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Les nouvelles Bibliothèques universitaires et municipales françaises

1960

    Les nouvelles Bibliothèques universitaires et municipales françaises

    Plus de 25 ouvertes ces dix dernières années, une dizaine prévues dans trois ou quatre années à venir

    Par Jean Bleton

    On étonnerait sans doute bien des Français et même bien des bibliothécaires si on leur disait qu'entre 1949 et 1959, pour des travaux de construction et d'aménagement de bibliothèques publiques, plus de 11 milliards de francs (francs anciens, il est vrai) ont été engagés, ce qui représente plus de 25 grandes bibliothèques entièrement nouvelles et des transformations plus ou moins importantes dans une centaine d'autres. En fait, la moitié de cette somme a été consacrée à des bibliothèques universitaires, environ un quart à la Réunion des bibliothèques nationales de Paris et le reste à des bibliothèques de villes et de grands établissements relevant de la Direction.

    C'est un aperçu de ces travaux que nous avions cherché à donner aux membres de l'Association des Bibliothécaires Français qui ont pris part à l'Assemblée générale du 5 mars 1959, au cours d'une brève communication faite sous le titre « Dix ans de travaux dans les bibliothèques françaises » et agrémentée de vues en couleurs dont nous avons seulement regretté de ne pouvoir projeter un plus grand nombre.

    L'Association des Bibliothécaires Français étant désireuse de faire profiter de cette communication, grâce à son Bulletin, ceux de ses membres qui n'assistaient pas à cette réunion, nous avons proposé d'en modifier un peu le sujet et de le limiter à deux catégories de bibliothèques : les Universitaires et les Municipales, pour des raisons qu'on nous permettra de ne pas toutes énumérer mais dont les principales sont le nombre réduit de pages qui pouvait nous être accordé et le fait que pour certaines grandes bibliothèques comme la « Nationale » de Paris et celle d'Alger, des publications ou des articles récents (1) ont fourni une documentation précise, illustrée de plans et de photographies, qui peut déjà satisfaire la curiosité de beaucoup.

    Les bibliothèques de quelques grands établissements, à Paris notamment, ont fait aussi l'objet de travaux plus ou moins importants au cours de ces dernières années : celles de l'Institut, de l'Ecole nationale des langues orientales vivantes, de l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm, pour n'en citer que quelques-unes ; d'autres sont en cours de construction ou d'aménagement comme celles du Muséum national d'histoire naturelle (2) , de l'Ecole normale supérieure de filles, de l'Observatoire. Qu'on veuille bien nous pardonner de n'en pas parler ici, pas plus d'ailleurs que des quelques bibliothèques centrales de prêt qui ont pu bénéficier depuis dix ans de bâtiments neufs ou d'installations nouvelles subventionnées pour la plupart par la Direction des Bibliothèques de France.

    I - BIBLIOTHÈQUES UNIVERSITAIRES

    Les bibliothèques universitaires ont donc été les principales bénéficiaires des crédits obtenus. Il faut certes s'en réjouir, mais aussi ne pas en conclure, comme nous l'avons lu un jour dans un quotidien parisien du matin : « A la IVe République, nous devrons être reconnaissants d'avoir doté l'Université de bibliothèques à la fois qualitatives et quantitatives..., la Ve République n'aura dans ce domaine que des préoccupations... secondaires». Mettez ces phrases sous les yeux des étudiants de Paris qui font tous les jours la queue à la porte des bibliothèques Sainte-Geneviève et de la Sorbonne et ils se chargeront de leur donner le plus cruel des démentis. Et nous pourrions citer plusieurs bibliothèques universitaires de province où la pénurie de place, moins sensible, moins connue, n'en est pas moins criante.

    Des projets de nouvelles bibliothèques, heureusement, ont déjà été établis, nous allons le voir, pour plusieurs universités ou facultés, mais si le retard qu'on avait laissé s'accumuler au cours de la première moitié du XXe siècle était en voie d'être comblé par rapport à la population étudiante de 1947, le développement ou la création de Facultés, de collèges universitaires, d'écoles supérieures, l'accroissement énorme du nombre des étudiants, les besoins de la recherche scientifique nous font aujourd'hui un devoir d'ouvrir de nouvelles bibliothèques universitaires au prix d'un effort financier au moins égal à celui qui a été fait tout au long des années qui viennent de s'écouler. Contentons-nous de dresser aujourd'hui le bilan de cette période décennale et d'énumérer très rapidement les projets en cours pour les trois ou quatre années à venir.

