« Internationales graphiques : collections d’affiches politiques, 1970-1990 » est le thème de l’exposition proposée cette année (février-mai 2016) à l’Hôtel des Invalides, par la BDIC (Bibliothèque de documentation et d’information contemporaine), en partenariat avec l’Institut d’histoire sociale (HSH) d’Amsterdam, et avec la collaboration de la BnF et des Silos (à Chaumont).
Elle fait suite à « Affiche-action, quand la politique s’écrit dans la rue Affiche-action, quand la politique s’écrit dans la rue
dans le Bulletin des bibliothèques de France (BBF)
, n° 2, 2013. En ligne :
Entre 1970 et 1990, en France, c’est aussi l’éloignement progressif de la CGT et du PCF de l’orbite soviétique (Marie-Claire Lavabre et Bernard Pudal), ce sont les élections municipales de 1977, puis les élections présidentielles de 1981, qui verront la gauche arriver au pouvoir. Cette question de la relation au pouvoir, et la réorganisation de la pensée politique critique auront un retentissement sur le travail des graphistes.
Ce que montre bien le catalogue de l’exposition, par les nombreux entretiens, c’est la restitution du contexte historique (Julien Hage), le croisement incessant des artistes entre Cuba (Henri Villaverde), la Pologne (Benoît Buquet, en particulier sur la personnalité ambivalente d’Henri Tomaszewski), les États-Unis (Milton Glaser et Seymour Schwast pour Push Pin Studio, Alain Le Quernec et Claude Baillargon). Ces artistes sont sollicités par les municipalités (communistes la plupart du temps), les théâtres, où ils auront une certaine liberté d’action : l’art est au service d’une action politique, et il ne s’affiche plus de façon individuelle, dans la rue, mais de façon plus officielle ou institutionnelle (y compris par les syndicats). L’arrivée de Jack Lang au ministère de la Culture (qui deviendra de la Culture et de la Communication) bouscule assez vite les conceptions du métier. La fin des grands combats politiques issus des années 1968, le rapprochement avec le pouvoir, laisseront une partie de ces graphistes désemparés. Intégrés aujourd’hui dans des agences de communication, les nostalgiques rêvent de cet âge d’or où art, graphisme et politique, expression, semblaient encore possibles entre 1970 et 1990.
Le lien entre esthétique, politique et sciences humaines est sans doute né au tournant des années 1970. C’est une des leçons que nous pouvons tirer de la lecture de ce très beau catalogue, intelligemment et plastiquement très bien mis en page par les éditions FAGE, et qui apporte une dimension bien supérieure aux quatre ou cinq malheureuses salles que l’Hôtel des Invalides avait concédées à la BDIC. Outre la reproduction intégrale des affiches, on y trouvera aussi de nombreux textes, de nombreuses analyses, restituant à ce travail de recherche une épaisseur et une portée historique très importantes.