Droit de référencer ou diffuser des documents issus du web dans une base de données

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Question

Bonjour,

Il y a de plus en plus de documentation intéressante et accessible sur le net. Alimentant la BDD interne d’une institution culturelle, nous nous posons la question de savoir s’il nous est possible d’enregistrer et de diffuser ce type de documents sur notre base de données interne : article, rapport, enregistrement video … Quelle est la règle ? Peut-on référencer dans notre base de données des informations trouvées sur le net et enregistrer dans un champ le lien url qui renvoie vers le site internet source du document ? Voire vers le fichier .pdf qui pourrait être stocké sur notre serveur toujours en sourçant correctement l’origine ? Quelles sont les précautions à prendre ?

Merci pour votre réponse.

Réponse

Date de la réponse :  06/02/2019

Vous alimentez régulièrement la base de données interne d'une institution culturelle. Ayant repéré un certain nombre de documents en ligne sous diverses formes (articles, rapports, vidéos) qui pourraient intéresser vos collaborateurs, vous souhaitez savoir comment et dans quelle mesure votre institution est juridiquement autorisée à référencer ces ressources, voire à enregistrer et archiver les fichiers sur vos propres serveurs.

Nous vous renvoyons tout d'abord à deux réponses récentes de notre service à des questions proches de la vôtre :

 

Pour commencer, comme nous l'indiquions dans nos réponses, nous vous conseillons la lecture d'un manuel :

Manuel de constitution de bibliothèques numériques. Sous la dir. de Thierry Claerr et Isabelle Westeel. Éditions du Cercle de la librairie, 2013. Sommaire en ligne. Présentation sur le site de la BnF :

Ce guide est destiné à aider en particulier les chefs de projets et décideurs lors des différentes étapes de conception et de construction d'une bibliothèque numérique à l'ère du web sémantique. Il aborde notamment les questions juridiques et techniques liées au web 2.0, au web mobile et au web de données et contient un guide de préservation et d'archivage des collections numériques. Selon nous il faut en effet distinguer le simple référencement accompagné d'un lien hypertexte et la création d'une archive en ligne.

 

 

Concernant le référencement de documents


Dans ce cas, à priori, aucune autorisation n'est nécessaire dans la mesure où les documents sont clairement identifiés et déjà librement accessibles sur le web.
Pour en savoir plus vous pourrez consulter la page "Liens hypertexte" du site Eduscol :

Extrait :

"La création d’un lien hypertexte vers un autre site que le sien n’est pas un acte anodin, puisque cela consiste à renvoyer sur un contenu édité par une autre personne. Peut-on donc renvoyer un internaute par un lien hypertexte vers un autre site sans respecter aucune règle ?

La création des liens hypertextes pose des questions juridiques dont certaines peuvent être difficiles à trancher.

En effet, il n’existe aucune disposition légale relative au lien hypertexte. La seule référence se situe dans une directive européenne du 8 juin 2000[1] qui prévoyait un rapport examinant la situation des liens hypertextes. Seize ans après, le rapport n’a toujours pas été adopté.

Le lien hypertexte constitue l’essence même du web mais n’échappe évidemment pas aux principes généraux du droit et c’est sans doute pourquoi le législateur n’a pas jugé utile, jusqu’à présent, d’en faire un sujet à part. [...]

Il convient donc, a minima, de s’assurer que l’on ne porte pas atteinte aux droits des tiers, notamment en donnant l'impression à l’internaute qu’on est l'auteur du contenu vers lequel il est dirigé ou encore en facilitant l’accès à des contenus contrefaits.

Sur la base de règles de droit commun, la jurisprudence permet par exemple de dégager un certain nombre de principes.

Concernant le respect du droit d’auteur :
Il est légal d’établir un lien hypertexte à condition que le site soit licite ou légal ou qu’on ne puisse pas raisonnablement savoir qu’il s’agit d’un site publiant illicitement des œuvres protégées. La Cour de justice de l’Union européenne considère que lorsque l’on édite un site web à but lucratif, on est présumé connaître les sites publiant illicitement des œuvres protégées[5]. On note que la Cour ne distingue pas entre lien simple et lien profond.
Il est légal d’établir un lien hypertexte vers un contenu sous droits d’auteur, à condition que ce contenu soit déjà accessible au grand public ; dans ces conditions, le lien ne constitue pas une « nouvelle mise à disposition » qui nécessiterait l’accord du titulaire des droits[6]
[...]