    En matière de bibliothèques universitaires, nous suivrons non un ordre chronologique qui ne permet guère les comparaisons, mais un ordre logique, celui qui rapproche les bibliothèques du même type et de la même importance. Nous distinguerons également celles qui sont réalisées ou conçues selon des plans assez voisins et installées dans des bâtiments entièrement neufs de celles qui ont gardé leur emplacement et tout ou partie de leur volume primitif mais dont les transformations internes ont modifié profondément les surfaces et le fonctionnement.

    1 - Bibliothèques universitaires prévues dans des bâtiments entièrement nouveaux

    Obligés de tenir compte d'un personnel relativement faible (3) et pour des raisons d'ordre fonctionnel, nous avons été amenés à adopter, pour des bibliothèques universitaires de moyenne importance, des plans où tous les services publics sont au même niveau et de plain-pied avec une partie des magasins et avec la plupart des services intérieurs. C'est le cas des bibliothèques déjà en service d'Aix (pour les Facultés de droit et de lettres) et de Marseille (pour la Faculté des sciences) (4) , de celles en cours de réalisation à Dijon (centrale) et à Poitiers (Faculté des sciences), des plans presque définitivement mis au point de Toulouse-Rangueil (Faculté des sciences), de Bordeaux-Talence (Facultés des sciences et de droit), de Dakar (centrale) dont la première pierre a été posée le 9 décembre 1959 et, dans une certaine mesure, de Paris-Orsay (Faculté des sciences) où une deuxième grande salle de lecture a été prévue à un niveau différent.

    De cette catégorie de bibliothèque qu'on pourrait appeler celle des plans à un niveau, il faut écarter trois grandes bibliothèques universitaires, toutes trois en service, celles de Caen (5) , de Grenoble (6) et de la Faculté de droit de Paris (7) pour lesquelles des servitudes diverses ont joué : appartenance à un ensemble architectural assez rigide, terrain très exigu, mai orienté et de forme irrégulière, voisinage de bâtiments hauts et implantation dans un site classé. A ces servitudes, se sont ajoutées les exigences de programmes qui imposaient des magasins très importants (pour un million de volumes environ) et des salles de lecture très vastes. Si l'on songe que la surface au sol de ces trois bibliothèques est respectivement de 1.887, 1.774 et 2.115 nr2 et que les services publics couvrent à eux seuls 1.843 m2, 1.660 m2 et 1.700 m2, on comprendra qu'il n'ait pas été possible de mettre une partie des magasins au niveau des salles publiques et que bien des services aient dû être superposés. Personnel, public et livres sont alors tenus d'emprunter des escaliers ou des appareils élévateurs, ce qui n'est pas sans entraîner des dérangements, de la fatigue, un ralentissement du service, des dépenses en personnel et en argent.

    Bien que nous ayons la plupart du temps cherché à construire des bâtiments indépendants, il n'a pas toujours été possible - on peut même se demander s'il eût été souhaitable - d'en prévoir un pour des bibliothèques très spécialisées et très dépendantes de leurs facultés, comme le sont les bibliothèques des sections de médecine. A Lille (8) et à Marseille (9) , les nouvelles bibliothèques médicales ont été incorporées au bâtiment même de la Faculté et il en sera de même à Strasbourg dont la nouvelle Faculté a vu ses plans approuvés par le Conseil général des Bâtiments de France le 15 décembre 1959. Du moins s'est-on efforcé chaque fois de mettre au même niveau tous les services et tous les bureaux du personnel, les magasins étant alors situés à un niveau immédiatement inférieur (cas de Lille) ou supérieur (cas de Marseille et de Strasbourg).

    2 - Bibliothèques universitaires maintenues dans des bâtiments anciens mais transformés

    Ce qui a été possible dans plusieurs universités et surtout pour des facultés entièrement nouvelles édifiées sur des terrains acquis en dehors des centres urbains, il n'était généralement pas question de le réaliser lorsque universités ou facultés étaient maintenues dans les limites de leur enceinte ou de leurs bâtiments. Force fut donc de trouver dans ce cas des solutions d'extension sur place, presque toujours onéreuses, exigeant et de l'imagination de la part de ceux qui avaient à les découvrir et des études techniques très poussées, souvent même une certaine hardiesse de la part des architectes d'opération.

