Les bibliothécaires, professionnels narcissiques comme toutes les autres professions, adorent les livres qui magnifient les bibliothèques, soulignent leur utilité, valorisent le travail qui y est fait. De ce point de vue, l’ouvrage de Jean Marie Goulemot n’échappera pas à la règle. Mais l’approbation qui lui est acquise par essence n’empêchera pas un œil critique de voir quelques faiblesses dans cet ouvrage.
Jean Marie Goulemot, historien de la littérature, l’un des coauteurs du Pouvoir des bibliothèques
(Albin Michel, 1996), aime les bibliothèques. Il les fréquente non seulement par obligation (pour y faire ses recherches) mais aussi par plaisir. «
Les bibliothèques françaises, et notamment la Bibliothèque nationale, sont elles aussi appréciées mais avec réserve. Et ce n’est pas le moins intéressant de cet ouvrage, que de connaître de l’intérieur les relations mitigées qu’un lecteur assidu entretient avec « sa » bibliothèque. À la fois «
Le récit d’une grève à la BN (avant Tolbiac) permet de déchirer le voile des rapports policés entre personnels (ici, les magasiniers) et usagers. Sommés d’évacuer la salle Labrouste, les lecteurs en viennent à échanger des noms d’oiseaux avec les grévistes. «
Ces annotations, ces « choses vues », cette relation vivante, tantôt idyllique tantôt décevante, d’un chercheur avec les bibliothèques sont, hélas, noyées dans des développements historiques souvent peu convaincants (Bernard Faÿ et la BN sous l’Occupation) ou déconstruits. On court de la bibliothèque d’Alexandrie à la BnF pour sauter au XVIIIe siècle, revenir à la BnF, puis partir pour les États-Unis, dans un mouvement peu compréhensible.
Tantôt autobiographie d’un lecteur, tantôt œuvre d’historien, tantôt mémoires au fil de l’eau, le texte manque d’un fil directeur. Le style en est quelquefois relâché, on croit y lire des approximations (François Jacob au lieu de Christian Jacob) ou quelques banalités (l’accès à distance comme désocialisation).
Bref, on est un peu déçu – cet amour des bibliothèques n’est pas seulement vache, il manque aussi de force.