Source : Liens hypertextes. Internet responsable. Éduscol.

 

Toutefois, dans son ouvrage Guide pratique du droit d'auteur, Anne-Laure Stérin indique (p.91) :

Une pratique d'alerte et de veille s'est développée sur Internet, consistant à référencer des textes (titre, auteur, éditeur) et à renvoyer par lien vers l'URL où figure le texte intégral. C'est une incitation à consulter ces articles, évidemment licite.
Mais la question de la légitimité d'un tel recensement se pose, lorsqu'il est réalisé  par un autre organisme que le producteur des articles et porte sur de nombreux documents. Exploiter gratuitement un contenu élaboré par un autre, peut s'apparenter à un agissement parasitaire.
Sur ce point, le GESTE ( groupement d'éditeurs de contenu en ligne) est vigilant [...]. L'utilisateur doit avoir l'accord du site producteur s'il veut référencer le titre et l'URL de plus de trois articles d'une parution (voir sa charte sur www.geste.fr). [...]

Source :  Guide pratique du droit d'auteur. Anne-Laure Stérin. Maxima, 2011.

 

Cela dit, la bibliothèque numérique que votre établissement envisage de créer est destinée à un public restreint et ne fera pas l'objet d'une exploitation commerciale.

 

 

Concernant la création d'une archive en ligne

 

En principe, chaque document mis en ligne sur le web devrait disposer d'une licence indiquant clairement quels sont les droits d'utilisation qui lui sont rattachés. Pour copier ces ressources dans votre propre bibliothèque, vous devrez en prendre connaissance et respecter les restrictions d'utilisation données.
Voici par exemple la description des licences Creatives Commons, licences très présentes dans le domaine de l'Open Access.


Par défaut, si aucune mention ne figure sur le document lui même ou sa notice, il faut considérer que l'auteur n'autorise pas la reproduction du document ; il est toujours possible de contacter l'auteur ou l'éditeur du document  (ou le producteur dans le cas d'une vidéo), pour lui demander l'autorisation de le reproduire (copier le fichier) et de le mettre à disposition en précisant clairement le cadre d'utilisation.


Le cas des documents publiés par une personne publique est spécifique. En effet, la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique a pour but de favoriser la réutilisation des informations publiques.  
Voici ce qu'indique à ce propos un billet du blog Droit(s) des archives, intitulé "Le nouveau régime juridique de la réutilisation des informations publiques" publié le 16 mai 2017 :

"La notion d’ « information publique »

Le droit de la réutilisation porte  sur les « informations publiques » communiquées ou publiées par les personnes publiques (État, collectivités territoriales, établissements publics, etc.) et les personnes privées chargées d’une mission de service public. Tous leurs documents ne sont pas des « informations publiques » au sens du CRPA : en effet, seuls les documents librement communicables à tous et sur lesquels des tiers ne détiennent pas des droits de propriété intellectuelle sont des « informations publiques » et relèvent à ce titre du droit de réutilisation.

Tous les documents conservés par les services publics d’archives ne sont donc pas rattachés au champ des « informations publiques ». Y échappent les documents qui ne sont pas encore librement communicables au regard du code du patrimoine ou d’autres dispositions législatives, les documents d’origine privée qu’ils conservent mais dont l’accès ou l’exploitation sont soumis à restrictions et les oeuvres de l’esprit qui ne sont pas encore tombées dans le domaine public. Ces documents soit ne sont pas du tout réutilisables, soit le sont sous conditions, dans un cadre qui dépasse celui du CRPA (code la propriété intellectuelle notamment)."

 

Pour résumer, la création d'une archive en ligne dans laquelle des documents trouvés sur le web sont stockés et rendus accessibles pose plus de questions d'ordre juridique qu'une simple base de référencement donnant accès aux documents par un lien hypertexte.

Nous vous recommandons de prendre connaissance des conditions générales d'utilisation des plateformes sur lesquelles sont publiés les documents que vous souhaitez enregistrer et d'éventuellement prendre contact avec les auteurs/éditeurs/producteurs pour les informer de votre démarche.
Pour finir, vous pourrez vous référer également  aux conseils du site Eduscol : Reprise de contenus présents sur le web.