    Si l'on rapproche les sommes engagées au cours de cette même période pour des constructions neuves (soit 2.750.000.000 de francs légers) de celles consacrées à des bâtiments anciens transformés, agrandis et modernisés (2.300.000.000), on sera peut-être surpris de l'importance des crédits ouverts par rapport aux résultats obtenus. Les travaux effectués intéressent en fait 16 bibliothèques et chaque fois les gains de place, l'augmentation des mètres linéaires de tablettes, l'amélioration des services intérieurt ont été notables. A défaut d'avoir été spectaculaires, ces réalisations ont été très utiles, il faudrait même dire vitales, si l'on songe à l'asphyxie qui guettait à plus ou moins brève échéance ces bibliothèques.

    Sans modification substantielle de leur volume, ou si l'on préfère de leur coque, les bibliothèques universitaires de Bordeaux (lettres-sciences), de Montpellier (centrale et médecine), de Lyon (centrale), de Paris (Sorbonne, B.D.I.C. et Faculté de pharmacie), de Strasbourg (Bibliothèque nationale et universitaire), de Toulouse (lettres-droit) ont été au nombre de celles qui ont subi des transformations plus ou moins profondes au cours de ces dix dernières années. Les plus importantes ont été effectuées à la Bibliothèque de Strasbourg, gravement sinistrée par des bombardements en 1944 et victime en 1958 d'un orage de grêle d'une violence exceptionnelle qui a obligé à refaire toutes les verrières et la coupole, de telle sorte que depuis 1949, près de 350 millions de francs ont été dépensés en travaux pour cette bibliothèque. La capacité de ses magasins a été doublée, le nombre des places assises, grâce à l'ouverture de nouvelles salles, a été porté de 120 à 350, les services intérieurs ont été sensiblement améliorés et équipés de façon moderne. Au nombre des autres transformations importantes, signalons plus spécialement l'aménagement dans l'ancienne salle de lecture de la Faculté de pharmacie de Paris de quatre niveaux de magasins à grande densité (système Compactus électromobile sur trois niveaux et semi-automatique sur un niveau), ce qui permettra d'abriter jusqu'à 400.000 volumes, la salle de lecture qui bénéficie maintenant d'un bon éclairage naturel ayant été aménagée à l'étage supérieur.

    Pour d'autres bibliothèques universitaires une extension des locaux a été préférable soit grâce au transfert de services voisins, soit par surélévation du bâtiment, soit par des constructions adjacentes sur des terrains encore non bâtis. Des travaux correspondant à la première de ces solutions ont été effectués à Besançon (10) entre 1950 et 1958 (coût total : 145.000.000), à la Bibliothèque de la Faculté de médecine de Paris (pour une dépense totale de 270 millions) et sont en cours à Nancy à la bibliothèque centrale de la place Carnot. Autre formule : la surélévation des bâtiments. Elle a été réalisée notamment à Clermont-Ferrand, ce qui a permis d'aménager en partie haute un étage presque entièrement consacré aux services publics, désormais bien éclairés et de créer dans la hauteur de l'ancienne salle de lecture (comme à la Bibliothèque de la Faculté de pharmacie de Paris) quatre niveaux de magasins normalisés, commodément reliés par un ascenseur monte-charge. La troisième solution, celle de constructions adjacentes, a été retenue pour la Bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris et pour la Bibliothèque universitaire de Rennes. Ces deux opérations, amorcées il y a quatre ans et qui viennent seulement de s'achever, ont nécessité un peu plus de 800 millions ; salles publiques bureaux, services annexes et surtout magasins ont été les grands bénéficiaires de ces opérations assez considérables qui pourraient, à la vérité, figurer parmi les constructions entièrement nouvelles.

    On voit mieux maintenant, du moins nous l'espérons, l'ampleur des travaux accomplis, qu'il s'agisse de bâtiments neufs comme ceux d'Aix, de Marseille, de Caen, de Grenoble, de Paris (Faculté de droit et extension de Sainte-Geneviève) ou de transformations comme à Besançon, à Clermont-Ferrand, à Paris (médecine et pharmacie), à Rennes, à Strasbourg.

