Achat de livres numériques en bibliothèque

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Question

Bonjour
J'ai acheté deux liseuses pour ma toute petite bibliothèque et je souhaiterais acheter quelques ebooks récents.
Je crois savoir que la législation a changé récemment et que le principe est à présent un e book = un exemplaire papier alors qu'auparavant il me semble qu'on pouvait télécharger un même ebook sur plusieurs supports.
Qu'en est-il exactement ?
Faut-il que je passe par un fournisseur en particulier ?
D'avance merci!

Réponse

Date de la réponse :  19/05/2017

Vous souhaitez proposer à vos lecteurs le prêt de liseuses comprenant des ebooks récents. Vous vous demandez ce que permet la législation actuelle et si vous avez le choix de votre fournisseur.

Tout d'abord, nous vous rappelons que la Bibliothèque Départementale de la Nièvre a vocation à vous accompagner sur ce type de projet.

La pratique légale actuelle en France est d'acheter des livres numériques selon des conditions de "prêt" définies par les éditeurs ou diffuseurs pour les bibliothèques, après éventuelles négociations. Nous vous suggérons de vous référer aux offres de diffuseurs de livres numériques négociées par Réseau Carel, le réseau de coopération pour l’Accès aux Ressources Numériques en Bibliothèques. Si vous envisagez de proposer des livres numériques accessibles, notamment à destination des personnes mal-voyantes, vous trouverez des indications à ce sujet dans la réponse de notre service à la question Ressources numériques accessibles.

Des débats sont en cours sur ce que permet la législation française actuellement, depuis un arrêt de la cour de justice de l'union européenne (CJUE) du 10 novembre 2016 qui a rappelé que le droit de prêt devait concerner aussi les livres numériques :

"L’article 1er, paragraphe 1, l’article 2, paragraphe 1, sous b), et l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2006/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle, doivent être interprétés en ce sens que la notion de « prêt », au sens de ces dispositions, couvre le prêt d’une copie de livre sous forme numérique, lorsque ce prêt est effectué en plaçant cette copie sur le serveur d’une bibliothèque publique et en permettant à un utilisateur de reproduire ladite copie par téléchargement sur son propre ordinateur, étant entendu qu’une seule copie peut être téléchargée pendant la période de prêt et que, après l’expiration de cette période, la copie téléchargée par cet utilisateur n’est plus utilisable par celui-ci."

L'Association des bibliothécaires de France (ABF) considère dans son communiqué du 2 février 2017 (mis à jour le 6 février) que :

"Le principal progrès découlant de cette décision est de garantir aux bibliothèques l’achat pérenne de l’intégralité de l’offre éditoriale proposée au grand public. C’est là un point majeur, alors qu’aujourd’hui seuls 18,5% des titres proposés par les éditeurs en numérique sont disponibles via PNB (référence LH 1107 25 nov 2016). Les fournisseurs et les libraires ne peuvent plus s’opposer à la vente de livres numériques aux bibliothèques du moment qu’elles les mettent à disposition selon le modèle Une Copie – Un Utilisateur.
Il existe pour les bibliothèques plusieurs façons d’implémenter ce modèle. L'une des plus simples consistera à acheter un livre numérique, soit en un seul exemplaire qui sera mis à disposition sur une tablette ou une liseuse que le public pourra emprunter, soit en plusieurs exemplaires mis à disposition sur un nombre équivalent de tablettes ou de liseuses disponibles au prêt. Dans ce cas, pas besoin de recourir à des Mesures Techniques de Protection (DRM) puisque le modèle Une Copie – Un Utilisateur est respecté du fait de la durée d’emprunt limitée de l’appareil."

