Demande de numérisation d'articles pour fourniture à distance

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Question

Bonjour,

Mon établissement accepte volontiers de numériser des oeuvres relevant du domaine public lorsque des usagers dans l'incapacité de se déplacer en font la demande.

Hors ce service est aujourd'hui utilisé par des étudiants qui souhaitent qu'on leur numérise des articles récents (et donc toujours sous droit).  Par conséquent, face à ce nouveau cas de figure,  je m'interroge.

J'ai fait quelques recherches. Il ressort trois cas de figures :

1- Cas de l'oeuvre relevant du domaine public ou de l'usager ayant l'autorisation de l'auteur pour reproduire son texte : c'est simple, nous numérisons.

2- la copie privée effectuée dans nos locaux mais par les usagers avec leur matériel.

3- la copie que nous effectuons nous-mêmes (souvent pour fourniture à distance): il me semble que nous versons une redevance pour cela au CFC mais que cela ne comprend pas la copie numérique.

4- Enfin le PEB

Avant de proposer une autre solution à ces étudiants (PEB par exemple), je voulais m'assurer qu'il était bien impossible de répondre favorablement à leurs demandes. Quelles sont aujourd'hui les règles concernant le prêt d'article numérisé ? 

 

Réponse

Date de la réponse :  13/07/2018

Vous souhaitez savoir si votre bibliothèque a légalement la possibilité de fournir une copie numérique d'articles à des étudiants dans l'incapacité de venir dans votre bibliothèque universitaire.
Cette question est complexe, voici toutefois les éléments que nous avons trouvés pour y répondre :

Anne-Laure Stérin dans son ouvrage intitulé Guide du droit d'auteur indique (p.70) :

"Chacun a le droit de copier gratuitement un texte protégé par le droit d'auteur s'il copie avec ses propres moyens et pour son usage strictement personnel (CPI art. 122-5). Ces deux conditions (d'une part être le copiste, d'autre part faire la copie dans un but strictement personnel) sont cumulatives. Lorsqu'elles sont réunies, l'utilisateur de la copie privée n'a aucune autorisation à demander."
Source. Guide du droit d'auteur. Anne-Laure Stérin. Maxima, 2011.

Par ailleurs, Sophie Klopp précise dans son mémoire (p.32) :

"Cette exception au droit d’auteur implique, en revanche, que la pratique de mise à disposition dans les bibliothèques de scanners à plat avec lesquels les usagers peuvent numériser, en plus de leurs documents personnels, tout type d’ouvrages ou des articles de presse (dont ceux sous droits) est en réalité prohibée. En effet, dans ce cas, le matériel de reproduction n’est pas privé. La «production» issue des scanners en libre accès n’est par ailleurs pas non plus couverte par la redevance obligatoirement versée par la bibliothèque à l’organisme de gestion collective du droit de copie, depuis la loi du 3 janvier 1995. En effet, le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) gère la reproduction par reprographie qui concerne uniquement «des photocopies classiques, des photocopies réalisées à l'aide d'appareils numérisant au préalable le document à reproduire dans le but d'obtenir une copie papier identique à l'original, des télécopies et dans certains cas, des copies papier obtenues à l'aide d'une imprimante»
Source : Numérisation et impression à la demande en bibliothèque : un panorama. Sophie Klopp. Mémoire du diplôme de conservateur des bibliothèques, Enssib, 2014.

A fortiori, au vu de ces arguments, la numérisation pratiquée par le personnel de bibliothèque en vue de fournir un article encore sous droit à un usager n'est pas non plus autorisée.

Toutefois, dans le cadre de l'exception pédagogique, cette pratique semble légale. En effet, cette dernière s'applique aussi bien aux enseignants qu'aux étudiants.
Le site du CFC indique dans sa rubrique Université :

"L’accord national signé entre le CFC et le ministère de l'Enseignement Supérieur permet aux enseignants et aux étudiants des établissements placés sous sa tutelle d’utiliser des œuvres protégées, sous d’autres formes que la photocopie. Sont notamment concernées :
les utilisations d'œuvres en classe par tout moyen et procédé (vidéoprojecteur, TBI, ordinateur, tablette…) ;
- la diffusion numérique d’extraits de publications sur un réseau sécurisé (ENT, plate-forme pédagogique...), ou au moyen d’une messagerie électronique, d’un support amovible (clé USB, CD-Rom...) ou autre, dès lors que cette diffusion est limitée aux seuls étudiants concernés par l’activité d’enseignement considérée.
La mise en ligne sur internet n’est en revanche pas autorisée.
Cet accord national permet l'utilisation de tous types de publications, françaises et étrangères : il s'agit des journaux, revues, romans, essais, livres universitaires, livres professionnels, livres pratiques, livres illustrés, partitions musicales..., des dessins, œuvres d'art, photographies, illustrations..., édités sur support papier ou numérique, ainsi que des manuels scolaires édités sur support papier.
Remarque : cet accord permet de mettre en œuvre l’exception pédagogique (voir ci-contre)