    En dépit de ce bilan très positif, la situation reste critique, en particulier à Paris, nous l'avons déjà souligné, pour les étudiants de lettres et de sciences. Sans doute les plans de la grande bibliothèque scientifique d'Orsay sont-ils approuvés, mais sa mise en service n'interviendra guère avant 1962. D'ici là, rue de la Sorbonne, les salles de billard du « Ludo », transformées en salles de travail, auront pu offrir, nous y comptons bien, environ 300 places assises aux étudiants de lettres et de sciences, mais en dehors de quelques «usuels », aucun livre ne pourra leur être communiqué.

    En province, durant les années à venir, la construction de nouvelles Facultés (des sciences à Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Nice, Reims, Rennes, Toulouse ; de médecine à Clermont-Ferrand, Nantes, Rennes, Strasbourg ; de droit à Clermont-Ferrand, Rennes, Strasbourg), la mise en place des 14 collèges scientifiques universitaires prévus, le développement pris par les 11 écoles de médecine reconnues, ne sont pas sans entraîner, on le devine, des besoins nouveaux, ni sans imposer des devoirs. Comment pourrait-on en vérité concevoir un enseignement supérieur valable si ces outils de travail que sont le livre et le périodique n'étaient pas mis à la disposition des étudiants, à proximité de leurs amphithéâtres, de leurs salles de travaux pratiques, de leurs laboratoires ? Déjà le Service technique de la Direction des bibliothèques a pris les contacts nécessaires pour que des bibliothèques soient prévues dans tous ces nouveaux ensembles ; mais on imagine bien aussi combien de milliers de nouveaux francs seront nécessaires pour construire, aménager, équiper en livres et doter de personnel ces bibliothèques nouvelles. Il convient donc maintenant de poursuivre l'oeuvre entreprise et de la mener à son terme.

    II - BIBLIOTHÈQUES MUNICIPALES

    Bien qu'il soit beaucoup plus difficile de déterminer avec exactitude le montant des crédits réellement ouverts de 1949 à 1959 pour des travaux de construction et d'aménagement intéressant les bibliothèques municipales, nous pouvons affirmer sans grand risque d'erreur que près de deux milliards de francs ont été dépensés durant cette période à de tels travaux et qu'un troisième milliard est en voie d'être engagé pour des constructions ou d'importantes transformations décidées par certaines villes mais non encore commencées. Ici, en effet, plus encore que pour les bibliothèques universitaires, il est pratiquement impossible de réaliser vite les projets élaborés : ce qu'une municipalité a décidé, une autre peut y renoncer et dès qu'il s'agit d'entreprises coûteuses, leur financement ne peut se faire que par voie d'emprunt, et le plus souvent avec le concours de la Caisse des dépôts et consignations, elle-même harcelée de demandes. Ajoutons qu'une demande de prêt ne peut être introduite auprès de celle-ci que lorsque le ministère de l'Education Nationale a lui-même assuré la ville de son accord sur les plans et de sa participation aux travaux. Prêt qui, parfois, n'est accordé que partiellement et même, dans certains cas, refusé. En toute hypothèse des dossiers doivent être constitués, des liaisons prises, des commissions consultées. Transmissions, études, envois des avis officiels exigent des délais, toujours plus longs que prévus. Il est même arrivé que, parvenue près du but, une affaire « capote » pour une raison inattendue.

    Pratiquement les villes n'acceptent de construire ou de reconstruire une bibliothèque nouvelle que lorsqu'elles sont assurées d'une subvention de l'Etat et d'un prêt très important d'un établissement de crédit, à moins qu'elles ne disposent de dommages de guerre, ce qui fut le cas en 1945 pour un peu plus de 20 bibliothèques municipales entièrement sinistrées. Au taux de subvention actuellement accordé, soit 35 %, les deux tiers des dépenses restent à la charge des villes et si la Caisse des dépôts ne peut prêter, généralement l'opération ne se fait pas ; nous en avons maints exemples.

    Malgré une conjoncture finalement très défavorable (besoins prioritaires du logement et des constructions scolaires, difficultés à emprunter, déficit chronique dans les trésoreries municipales), une trentaine de villes ont réalisé ou entrepris des travaux relativement considérables en vue de construire des bâtiments neufs ou d'aménager des édifices anciens pour leur bibliothèque municipale. Quinze d'entre elles sont aujourd'hui installées dans de nouveaux locaux, parmi lesquelles nous citerons celles de Beauvais, Brest, Cannes, Col-mar, Compiègne, Douai, Narbonne, Rennes, Roubaix, Saint-Etienne, Tours et Tulle.

