Dans le monde des bibliothèques, 2006 aura été une année de célébrations. N’en citons que deux : le cinquantenaire du BBF
BBF
a été publié à cette occasion : Regards sur un demi-siècle : cinquantenaire du Bulletin des bibliothèques de France
, 2006.
Dans la conférence inaugurale, les bibliothèques furent conjuguées au futur mais aussi au passé par l’écrivain Alberto Manguel. S’appuyant sur deux mythes universellement connus, la Tour de Babel et la Bibliothèque d’Alexandrie, Alberto Manguel en fit un parallèle avec les bibliothèques, qui, tout comme eux, aspirent à la conquête de l’espace et du temps. Rêve qu’Internet cherche à perpétuer, mais avec le risque «
Si l’on compare les bibliothèques françaises aux bibliothèques des pays nordiques ou nord-américains, c’est souvent avec une pointe d’envie. Qu’est-ce qui fait le succès de ces dernières auprès de la population ? Au Canada, remarque Réjean Savard (Université de Montréal), les bibliothèques sont «
Être à l’écoute des besoins de la population, c’est aussi ce qui fait la popularité des bibliothèques finlandaises. Dans le centre-ville d’Helsinki, deux espaces répondent à des attentes spécifiques. La Bibliothèque 10, ouverte tous les jours, met entre autres à la disposition des jeunes un studio d’enregistrement où ils ont la possibilité de présenter leur propre création, tandis que, toujours dans le centre, un lieu de rencontre offre une formation à toutes les démarches concernant la vie quotidienne (Anne Korhonen, bibliothèque municipale d’Helsinki). Où qu’ils soient, les Finlandais savent qu’ils trouveront à la bibliothèque la réponse à toutes les questions qu’ils peuvent se poser. Une autre raison, selon Tuula Haavisto, du succès des bibliothèques en Finlande, réside dans les bonnes relations que les bibliothécaires entretiennent avec les politiques (et inversement !). Notons que c’est un membre du Parlement qui est actuellement président de l’Association des bibliothécaires finlandais. Si l’on ajoute une offre importante en nouvelles technologies – aussi bien au Canada qu’en Finlande
Autre pays, autre situation. En Colombie, beaucoup reste à faire en matière de bibliothèques. Cependant, depuis quelques années, volonté politique, énergie stimulante des bibliothécaires et forte demande de la population ont été à l’origine d’un plan national en faveur de la lecture et des bibliothèques (2003-2006) qui s’insère dans le plan national de développement de la culture (Mary Giraldo Rengifo, directrice de la Bibliothèque nationale de Colombie)
Cela fait déjà quelques décennies que l’on a pris conscience que la bibliothèque n’était pas autosuffisante et la multiplication des actions de coopération et de mutualisation a marqué le début d’un changement de pratiques. Actuellement, c’est le concept de bibliothèque hybride qui se développe. Sur ce point encore, la Finlande est en avance, qui y travaille depuis l’an 2000. Plusieurs services innovants dans ce domaine ont été présentés par Anne Korhonen, mêlant des services adaptés à des usages multiples. L’IGS (Information Gas Station)
Faire vivre la bibliothèque en fonction des attentes – de plus en plus exigeantes – du public, y développer plusieurs usages, c’est également ce que préconise Patrick Bazin (directeur de la bibliothèque municipale de Lyon), pour que permanence et changement soient étroitement liés, comme l’écrit Lampedusa dans Le Guépard
: «
Le texte n’est plus indissociable du livre, il s’habille désormais de formes variées d’écriture et de lecture. Ainsi, les bibliothèques universitaires voient-elles leurs collections électroniques, revues et thèses essentiellement, augmenter sans cesse. Obtenir des financements, à l’intérieur de l’université, pour la documentation électronique, accessible de l’extérieur de la bibliothèque s’avère plus aisé que pour une documentation imprimée, dont l’accès est synonyme de déplacement à la bibliothèque (Iris Reibel, directrice du service commun de la documentation de l’université de Strasbourg I).
Face à l’importance que prennent les documents électroniques, les collections patrimoniales, pour ne pas rester des richesses méconnues, doivent lutter contre la tendance naturelle des bibliothécaires à faire de la diffusion l’ennemi juré de la conservation. De plus en plus, leur place dans la bibliothèque et leur mise en valeur font partie des préoccupations des professionnels. En témoigne la politique de numérisation menée par la médiathèque de Troyes, qui a choisi de mettre l’accent sur la diffusion de son fonds ancien plus que sur sa conservation. Pour Thierry Delcourt (directeur, au moment du congrès, de la médiathèque de l’agglomération troyenne), «
Il n’en reste pas moins que, pour transmettre aux générations futures les originaux anciens, il faut savoir les préserver et les conserver. Thierry Aubry (conservateur-restaurateur, Institut national du patrimoine, Université de Paris I) a souligné les difficultés à inscrire un projet de conservation préventive dans la durée, dans la mesure où l’État fonctionne sur appels à projets ponctuels. Une politique de contractualisation pluriannuelle avec les régions pourrait être une solution. Thierry Aubry, approuvé par l’auditoire, a également regretté l’absence de coordination nationale en matière de numérisation, notamment des incunables français. Un nouveau chantier, dans lequel la BnF pourrait être l’élément moteur ?
Nos métiers sont au cœur de la réflexion prospective sur les bibliothèques de demain. À la demande du ministère de la Fonction publique, une démarche « métier » interministérielle au sein de la fonction publique d’État s’est concrétisée dans l’élaboration du répertoire interministériel des métiers de l’État (Rime)
Poursuivant le même objectif «
L’évolution des métiers implique une adaptation de la formation à ces changements. Quelles compétences acquérir, donc quels contenus donner aux formations ? Comment former à la fois tout le monde et chacun en particulier ? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles devrait répondre la nouvelle offre de formation de l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (Anne-Marie Bertrand, directrice de l’Enssib). Avec l’ambition de rapprocher les deux fonctions publiques, décloisonner les formations initiale et continue, personnaliser rythme et contenus de la formation, capitaliser les acquis, mettre en place des tutorats recréant «
Notons cependant que nous devons rester vigilants face à une tendance inquiétante, soulignée par Anne-Marie Bertrand, au déclassement des postes et à leur stagnation, voire leur diminution aux concours alors que les départs en retraite s’accélèrent.
Autre problématique que Joël Roman (revue Esprit
) a développée, celle du sens de la masse d’informations produite par Internet. N’est-on pas dans une fausse offre de promesse démocratique ? La démarche consiste désormais à produire de la rareté dans une surabondance offerte à tous, et les questions à résoudre sont celles de la validation, la sélection, l’orientation, car «