Jeudi 7 juillet 2016, à la Villa Gillet (Lyon),
Une journée riche et dense, suivie par près de 180 acteurs du livre (auteurs, éditeurs, libraires, bibliothécaires, booktubeurs, organisateurs de manifestations littéraires, etc.), qui a souligné la vitalité et la créativité de ce secteur dans notre région et, à l'heure des incertitudes planant sur son avenir, la nécessité de pouvoir compter sur un organisme tel que l'Arald pour aider à la réflexion et à la mise en œuvre de projets concrets.
L'occasion aussi, pour une partie de la trentaine d'éditeurs de la région invités, de présenter leurs catalogues sur des mini-stands.
La matinée a d'abord permis de faire le point sur la situation des auteurs, leurs profils et leurs revenus. Un condensé de l'étude
Après avoir expliqué le contenu de l'échantillon sur lequel a porté l'étude (1549 auteurs y ont répondu), il en ressort notamment que :
- la situation financière des auteurs continue de se dégrader, et leurs revenus liés à l'écriture continuent globalement de baisser ;
- seuls 11% des auteurs interrogés font de l'écriture leur activité principale ;
- les auteurs qui tirent le plus de revenus connexes de leurs œuvres sont aussi les plus précaires (seuls à peine plus de 8% des auteurs tirent de leurs activités connexes des revenus supérieurs à 5 000 € annuels) ;
- 95 % des auteurs déclarent une activité connexe, parmi lesquels 80 % ont plusieurs activités connexes mais, l'activité la plus fréquente est la dédicace, généralement pas rémunérée (85 % en réalisent ; contre seulement 41 % pour une lecture et présentation de l’œuvre, 45% pour une participation à un débat ou conférence – dont 30% seulement sont rémunérés) ;
- les lieux de ces activités connexes sont, le plus souvent, dans la région de résidence de l'auteur ;
- c'est dans les festivals et salons du livre que sont proposées et demandées « le plus souvent » (38%) ces activités connexes, mais c'est en bibliothèque qu'elles sont « le plus souvent » rémunérées (26%, contre 18% en salons) ;
- il y a une logique cumulative de toutes ces activités : plus l'auteur en pratique, plus il est reconnu et convoqué comme auteur ; plus il est reconnu comme auteur, plus il est sollicité pour ces activités.
En seconde partie de matinée, Narges Temimi (Arald) et Françoise Dubosclard (Transfo) ont détaillé leurs baromètres de l’économie du livre en Rhône-Alpes et en Auvergne, donnant une vision assez précise de l’activité des éditeurs et des libraires de la région. Un état des lieux autant qu'un observatoire, visant à proposer une cartographie, dégager des indicateurs et examiner les évolutions. Cet outil sera actualisé tous les deux ans. Ces études ont été réalisées auprès de 200 libraires indépendants de Rhône-Alpes, 49 en Auvergne, 100 maisons d’édition en Rhône-Alpes et 36 en Auvergne.
On peut retrouver le diagnostic Auvergne
Il serait assez fastidieux de reproduire les chiffres ici mais ils soulignent, malgré les difficultés, une évidente diversité et une vigueur intéressante ; par exemple, sur les 200 librairies indépendantes de Rhône-Alpes, la moitié est née entre 2001 et 2011. C'est donc encore un métier qui fait rêver et qui semble motivant. C'est aussi, d'après ce baromètre, un métier de proximité (les librairies indépendantes vendent peu sur internet) qui, à 80 %, génère son chiffre d'affaire avec la vente de livres uniquement.
L'après-midi a démarré sur les chapeaux de roues, avec un Pecha Kucha (court exposé oral accompagné d'un nombre limité de diapositives qui doivent se succéder à un rythme rapide) : 13 présentations de projets livre/lecture transversaux et innovants en région, en 5 minutes chrono !
Parmi ces présentations, on notera :
des initiatives de mutualisation :
-
- le Dépôt Imaginaire, qui propose un lieu à mi-chemin entre la librairie et la galerie, regroupant les productions de 12 éditeurs indépendants de littérature de l'imaginaire, des expositions, des débats, des rencontres, etc.
- un « librairie volant », formé au métier, et qui peut, à la demande, travailler dans différentes librairies, en fonction des besoins ponctuels, grâce au
des initiatives sociales :
- celle du
- celle de Maya Flandin, de la librairie
des éditeurs :
-
- les
-
le magazine
un logiciel en ligne pour le calcul des droits d'auteurs (
etc.
La dernière intervention est celle qui a sans aucun doute suscité le plus de réactions (dommage que le temps manquant n'ait pas permis d'entamer un vrai débat), avec un intitulé provocateur : « Générations X, Y, Z... comme Zéro lecture ? »
Christine Detrez (sociologue) a d'abord judicieusement replacé le contexte en rappelant les spécificités liées à cet âge particulier de la vie (un âge où les émotions priment, y compris dans le domaine de la lecture, et les représentations que les ados en ont et en donnent). Regrettant la déploration (« les ados ne lisent plus »), elle a souligné qu'il n'y a jamais eu d'âge d'or où « tous les ados auraient été lecteurs » et que, de tout temps, les adultes ont toujours énoncé une baisse ou une perte du goût de la lecture chez les ados. Il est probable aussi que, le prestige de la lecture étant en perte de vitesse, les ados avouent plus franchement qu'avant leur désintérêt pour cette pratique (même s'ils restent encore majoritaires à se déclarer attachés à la lecture). Il y a certes une désaffection réelle pour la lecture mais non seulement elle est valable pour toutes les catégories (garçons/filles, gros/faibles lecteurs) mais elle est aussi à remettre dans la perspective de la désaffection globale (des adultes y compris) pour cette pratique.
Plutôt que de se lamenter, il faut peut-être retourner la question et, au lieu de « pourquoi ne lisent-ils plus? », se demander « pourquoi lisent-ils encore ? »
Olivier Zerbib (sociologue) a, lui, travaillé sur les usages du livre, du numérique et du livre numérique, et s'est interrogé sur les « digital natives ». Le constat est simple : le numérique, l'utilisation qu'en font les ados, ne modifie pas les pratiques en termes de lecture. Les ados lisent les mêmes catégories de livres en version papier ou e-book, et ne lisent pas plus.
Cécile Mansour (enseignante) a incité à la modestie des « prescripteurs », pour ne pas sacraliser la lecture : il faut, dit-elle, accepter que ce que l'on propose puisse ne pas leur plaire, qu'ils lisent « en découpage », etc. Le rôle des parents dans le frein à la lecture n'est pas anodin : elle en rencontre de plus en en plus qui pensent que « la lecture ne sert à rien ».
Enfin, Pauline Torbaty-Crassard, ex-blogueuse, une des responsables de l'association
La journée s'est terminée par un Pecha Kucha de l'Arald où chacun des salariés de cette indispensable association a expliqué ses missions. Laurent Bonzon (directeur) a également fait part des suggestions des participants (lors de l'inscription) qui, presque toutes, vont dans le sens de toujours plus de mise en relations pour une meilleure connaissance des « autres » professions du livre.
Vous trouverez d'autres point de vue de cette journée :
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