    Ne pouvant nous étendre longuement sur chacune d'elles, nous voudrions dégager quelques-uns de leurs traits communs et souligner combien leurs dispositions générales diffèrent de celles des " universitaires ". Nous passerons d'abord en revue les bibliothèques municipales construites ou en cours de construction dans des bâtiments neufs, autrement dit celles dont les plans et les dispositions générales pouvaient normalement tenir compte de certains impératifs ; nous nous arrêterons ensuite à quelques-unes des bibliothèques municipales transférées dans des édifices qui n'avaient pas été conçus pour les abriter mais dont on s'est efforcé de tirer le meilleur parti.

    1 - Bibliothèques municipales installées dans des constructions neuves

    Parmi les petites bibliothèques, celles qui doivent fonctionner avec deux ou trois personnes, il n'en est guère dont les plans puissent être considérés comme tout à fait satisfaisants. Alors qu'on aurait souhaité trouver partout à rez-de-chaussée et bien reliés entre eux, des services publics comportant une salle de travail, une section de prêt et un coin pour enfants, adossés à un petit magasin et à un ou deux bureaux, nous avons des bibliothèques souvent installées au premier étage ou situées à rez-de-chaussée, mais non visibles de la rue ou sans section pour entants ; lorsque celle-ci existe, il arrive qu'elle soit séparée du reste par un hall ou par un magasin ; certaines enfin ont un mobilier contraire aux normes ou qui fait écran à la surveillance. Malgré ces imperfections, nous conseillons la visite des nouvelles bibliothèques de Compiè-gne, de Levallois-Perret, de Lorient, de Quimper, de Stains, de Tulle et de Barentin. Toutes ces bibliothèques dont les façades, les dispositions intérieures, le mobilier sont totalement différents les uns des autres n'ont guère qu'un seul point commun : la forme rectangulaire des surfaces qu'elles couvrent, soit qu'elles aient été prévues au rez-de-chaussée d'immeubles à usage d'habitation (Levallois-Perret, Stains (11) , soit qu'elles s'insèrent dans des bâtiments à destinations multiples (Lorient, Quimper, Tulle), soit que les contraintes d'une architecture ancienne et de parties « classées » aient joué (Compiègne) (12) .

    Il aurait fallu pouvoir rapprocher de ces petites bibliothèques des annexes, de prêt, comme il en a été ouvert un certain nombre au cours de ces dernières années, notamment à Albi, Bordeaux, Mulhouse, Nancy, Nice, Reims et Toulouse ; elles ont bénéficié, elles aussi, de l'aide technique et financière de la Direction des bibliothèques, mais sans doute cette question sera-t-elle abordée très prochainement dans une publication particulière et avec plus de développement que nous ne pourrions le faire ici. Nous préférons nous étendre un peu plus sur les bibliothèques municipales d'une certaine importance qui ont été édifiées à Beauvais, Brest, Douai, Rennes et Tours et sur celles qui sont en cours de construction à Chartres et à Lille.

    Alors que dans les plans de la plupart des bibliothèques universitaires nouvelles presque tous les services publics sont au même niveau, les bibliothèques que nous venons de citer ont été conçues avec deux niveaux, exception faite de celle de Tours qui en comporte trois (et même cinq, si l'on tient compte des étages de la discothèque et de l'auditorium). Etant donné les missions très diverses qui sont imparties aux bibliothèques municipales, on comprend que leurs services publics soient nombreux et très différenciés. C'est ainsi qu'on y trouvera des salles distinctes pour l'étude, pour la lecture et le prêt d'ouvrages de distraction et d'information générale, pour les enfants, éventuellement les adolescents, pour l'audition de disques, les expositions, la consultation sur place de fonds précieux ou anciens. Toutes ces salles ne peuvent être de plain-pied, d'où ces plans à plusieurs niveaux qui appellent aussi un personnel nombreux et, d'une certaine manière, spécialisé.

    Connaissant les effectifs de chacune de ces bibliothèques, notre souci principal, lors de l'examen et de la discussion des plans d'architectes, fut toujours de réduire le nombre des accès, des points de surveillance ou de contrôle, de chercher en un mot les solutions permettant d'ouvrir le maximum de salles publiques avec le minimum de personnel. Les bibliothèques de Beau-vais, de Brest et, de Douai, en service depuis plusieurs années déjà (13) , ont répondu dans l'ensemble au but recherché. Il en sera de même, nous l'espérons, pour celles de Chartres et de Lille.

