Sommes-nous légalement obliger de passer par des services de reproduction (bnf, parisienne de photographie...) pour utiliser, à titre personnel ou...

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Question

Sommes-nous légalement obliger de passer par des services de reproduction (bnf, parisienne de photographie...) pour utiliser, à titre personnel ou à titre commercial, des documents libres de droit issus des collections numérisées d'une bibliothèque numérique par exemple, d'autant plus qu'il me semble, que ces institutions publics n'ont aucun droit sur ses collections libres de droit ? Est-ce légal de faire payer des droits de reproduction pour des oeuvres libres de droit ?

Réponse

Date de la réponse :  04/10/2012

Vous voulez savoir s’il est légal qu’une bibliothèque fasse payer des droits pour l’utilisation commerciale de documents libres qu'elle a numérisés.

Votre question relève de la vaste problématique de l'ouverture des données publiques, encouragée depuis 2011 par la mission interministérielle Etalab (http://www.data.gouv.fr/A-propos) ; comme les débats autour de ces questions sont encore vifs, il nous est difficile de vous livrer une réponse définitive, mais nous pouvons vous signaler certaines ressources qui pourront alimenter votre réflexion.

1. le contexte de l'ouverture des données publiques

Dans le cadre du mouvement d'ouverture des données publiques, certains établissements documentaires ont fait le choix de placer leurs productions numérisées sous licence ouverte, comme la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg ; cette démarche est présentée par Frédéric Blin sur le blog de Rémi Mathis : http://alatoisondor.wordpress.com/2012/03/21/il-est-de-notre-mission-de-...

Il existe toutefois un débat sur la réutilisation commerciale des données publiques, comme en témoigne le litige récent autour de l'utilisation commerciale des archives par Généalogie.com : http://www.rue89.com/rue89-eco/2010/06/16/comment-genealogiecom-veut-pri...

2. la réutilisation de données produites à partir d’œuvres du domaine public

Dans ce contexte d'évolution des pratiques et d'incertitudes juridiques, certaines institutions continuent à facturer l'utilisation commerciale de leurs fonds numérisés, comme la BnF, qui facture la réutilisation commerciale des contenus de Gallica ("revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service").
La BnF indique que cette pratique est permise par la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 sur la réutilisation des informations publiques.
D'autre part, elle considère :
- qu'elle est propriétaire des contenus de Gallica "au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques" (http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idArticle=LEGIARTI0000063611...) - et que "Gallica constitue une base de données, dont la BnF est producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle" (http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000...).
Source :
Conditions d'utilisation des contenus de Gallica. in BnF [en ligne]. Disponible sur : http://gallica.bnf.fr/html/editorial/conditions-dutilisation-des-contenu...

Sur son blog SI-Lex, Lionel Maurel dénonce cette restriction abusive des usages des documents numérisés ; dans un billet récent, il pose des questions proches de la votre :
« Si le domaine public est en danger en France, c’est avant tout parce qu’il est menacé par les institutions culturelles qui devraient au contraire le protéger. (…) à l’occasion de la numérisation de ces objets, elles sont une majorité écrasante à user de stratagèmes juridiques divers et variés pour porter atteinte à la liberté de réutilisation qui devrait être le pendant logique du domaine public.
Le problème est connu : allez sur les sites des musées, des bibliothèques et des archives. Vous y trouverez de très nombreuses oeuvres du domaine public numérisées et offertes à la consultation du public. Mais dans une écrasante majorité des cas, les images seront accompagnées d’une mention restrictive, qui restreindra les usages d’une manière ou d’une autre, quand un brutal “Copyright : tous droits réservés” ne sera pas purement et simplement appliqué ! (...)
Une telle revendication empêche toutes les formes de réutilisation, y compris les plus légitimes : elle bloque par exemple les usages pédagogiques et de recherche ; elle entrave les chercheurs qui voudraient utiliser ces images pour des publications scientifiques ; elle interdit aux simples internautes de les reprendre pour illustrer leurs blogs et leurs sites ; elle ne permet pas d ’aller enrichir les articles de Wikipédia et d ’autres sites collaboratifs. Elle bloque aussi bien entendu les réutilisations commerciales, qui devraient pourtant être autorisées, puisque les œuvres appartiennent au domaine public.
Bien que la valeur juridique d’un tel copyright soit plus que douteuse (vous avez dit Copyfraud ?), cette pratique n ’est pas isolée. Elle est au contraire massive dans la plupart des institutions culturelles. (...)
D’autres institutions ont récemment développé une tactique plus subtile encore. Elles considèrent que la numérisation produit des données publiques (les oeuvres deviennent des séries de 0 et de 1, qui seraient constitutives d ’informations publiques au sens de la loi du 17 juillet 1978). C’est le cas par exemple parfois à la RMN, à la BnF pour Gallica, aux Archives nationales pour Archim et dans bon nombre de services d ’archives départementales. Elles peuvent alors conditionner certaines formes de réutilisation, notamment commerciales, à la passation d’une licence et au paiement d’une redevance. Recouvert par cette couche de droit des données publiques, le domaine public disparaît, dans sa signification originelle. Pourtant cette lecture de la loi de 1978 est juridiquement contestable, même si aucun tribunal n’a encore statué sur la question.»
Source :
Fêter le patrimoine, mais laisser disparaître le domaine public ? in S.I.Lex, 15 septembre 2012 [en ligne]. Disponible sur : http://scinfolex.wordpress.com/2012/09/15/feter-le-patrimoine-mais-laiss...

Dans le dernier passage de la citation ci-dessus, Lionel Maurel renvoie vers un billet qui rend compte de ses discussions avec Jordi Navarro au sujet de la réutilisation de données produites à partir d’œuvres du domaine public ; ces échanges témoignent du flou qui règne encore autour de ces questions :
La loi 78-753 est-elle soluble dans le domaine public ? in Papiers et poussières Archives, généalogie et vieux écrits [en ligne]. Disponible sur : http://www.papiers-poussieres.fr/index.php/2011/06/20/la-loi-78-753-est-...

Tous les liens ont été consultés le 4 octobre 2012.

Cordialement,

Le Service questions? réponses! de l'enssib

MOTS CLES : Monde de l'information : Aspects juridiques