La journée est introduite par Christine Carrier (directrice de la Bpi), et Guillaume de la Taille (vice-président de Réseau Carel), qui soulignent l’importance des partenariats interprofessionnels, comme celui qui rassemble la Bpi, Réseau Carel et l’ACIM et qui a permis que cette journée, fruit d’échanges et de veille au long cours, puisse avoir lieu.
Pour la première intervention du jour, Nicolas Blondeau (président de l’ACIM), prend comme point de départ la coexistence depuis quelques années d’une grande variété de plateformes et d’applis musicales pour les bibliothèques. L’une des premières difficultés qui se pose pour les bibliothécaires est de réussir à s’orienter dans cette diversité de ressources qui, chacune, possèdent des caractéristiques propres, que ce soit en termes de contenus, d’ergonomie et d’accès, ou encore de modèle économique. Sans compter que la plupart des sites ne cessent d’évoluer : accroissement du catalogue, nouvelles fonctionnalités, changement des conditions d’accès, etc. Comment faire son choix dans cette multiplicité ?
D’où la proposition d’une
- Types de contenus et genres musicaux : musique classique et contemporaine, musiques actuelles, indépendantes ou pour enfants ; sous droits ou du domaine public ; enregistrements audio ou vidéo, documentaires, méthodes d’apprentissage, etc. L’éventail est large, et se retrouve aussi bien dans des ressources spécialisées dans certains genres musicaux (Naxos, Medici TV pour le classique, Munki pour la jeunesse), que plus généralistes (1D Touch côté indépendants, MusicMe côté majors, Philharmonie de Paris pour les concerts).
- Solutions techniques, modes d’accès : la plupart des plateformes d’abonnement proposent une lecture en streaming (connectée ou non), plus rarement du téléchargement. L’accès se fait le plus souvent à distance sur le web, mais certaines ressources proposent en plus des outils spécifiques (bornes ou tablettes équipées), à disposer dans les bibliothèques (Cristal Zik, 1D Touch, Munki).
- Fonctionnalités : très utiles pour des opérations de médiation des bibliothécaires, et afin qu’eux-mêmes puissent se retrouver dans des catalogues parfois très fournis, elles permettent de personnaliser sa plateforme (Music Me), de créer des sélections, des dossiers thématiques (1D Touch) ou des playlists (Doob). En revanche, les fonctionnalités offertes aux auditeurs, notamment les outils de partage, sont encore trop peu développées.
- Modèles économiques : c’est souvent le nerf de la guerre pour les collectivités, et on constate d’importantes différences de prix selon les ressources, d’autant plus difficiles à évaluer et à comparer que les modèles et les catalogues sont eux-mêmes très différents. Des associations comme Réseau Carel et l’ACIM poussent justement à une meilleure lisibilité des grilles tarifaires et des critères de facturation, afin que l’évaluation puisse se faire le plus objectivement possible.
C’est à partir d’une analyse de ces différents critères que la bibliothèque pourra trouver la ressource la plus adéquate à ses moyens et à son public, préalable à une évaluation a posteriori des usages et de la demande. En conclusion, Nicolas Blondeau appelle de ses vœux des ressources plus inclusives et centrées sur l’expérience usager, et estime qu’il faut favoriser l’implication des bibliothèques dans la production de ressources, et continuer à partager les retours d’expérience, les travaux menés autour de la médiation, et à renforcer les coopérations.
Ces points seront débattus lors de la table ronde suivante, organisée sous la forme d’une présentation de quatre ressources co-construites par des bibliothèques et des associations, dont on pourra distinguer quelques traits ou questionnements communs : la co-production, dans l’esprit du libre, de ressources d’écoute et de partage ; l’éditorialisation et la médiation comme relais indispensables vers le public ; et enfin la question des publics visés et / ou touchés par ces nouveaux services.
Selon Marc Crozet (directeur de la Médiathèque musicale de Paris et modérateur de cet échange), il y a des raisons multiples qui peuvent pousser les bibliothèques à s’investir dans les ressources numériques musicales : proposer de nouvelles relations avec le public, mettre en valeur la scène musicale locale, agir en faveur du libre, etc. Voici donc des domaines ouverts dans lesquels chacun devra inventer ses règles, et composer avec un certain nombre de contraintes d’ordre logistique, juridique ou encore administratif.
Vincent Bouteloup présente
Le site contient des mini-chroniques d’albums de tous genres musicaux et de tous pays, permet l’écoute de morceaux et pointe vers les plateformes d’origine. Initialement alimenté par les deux médiathèques précitées, il s’est rapidement inscrit dans une démarche participative et compte aujourd’hui trente contributeurs réguliers, basés dans une quinzaine d’établissements dans toute la France.
La
Émeline Monraisse (Bibliothèque Kateb Yacine, Grenoble), présente le
La
- Elle retrace l’histoire des musiciens et labels girondins, des premiers groupes de rock à aujourd’hui, et s’est peu à peu ouverte à d’autres genres musicaux, dans un même élan patrimonial.
