Les Standards for public libraries édictées depuis plusieurs décennies ont longtemps constitué le modèle à suivre pour les bibliothécaires de tous les pays. Quantitatives, elles chiffrent les principaux moyens de la bibliothèque (collections, personnel, acquisitions, locaux, etc.) calculés, généralement, en fonction de la population à desservir. On sait depuis tout aussi longtemps que ces normes ne doivent pas être appliquées de façon mécanique et doivent être adaptées aux réalités locales et aux objectifs du service.
Mais si un des principaux objectifs du service consiste en la diffusion et le prêt d'ouvrages, n'est-il pas possible d'analyser et d'affiner la relation entre la taille du fonds et le prêt ? En d'autres termes existe-t-il un « stock optimal » ? L'interrogation remet en cause le postulat communément admis selon lequel une collection de masse assure un meilleur service qu'une petite, encore qu'il soit également admis qu'un petit établissement enregistre un taux de rotation plus élevé qu'un grand. De ce fait, elle conteste également la pertinence de la relation linéaire nombre d'habitants/nombre de livres généralement proposée par les normes (2 livres par habitant en moyenne). On voit toute l'importance de l'enjeu pour les programmateurs et les décideurs. Or c'est en ces termes que Mary Jo Detweiler, sous le titre « The « best size » public library »
De telles conclusions appellent des vérifications approfondies mais, aussi, posent des questions nouvelles : les fonds importants attirent-ils vraiment un public plus nombreux ? Si les concentrations de 50 000 à 100 000 volumes assurent vraiment une efficacité maximale. les politiques traditionnelles d'implantation d'annexes seraient à réétudier - à condition bien sûr que le prêt constitue l'objectif prioritaire -puisque une seule annexe de 60 000 volumes assurerait un service de diffusion plus efficace que deux de 30 000. Parallèlement « l'insuccès » des fonds trop importants mérite une analyse détaillée : présence sur les rayons de documents d'intérêt secondaire, phénomène d'overwhelming du public submergé et perdu dans la masse des objets présentés... Toutes ces hypothèses doivent être examinées, insiste l'auteur, et les grandes bibliothèques désireuses d'améliorer leur score au niveau du prêt pourraient bien se mettre au « désherbage » de leurs fonds et au stockage hors site des documents les moins utilisés.
Et si cette remise en cause des politiques d'équipement s'avérait fondée ? Verra-t-on les responsables de programmation se faire hara-kiri devant leurs annexes anémiques et leurs centrales hypertrophiées ? On pourrait voir se généraliser le modèle du réseau à trois nivéaux - centrales relativement légères et succursales « lourdes » prenant à leur charge la desserte non plus d'un seul quartier mais de plusieurs, animant les équipements de base (services pour enfants, bibliobus), et développant les services à domicile. On n'en est pas encore là en France, encore qu'on y compte plusieurs tentatives d'organisation en ce sens. En 1983, à peine plus de 30 bibliothèques municipales comptaient, selon les statistiques de la Direction du livre
Déterminer les dimensions de la bibliothèque idéale, guérir l'overwhelming, des « problèmes de riche » ? Des « problèmes d'ex-riche » soucieux de rentabiliser le « capital collections » serait-il plus exact de dire. Donc, même si l'overwhelming n'est pas la préoccupation majeure des bibliothécaires français, les médecines préconisées à son endroit peuvent, dans une certaine mesure, trouver leur application dans les bibliothèques françaises car le développement des prêts passe par l'adéquation aux besoins du public. On retrouve là toutes les questions posées par le choix, la présentation et l'organisation des collections