    Si nous n'avons parlé ni de Tours, ni de Rennes, c'est que dans ces villes les architectes n'ont pas été entièrement libres. Si les bibliothécaires disposent ici et là de vastes magasins bien équipés et de surfaces importantes pour les services publics, l'étalement en longueur ou la superposition des différentes salles accessibles au public ne facilite pas toujours leur contrôle par les chefs de service et a contraint les architectes à accorder beaucoup de place aux allées de circulation et aux escaliers. Ces deux bibliothèques, celle de Tours plus particulièrement (14) , n'en constituent pas moins des réalisations très intéressantes et dignes d'être signalées à l'attention des bibliothécaires français et étrangers. Si la reconstruction de la première qui exigea plus de 400 millions a bénéficié, à titre de bibliothèque sinistrée, d'importants dommages de guerre et d'une subvention de la Direction des bibliothèques de France au taux de 50 %, la construction de la seconde a imposé à la ville de Rennes un effort financier plus grand encore puisque la participation du ministère de l'Education Nationale aux travaux ne pouvait excéder les 35 % d'une dépense qui s'est élevée à près de 300 millions.

    Bien que toutes ces bibliothèques aient suivi en matière de construction et de mobilier, la plupart des « normes » proposées aux architectes et aux bibliothécaires (15) , un homme étranger aux questions de bibliothéconomie qui passerait de l'une à l'autre n'y trouverait guère de points de ressemblance. Il faudrait aussi être très habitué à la lecture de plans de bibliothèques pour apercevoir entre elles des points communs ; il en est pourtant de nombreux, mais la forme extérieure de chacune diffère non seulement en plan (en forme de T, de L, de rectangle, de trapèze, de croix, etc.), mais en volume (selon la place donnée aux magasins qui peuvent être complètement détachés des services publics comme à Douai, Lille et Rennes ou leur être contigus, voire être en quelque sorte imbriqués avec eux, comme à Chartres, Beauvais et Brest).

    Cette grande variété dans les plans et les volumes des plus récentes bibliothèques municipales n'est pas, à la réflexion, très surprenante : leurs architectes, en effet, ayant à les édifier en pleine ville, avaient à tenir compte tout d'abord du sîte, de certaines règles d'urbanisme, du style des bâtiments voisins, en second lieu du programme même de la bibliothèque à construire, très variable d'une ville à une autre, enfin des disponibilités financières offertes. Chacun d'eux, avec son tempérament, a bâti son plan, puis la bibliothèque elle-même. Aux usagers maintenant à la juger, non en fonction de sa forme mais des services et du confort qu'ils y trouvent.

    2 - Bibliothèques municipales transférées dans d'autres bâtiments

    Moins spectaculaires, mais souvent assez onéreux ont été les travaux entrepris par certaines villes françaises pour donner à leur bibliothèque municipale un nouveau cadre, soit que l'ancien fût devenu trop étroit ou dangereux à garder (en raison de sa vétusté), soit qu'une occasion se soit présentée à elles de transférer la bibliothèque dans un local mieux situé, plus approprié, plus vaste.

    Nous avons trop souvent dit combien l'utilisation par une bibliothèque de bâtiment édifié à tout autre usage, offrait de désagréables surprises au maître d'oeuvre et des désagréments au bibliothécaire, pour nous féliciter sans réserve aujourd'hui du transfert des bibliothèques municipales effectué ou décidé ces dernières années dans une dizaine de villes d'importance moyenne (dont Cannes, Colmar, Narbonne, Perpignan, Roubaix, Saint-Etienne, Vichy et Bourges). A défaut de bâtiments vraiment adéquats, les surfaces offertes par les locaux proposés et très souvent leur situation dans la ville ont amené la Direction à accepter de tels projets et, après mise au point des plans, à les subventionner. A vrai dire, dans la mesure où plusieurs services publics (salle de travail, section de prêt pour adultes, salle pour enfants, salle d'exposition), peuvent fonctionner d'une manière à peu près autonome, la dispersion de ces salles à laquelle conduit inévitablement l'utilisation de pièces mal reliées entre elles et souvent situées à des niveaux différents, est ici moins grave de conséquence que dans le cas d'une bibliothèque universitaire. Les problèmes les plus complexes sont presque toujours ceux posés par les magasins à livres qui exigent des planchers d'une résistance particulière et qui s'accommodent mal de bâtiments recoupés intérieurement par des murs porteurs qu'un architecte hésitera toujours à supprimer. Il faut alors, ou bien se contenter de sous-sols (ainsi en a-t-il été à Cannes et à Roubaix) plus ou moins salubres et assez éloignés des salles à desservir, ou consolider des planchers - ce qui signifie la plupart du temps les supprimer pour en faire d'autres (bibliothèques de Narbonne, de Saint-Etienne, de Perpignan) - ou construire un bloc-magasin sur un terrain contigu (bibliothèques de Cambrai et de Bourges).

