Depuis 1984, l’Association française de recherche sur l’histoire du cinéma (AFRHC) publie une revue, érudite et/mais passionnante, 1895, ainsi que de nombreux ouvrages exigeants et/mais passionnants, soit monographies de cinéastes (Christian-Jaque, Antoine, Feyder, Grémillon, Ophüls, etc.) soit ouvrages thématiques (Le relief au cinéma
, Dictionnaire du cinéma français
, etc.). Les éditions du Nouveau monde, quant à elles, ont connu un beau succès avec le Dictionnaire du cinéma populaire français
, et récidivent (?) avec un Dictionnaire mondial des images
publié sous la direction de Laurent Gervereau, de « Absence » à « Zéro ». À rebours de ce nihilisme annoncé, l’AFRHC propose la réédition rare, voire unique, de deux textes de Boleslas Matuszewski, qui, dès 1898 – le cinématographe, rappelons-le, est officiellement né trois ans plus tôt seulement, et encore, en décembre – le célèbre comme «
Une nouvelle source de l’histoire
et La photographie animée
sont les fondements mythiques, voire mythifiés, de l’institution Cinémathèque. Comme beaucoup de mythes, peu peuvent se vanter de les avoir lus dans leur état initial – c’est désormais chose possible grâce à l’AFRHC. Cette lecture, vivifiante et roborative, mais aussi édifiante et désespérante, est à mesurer à l’aune du chemin parcouru depuis, un siècle et quelques poussières plus tard, tel que l’illustre et/ou le regrette le Dictionnaire mondial des images
, plus encyclopédique que dictionnaire dans son intention, qu’on picore et qu’on dévore, mais dont le souci alphabétique n’est qu’un masque, un prétexte, une incidente, dans un propos et une intention tout sauf méthodologiques et exhaustifs.
Boleslas Matuszewski (appelons-le « M », ce n’est pas si déplacé) commence par déplorer que le cinéma n’ait pas été inventé plus tôt : « Dictionnaire
note que «
Puis, dans un mouvement inouï (pour nous), « M » disqualifie la photographie, comme susceptible de trucage, là où l’image animée « Dictionnaire
, mais la « manipulation », article rédigé par Laurent Gervereau lui-même. Pour lui, l’image «
En même temps, on est fasciné, en lisant « M », de retourner à une sorte de « savage innocence » du monde du film, d’autant plus que (sans révérence aucune aux lecteurs de cette revue), « M » pense immédiatement la Dictionnaire
, mais, sous la plume argumentée de Bernard Bastide, de la « conservation ». Beaucoup de problèmes soulevés, d’autant plus que, pour l’auteur, « conservation » ne va pas sans « restauration » et que l’heure est, dit-il, à la «
Le premier texte de « M », le plus connu, le plus cité, ne fait que 12 pages dans son édition d’origine. Le Dictionnaire mondial des images
, 1 119. Une nouvelle source de l’histoire
a connu une postérité malgré soi, le genre de texte que personne n’a lu, et que – donc – tout le monde cite. Qu’en sera-t-il, maintenant que l’AFRHC en propose une édition en fac-similé, mais augmentée d’une préface et de quatre études qui en éclairent parfaitement le contexte d’élaboration, et les « vie et destin » de son auteur ? À rebours mais avec le dessein de stimuler, le Dictionnaire
brouille les pistes en les multipliant, se nourrit plus de textes que d’images (en nombre finalement réduit pour un recueil dont c’est l’ambition). L’un et l’autre cependant nourrissent l’Dictionnaire
.
Écrits cinématographiques/ édition établie par Magdalena Mazaraki. – Paris : AFRHC : Cinémathèque française, 2006. – 216 p. ; 24 cm. ISBN 2-91375-874-6 : 17 €
Dictionnaire mondial des images/ sous la dir. de Laurent Gervereau. – Paris : Nouveau Monde éditions, 2006 – 1 119 p. ; 29 cm. ISBN 13 : 978-2-84736-185-5 : 59,90 €