L'ABF émet toutefois des réserves et demande des garanties :

"Dans un document d’information récent, le Bureau européen des associations de bibliothèques, d’information et de documentation (EBLIDA) estime que le jugement de la CJEU indique que lorsque la directive 2006/115/CE a été transposée en droit national, alors la dérogation pour le prêt devrait s’appliquer également au prêt numérique (selon le modèle une copie-un utilisateur), sauf si la dérogation est restreinte aux livres papier. Comme la France n'a pas transposé la directive de 2006, le juge national doit interpréter le droit national existant à la lumière du texte et de la finalité des règles communautaires invoquées. La loi française de 2003 sur le prêt lui est conforme et il est fort probable qu'il interprète la loi de 2003 comme applicable aux livres numériques en suivant la décision CJUE.
Ainsi, malgré de nombreuses questions restées en suspens, la jurisprudence de la CJUE ouvre des perspectives intéressantes, mais les bibliothèques ne sauraient s’en contenter. L'ABF pense que la décision serait applicable, sans nécessité de modifier la loi française sur le droit de prêt. Et c’est à présent au niveau européen que l’effort doit être porté pour obtenir une modification de la directive sur le droit de prêt de 1992 (revue en 2006) et consacrer des modèles plus favorables à la diversité des usages numériques.
En conséquence, l’ABF demande :

  • l’application immédiate de la décision de la CJUE concernant la mise à disposition des livres au format numérique ;
  • une entrée des représentants des auteurs à la gouvernance de PNB ;
  • l’ouverture d’une réflexion concertée au niveau européen et international, aux côtés de l’IFLA et d’EBLIDA, pour la modification de la directive sur le droit de prêt."

Réseau Carel s'est exprimé à la suite d'Eblida et de l'ABF le 15 février 2017 dans un communiqué intitulé "Réseau Carel se réjouit de la reconnaissance d’un droit de prêt numérique, souhaite qu’il soit rendu clairement applicable et que la diversité des modèles soit prise en compte". En voici un extrait :

"Mais la décision de la CJUE est-elle concrètement applicable en France ?
Selon Eblida, il n’y aurait pas besoin d’amender la directive actuelle (directive européenne de 2006) car l’arrêt interprète la directive telle qu’elle est rédigée actuellement. Mais il y a une condition à l’applicabilité, c’est que la directive ait bien été transposée dans le droit français, ce qui n’est pas établi clairement à ce stade.
Il serait donc sans doute plus prudent pour les bibliothèques voulant se lancer dans une offre « one copy – one user » d’attendre la nouvelle directive européenne (un projet est en cours à la commission européenne), en espérant qu’elle entérine bien le jugement de la CJUE et qu’elle soit ensuite transposée dans le droit français. La question de l’accès à distance pour le prêt numérique devrait y être abordée également car l’arrêt ne se positionne pas sur cette question essentielle pour le livre numérique.
Il y a néanmoins une autre piste qui pourrait permettre d’aller plus vite : le législateur français pourrait donner rapidement un cadre juridique au prêt de livres numériques et à son organisation. Tout comme l’ABF, Réseau Carel souhaite la mise en place d’un tel cadre en France, et qui ne bride pas le développement d’autres modèles que le one copy – one user."

A propos du prêt de liseuse, Réseau Carel indique :

"Il y a par ailleurs une autre forme de mise à disposition de livres numériques aux lecteurs des bibliothèques qui tient au prêt de liseuses (ou de tablettes). Cette pratique est intéressante pour sensibiliser mais vise essentiellement des publics non initiés et non la grande proportion des usagers qui souhaitent emprunter des titres sur leur outil de lecture personnel. Elle est par ailleurs entourée de la même incertitude juridique sur l’applicabilité et pose pas mal de questions techniques également."

Par contre, le syndicat national de l'édition n'a pas la même interprétation de cette arrêté de la CJUE :

"Réagissant à l’analyse qu’a présentée l’Association des Bibliothécaires de France, le Syndicat national de l’édition conteste l’interprétation faite sur l’exception droit de prêt en bibliothèque. Selon le SNE, les actuelles dispositions de la loi française n’encadrent pas le prêt numérique. Et la solution PNB est aujourd’hui revendiquée comme la bonne alternative."
Source : Prêt numérique en bibliothèque : les éditeurs rejettent l'idée d'une nouvelle exception. Clément Solym, Actualitté, 14.02.2017

Pour aller plus loin, vous pouvez lire aussi la réponse de notre service à la question Prêt de livre numérique : obligation de passer par PNB ?