    Selon l'état des lieux, les surfaces de planchers dont on a disposé et les constructions annexes qu'on a parfois été amené à faire pour permettre de tels transferts, les travaux réalisés ont coûté de 25 à 85 millions. Pour des sommes équivalentes, il eut été difficile d'édifier, au centre même des villes, des bibliothèques de l'importance de celles dont nous avons parlé. Bien que ces bibliothèques n'aient fait l'objet d'aucune publication - à l'exception de celle de Colmar (16) - et d'aucun article un peu détaillé, en dehors de ce qui a paru dans la presse régionale, plusieurs d'entre elles mériteraient une étude. Nous ne pouvons que signaler plus spécialement celles de Colmar, de Narbonne, de Roubaix et de St-Etienne, respectivement ouvertes au public en octobre 1951, juin 1956, mai 1959 et octobre 1959 (17) .

    Pour nous en tenir aux bibliothèques municipales vraiment nouvelles, nous ne parlerons pas des transformations très considérables que des villes comme Bordeaux, Rouen, Troyes et Grenoble s'apprêtent à entreprendre dans leur bibliothèque centrale pour augmenter les surfaces de planchers, aussi bien des magasins que des services publics, ni des travaux en cours à Lyon et à Toulouse et l'on nous permettra de ne pas faire état des projets divers qui attendent une conjoncture économique ou financière plus favorable pour sortir des cartons à dessin des architectes, ou des tiroirs des maires. Au vu de cette énumération, on aura touché du doigt que les bibliothèques municipales, un peu à l'image des « universitaires », sont, si l'on peut dire, en pleine crise de croissance. L'action persévérante menée depuis quinze ans par l'Inspection générale des bibliothèques, auprès des dirigeants des villes, a déjà porté ses fruits. Faut-il ajouter qu'elle ne pourra continuer à s'exercer avec efficacité que dans la mesure où des crédits de subvention seront régulièrement accordés au budget d'équipement pour soutenir de telles entreprises et encourager les villes à développer leurs services de bibliothèque.Cet aperçu rapide sur les travaux les plus importants, réalisés ou en cours, dans le domaine des bibliothèques universitaires et municipales, n'appelle pas en vérité de conclusion, mais à ceux qui souhaiteraient avoir une idée plus précise de ces réalisations dont l'ensemble, nous l'avons dit, représente plusieurs milliards de francs (anciens), nous proposons, lorsqu'ils auront admiré les magnifiques installations nouvelles de la Bibliothèque Nationale, celles de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, celles des Bibliothèques des Facultés de droit, de médecine et de pharmacie de Paris et la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine à Vincennes, de prendre la route afin de voir tout à leur aise en allant vers l'Ouest les bibliothèques de Levallois-Perret, Beauvais, Barentin, Caen, Rennes, Brest, Quimper et Lorient, vers le Nord et l'Est, celles de Compiègne, Douai, Lille, Roubaix, Strasbourg, Colmar et Besançon, enfin vers le centre et le Sud-Est, celles de Tours, Vichy, Clermont-Ferrand, Saint-Etienne, Montpellier, Narbonne, Marseille, Aix, Cannes et Grenoble. A défaut d'un guide détaillé et abondamment illustré, cet article leur aura fourni la liste des principales bibliothèques récentes et les encouragera, nous l'espérons, à leur rendre visite.