Conditions d'utilisation:
Faire figurer les références bibliographiques de l'œuvre à proximité de l'extrait copié.
- Se limiter à des copies d’extraits :
En effet, la copie intégrale d'une œuvre n'est pas autorisée, sauf dans le cas des images et des œuvres courtes telles que les poèmes.
L’extrait correspond à une partie, à un fragment d’une œuvre d’une ampleur raisonnable et non substituable à la création dans son ensemble.

Dans le cas particulier des œuvres conçues à des fins pédagogiques (OCFP) et des œuvres de musique imprimée (partition), l'extrait copié au sein d'un même travail pédagogique ne doit pas excéder 10 % du contenu de la publication dans la limite de 4 pages consécutives pour les OCFP et de 3 pages consécutives pour les partitions."

Nous ne sommes pas sûrs que la numérisation d'un article sous droit effectuée par le personnel d'une bibliothèque universitaire pour le compte d'un étudiant corresponde à la situation décrite, toutefois, si on s'en tient aux propos de Michèle Battisti, mais concernant la fourniture de documents numérisés dans le cadre du PEB, cela semble possible dans la mesure où la fourniture de documents est gratuite et l'étudiant destinataire appartient aux établissements d’enseignement et de recherche ayant conclu les accords sectoriels définissant les usages accordés au titre de l'exception pédagogique :

"Un contrat du 1er octobre 2015 entre le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC), la Conférence des présidents d’Université (CPU) et le ministère de l’Enseignement supérieur pour les photocopies couvre aussi celles qui sont envoyées à titre gratuit dans le cadre du prêt entre bibliothèques (PEB). Pour ceci, les bibliothèques du réseau paient 0,42 € TTC par étudiant inscrit en thèse. Serait-ce que seuls les doctorants puissent bénéficier de ce service ?

L’accord ne couvrirait, par ailleurs, que des extraits (30 % d’une revue, 10 % d’un ouvrage) alors qu’à des fins d’étude, c’est l’intégralité d’un ouvrage qui, souvent, est nécessaire. Quant aux bibliothèques n’appartenant pas à ce réseau, elles doivent pouvoir s’appuyer sur un contrat ad hoc pour proposer ce même service."
[...]

Complétons le puzzle

Pas d’autorisation expresse pour l’envoi postal du document à une bibliothèque de prêt, si le prêt est gratuit. Les services payants, en revanche, ne sont couverts ni par la loi sur le droit de prêt ni par le contrat sur les photocopies présenté supra. Bien qu’ayant conclu un contrat avec le CFC, l’Inist et la CCI de Paris avaient été condamnés pour avoir envoyé des photocopies à titre payant.

L’exception pédagogique et de recherche qui permet d’insérer des extraits d’œuvres sur un support pédagogique, un sujet d’examen, une thèse ou autres travaux d’étudiants et de chercheurs, mais pas de consulter un document dans son intégralité, ne répond pas à ces attentes non plus. En outre, les destinataires doivent appartenir aux établissements d’enseignement et de recherche ayant conclu les accords sectoriels définissant les usages accordés au titre de cette exception. Si les accords en vigueur autorisent une diffusion via une messagerie électronique ou un support amovible (clé USB, etc.), ce n’est qu’à un public composé d’utilisateurs directement concernés par l’acte d’enseignement, de formation ou l’activité de recherche nécessitant cette reproduction.

Pour envoyer des documents numérisés à des usagers hors de ce cercle, même à titre gratuit, la bibliothèque doit avoir un accord pour cet usage avec l’auteur ou l’éditeur si celui-ci a les droits numériques ou avec le CFC si l’éditeur lui a confié la gestion des droits numériques."

 
Pour en avoir la certitude, vous pourriez interroger Anne-Laure Stérin via l'espace commentaire du billet intitulé "L’exception pédagogique et de recherche" du blog Questions éthique & droit en SHS, ou Michèle Battisti via son compte Twitter.

 

Veuillez noter que cette réponse n'a pas de valeur juridique.