grand nombre de fonctions, souvent complexes, qui contribuent à la construction de l'identité de la personne.

    La lecture de fiction est d'un intérêt particulier pour ce qui nous occupe ici : l'identité, selon Paul Ricoeur, est toujours une identité narrative. La sensation de notre identité propre repose sur l'affirmation d'une fidélité à soi même, par-delà les multiples transformations qui affectent l'individu dans le cours de son existence. Ce sentiment de continuité naît du récit de la traversée du temps. Ce récit crée un lien signifiant entre les événements divers de la vie, lien qui ne préexiste pas au récit, mais qui est bien la création récurrente de l'auteur.

    La lecture, et principalement celle de fiction, est donc un jeu avec la temporalité multiple, plurielle, mise en oeuvre par la fiction. Lire, c'est d'une certaine façon jouer avec les temps fictifs de l'oeuvre dans une suspension du temps propre au lecteur. Quel intérêt spécifique, me direz-vous, pour les personnes âgées ?

    Intérêt essentiel... Ces personnes sont dans une perspective temporelle inversée par rapport à la nôtre. Elles ont dû, d'une façon ou d'une autre, réorganiser d'une certaine manière leur rapport à l'avenir. Cette suspension du temps propre dans la lecture pour venir épouser un récit est une ressource extrêmement précieuse.

    Le bilan de vie enfin, le récit de vie, sur lequel on tente aujourd'hui de mettre l'accent, est certes une activité riche pour les personnes. Mais le récit autobiographique est un modèle culturel de représentation de soi que ne partagent pas tous les milieux ; il peut aussi receler une grande violence symbolique à l'égard des personnes en fonction de leur trajectoire de vie antérieure. La lecture, si elle est possible, est ici une façon d'épouser le récit d'un autre qui ne fait pas violence à nos propres capacités. La culture autorise l'insertion de notre récit dans le corps de l'ensemble des autres récits.

    ABF Le livre et la lecture sont donc selon vous d'emblée, sans instrumentation ni enrôlement dans le champ médico-social, un support et une pratique particulièrement adaptés à la demande des personnes âgées.

    Sylvie Tourneur Oui, c'est là au fond la source de la richesse de « Culture Bleue » : toute activité culturelle est simultanément quête et invention, besoin et offre. Parmi ces activités, la lecture intègre une dimension, une profondeur temporelle particulière très intéressante pour les personnes âgées.

    Comme je le soulignais au tout début de cet entretien, la nature spéciale de l'offre « Culture Bleue » fait que professionnels de l'action culturelle et du champ médicosocial ne s'asservissent pas les uns les autres dans le cadre de logiques balisées mais s'associent par leurs compétences, leurs réseaux, leurs moyens... pour dépasser leurs représentations concernant la vieillesse et leurs propres pratiques professionnelles. La question, dans Culture Bleue n'est pas de répondre aux besoins supposés, par tel ou tel corps de professionnels, des personnes âgées mais à leur intérêt. Cette dimension, cette possibilité du choix, dans un univers où l'exercice de l'autonomie s'avère parfois difficile, c'est une liberté : une possibilité de respiration formidable.

    La BDP seule, parce qu'elle est une bibliothèque en charge de la lecture publique, pouvait faire cette proposition culturelle, à partir, je le souligne encore, d'une révolution de sa conception de l'offre. Mais elle ne pouvait seule mener à bien cette proposition ;