    1. Pour la Bibliothèque Nationale de Paris, on se reportera plus particulièrement à la brochure suivante :

    • Cain (Julien). - Les Transformations de la Bibliothèque Nationale de 1936 à 1959. - Paris, Ed. La Déesse, 1960. - 21 cm x 27 cm, v-74 p. ill., plans.
    • Pour la Bibliothèque Nationale d'Alger, cf. les articles suivants :
    • Lebel (Germaine). - La Nouvelle Bibliothèque Nationale d'Alger (In : Bull. Bibl. France, 3e année, n° 10, octobre 1958, pp. 691-706, ill., plans).
    • La Bibliothèque Nationale d'Alger (In : La Maison. Revue mensuelle d'architecture, de décoration et d'art ménager, n° 8, août 1959, pp. 280-282, ill., plans).
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    2. Construction qui s'élève actuellement en bordure de la rue Geoffroy St-Hilaire. retour au texte

    3. Il l'est en effet par rapport a celui de presque toutes les bibliothèques universitaires d'Europe et a fortiori d'Amérique. retour au texte

    4. Cf. Pierre Lelièvre, Les Bibliothèques universitaires d'Aix et de Marseille (In : Bull. Bibl. France, n° 4, avril 1959, pp. 183-193 i11., plans) et J. Bleton, Les Nouvelles bibliothèques universitaires françaises (In : Bull. Unesco à l'intention des bibl., vol XIII, n° 5-6, mai-juin 1959, pp. 115-119 et 136, i11., plans). retour au texte

    5. Cf. André Masson, « La Résurrection de la bibliothèque universitaire de Caen » (In : Bull. Bibl. France, 1™ année, n° 6, juin 1956, pp. 415-419). Cf. aussi la revue Hygiène et confort des collectivités, n° 9, 1957, pp. 25-46. retour au texte

    6. Cf. Bull. Bibl. France, 5e année, n» 1, janvier 1960, 17-20, p. i11., plans. retour au texte

    7. Inaugurée solennellement le 11 décembre 1958 (Cf. Bull. Bibl. France, 3e année, n» 12, décembre 1958, pp. 943-944), cette bibliothèque, malgré ses 550 places, se voit déjà obligée, certains jours, de refuser des lecteurs. Il faut espérer que lorsque s'ouvrira la nouvelle Faculté de droit de la rue d'Assas, tous les étudiants trouveront place, soit rue d'Assas, soit place du Panthéon, soit rue Cujas. retour au texte

    8. Cf. Andrée Bruchet, « La Nouvelle Bibliothèque de la Faculté de Médecine de Lille » (In : A.B.F. Bulletin d'informations, nouv. sér., n° 10, février 1953). retour au texte

    9. Cf. l'article cité plus haut de Pierre Lelièvre paru dans le Bulletin des bibliothèques de France, d'avril 1959. retour au texte

    10. Une plaquette a été éditée en 1959 sur les nouveaux locaux de la bibliothèque universitaire de Besançon à la suite de l'inauguration officielle, le 21 janvier 1959, avec des articles du bibliothécaire en chef, J. Mironneau et de l'architecte René Tournier. retour au texte

    11. Pour Levallois-Perret, Cf. Bull. Bibi. France, mai 1959, p. 264. Pour Stains, Cf. Bull. Bibl. France, décembre 1958, p. 946. retour au texte

    12. Cf. Bull. Bibl. France, juillet-août 1959, pp. 359-361, ill. h. t. retour au texte

    13. Cf. Bull. Bibl. France, mai 1957, pp. 363-388, «Les Nouvelles bibliothèques municipales de Douai et de Beauvais», par J. Bleton ; mars 1959, pp.113-127 ; «La Nouvelle bibliothèque municipale de Brest », par J. Bleton. retour au texte

    14. Cf. à ce sujet, René Fillet, « La Nouvelle bibliothèque municipale de Tours » (In : Bull. Bibl. France, décembre 1958, pp. 883-896) retour au texte

    15. Celles qui figurent dans le fascicule IV des « Instructions sommaires pour l'organisation et le fonctionnement des bibliothèques publiques », consacré au local et au mobilier (Paris, S.E.V.P.E.N., 1958). retour au texte

    16. Une publication bien illustrée de 36 pages a en effet paru quelques semaines après son inauguration, en 1952, sous le titre : La Bibliothèque de la ville de Colmar. retour au texte

    17. Cf. Bull. Bibl. France, de juin 1956, p. 456 pour Narbonne ; de mai 1959, p. 265 pour Roubaix ; d'octobre 1959, p. 456 pour Saint-Etienne. retour au texte