- C’est aussi un outil d’actualité très complet qui référence les réseaux, associations et labels en activité, ainsi que les lieux et dates de concert de la région, et permet d’accéder en quelques clics à une vision d’ensemble d’une scène très vivante.
Un blog, des playlists thématiques, des visionnages de concerts – notamment de tous les groupes ayant joué dans les bibliothèques du réseau – viennent appuyer ce travail de recensement. Pour mener à bien ce projet, plusieurs médiathèques de la région se sont associées et ont pu compter sur le soutien actif de l’ACIM d’une part et, pour la collecte des informations, de nombreux acteurs locaux.
Les participants s’accordent sur un point : l’attention portée aux opérations, jugées indispensables, d’éditorialisation et de médiation des ressources. Elles sont de fait inscrites au cœur même de chaque projet, et ne sauraient se réduire à de simples outils d’accompagnement.
Nous l’avons vu, l’éditorialisation prend plusieurs formes : sélection de contenus, playlists audio et vidéo, rédaction d’articles et de chroniques, billets d’actualité, etc. Spécifiquement adaptée aux usages du web, d’un ton volontiers non institutionnel, elle se distingue de l’éditorialisation sur site physique par la nécessité d’élaborer des outils communs interbibliothèques, étant donné que les participants sont souvent basés dans des établissements distincts : le cas le plus exemplaire étant celui de Ziklibrenbib, qui a très tôt décidé de porter les contributions au niveau national. Cela implique de revoir les pratiques métier et de donner une place d’importance à la veille et à la formation, ainsi qu’aux partenariats. L’éditorialisation peut aussi se déployer sur plusieurs solutions web et s’inscrire dans un champ d’intervention plus étendu : ainsi Émeline Monraisse n’a pas manqué de signaler qu’à Grenoble, le blog Bmol se veut complémentaire de l’offre 1D Touch – avec un même parti pris de défense des musiques libres et / ou indépendantes –, offre elle-même intégrée à la récente
De même, on constate une dissémination des outils de médiation, à l’aide bien sûr des réseaux sociaux, Facebook et Twitter en tête, mais aussi de différents sites de partage de musique : Soundcloud ou Bandcamp pour présenter les derniers titres intégrés ou créer des compilations, dans un mouvement d’aller-retour puisque ces sites sont aussi des sites ressources ; Discogs, la plus importante base de données participative de musique enregistrée, pour le recensement du patrimoine musical régional (Gironde Music box). Les bibliothèques deviennent elles-mêmes contributrices de sites tiers nés avec le web 2.0.
Enfin, tous ont en commun de rematérialiser les contenus numériques, afin de les faire connaître dans l’enceinte de la bibliothèque : fauteuils connectés pour la Sonothèque Normandie, œuvres gravées sur clés USB et impression de fascicules reprenant les chroniques (Ziklibrenbib), QR codes directement dans les rayonnages, etc. On assiste aussi à des événements plus ponctuels comme l’élection du titre de l’année pour les publics des bibliothèques utilisant Ziklibrenbib, ou des soirées de lancement avec concerts (Bmol, Gironde Music Box).
C’est le troisième trait saillant de toutes ces ressources : étant donné leurs spécificités, quels publics se les sont appropriées, et comment s’articulent-elles avec les autres services musicaux de chaque bibliothèque ? De fait, elles participent à un élan numérique global, qui a concerné en premier lieu certains genres, dont les musiciens et labels avaient vite compris l’intérêt du web, notamment dans l’usage du libre (qui n’est, est-il rappelé, pas réductible au gratuit) et l’ont investi pour toucher des auditeurs autrement que par le disque ou le concert, et pour créer d’autres modèles de partage, plus indépendants : musiques pop rock au sens large, électro, etc. Bien entendu, par capillarité, ces modèles de diffusion ont peu à peu influencé les autres genres musicaux, mais ce sont les premiers cités qui sont au départ des quatre projets et qui constituent la majeure partie des catalogues.
Dès lors, ces ressources touchent en premier lieu un public déjà amateur et curieux de découvertes. Cependant, cette démarche est fructueuse, pour faire entendre d’autres voix et d’autres sons que ce que proposent les mastodontes du web, ainsi que pour relayer auprès de tout auditeur potentiel des circuits plus ou moins confidentiels. De la part de la Gironde Music Box ou de la Sonothèque Normandie, il est de plus question de constituer une mémoire patrimoniale qui s’inscrit dans un temps long et n’a pas seulement pour objet de toucher les usagers actuels, mais aussi de faire rayonner une culture musicale très forte à l’échelle locale et au-delà. Enfin, il ne faut pas oublier que ces projets s’inscrivent dans une offre bien plus large : ces sites se veulent complémentaires des collections physiques et éventuellement d’autres ressources musicales, sous droits ou non – plus large et, est-il utile de le rappeler, en pleine mutation depuis plusieurs années, et donc amenées à prendre d’autres formes encore.
Pour en savoir plus : retrouvez l’ensemble des présentations de la matinée, ainsi que les liens vers les ressources présentes lors du salon, sur