Mémoire en archives ouvertes : illustrations dans le domaine public mais tirées d'ouvrage récent
Question
Bonjour,
je m'occupe du dépôt de mémoires de master sur une plateforme nationale en archives ouvertes, donc consultable par tous. Un mémoire traitant d'œuvres littéraires du XIXe siècle me pose question. Le mémoire est illustré par des reproductions de gravures et dessins qui ont accompagné les premières éditions de ces œuvres. Ces illustrations sont dans le domaine public (graveurs et dessinateurs du XIXe siècle). Cependant l'étudiant a reproduit ces illustrations à partir d'éditions récentes de ces œuvres littéraires (en Livre de poche), en le mentionnant clairement dans ses sources. Je pense demander à l'étudiant d'effacer ces illustrations : je crains en effet qu'il ne puisse être possible, sans accord de l'éditeur, de réutiliser le contenu d'un ouvrage dont l'édition est récente. La situation aurait été autre s'il avait lui-même reproduit ces gravures à partir d'un livre ancien. Cette logique semble-t-elle conforme à la réalité légale ou l'étudiant peut-il finalement utiliser en toute liberté ces illustrations ?
Merci par avance,
Réponse
Date de la réponse : 13/09/2019
Vous êtes en charge du dépôt des mémoires de master sur une plateforme nationale en archives ouvertes, consultable librement sur internet. Vous devez mettre en ligne un mémoire illustré par des reproductions de gravures et dessins du XIXe siècle. Il s'agit donc d'oeuvres tombées dans le domaine public. Cependant, l'étudiant ayant utilisé des reproductions figurant sur des ouvrages édités récemment (ouvrages mentionnés dans les sources) sans l'accord de l'éditeur, vous vous interrogez sur la légalité de sa démarche, et envisagez de lui demander d'effacer ces images, chose que vous n'auriez pas faite si l'étudiant avait reproduit lui-même les oeuvres en les photographiant par ses propres moyens à partir de l'édition originale.
Anne-Laure Stérin indique dans son ouvrage Guide pratique du Droit d'auteur p. 165:
"Tout cliché est protégé par le droit d'auteur
Parmi toutes les personnes qui peuvent revendiquer des droits sur un cliché, il faut bien sûr compter le photographe. Ses clichés sont protégés par le droit d'auteur, s'ils sont originaux. Quand une photo est-elle originale ? Selon les tribunaux, quand elle porte la marque de la personnalité de sont auteur : dans le choix du sujet, du cadrage, de la lumière...
En pratique, les tribunaux français considèrent presque tout cliché comme une oeuvre originale protégée, dès lors qu'il n'est pas la copie servile d'un cliché existant."
La captation photographique d'un tableau est protégée par le droit d'auteur (malgré une décision isolée ayant jugé banal un cliché de tableau : cour d'appel de Paris, 24 juin 2005). Peu importe à cet égard que le tableau soit encore protégé ou tombé dans le domaine public [...]
Source : Guide pratique du droit d'auteur. Anne-Laure Stérin. Maxima, 2011.
Ses propos vont dans votre sens, l'étudiant devrait théoriquement demander l'autorisation du photographe ou de l'éditeur pour reproduire ces images.
Toutefois, dans le cas que vous présentez, si les images sont reproduites telles quelles, sans ajout graphique particulier, ni cadrage original, ni mention du photographe, alors selon nous, aucune autorisation n'est requise. Par ailleurs, l'étudiant indique la source des images, ce qui nous semble être une bonne démarche.
Il serait intéressant toutefois de savoir si les images ne proviennent pas en première instance de Gallica qui a numérisé un grand nombre d'oeuvres tombées dans le domaine public auquel cas, la mention de la source suffirait ( voir Conditions d'utilisation des contenus de Gallica)
Notez cependant que, dans le cadre de ce travail universitaire, l'exception pédagogique s'applique, même si les images sont sous droit.
Nous vous renvoyons au blog Questions Éthique & Droit en SHS et plus particulièrement à un article de Françoise Acquier de février 2019 intitulé Quelles images puis-je publier dans ma thèse ? Réponse en pratique dans un atelier pédagogique :
"Publier sa thèse dans Hal
Ma question portait sur la limite à ne pas dépasser dans l’insertion d’images sous droit dans un document de thèse ainsi que leur publication dans l’archive ouverte HAL.
Les doctorants peuvent insérer dans leur thèse jusqu’à 20 images protégées (en 72 dpi), sans demander d’autorisation ni payer les ayants droit. À compter de la 21e image, ils sortent de l’exception pédagogique et de recherche, et doivent demander les autorisations nécessaires.
La thèse contenant ces images peut-elle être versée sur HAL et à quelles conditions ?
Voici ce que stipule l’accord sectoriel textes-images fixes (dont la référence et le lien hypertexte y conduisant figurent dans le billet sur l’exception pédagogique).
« Est permise par le présent protocole la mise en ligne de thèses comportant des extraits d’œuvres ou, dans leur forme intégrale des œuvres des arts visuels qu’il mentionne, à l’exception des œuvres musicales éditées, en l’absence de toute utilisation commerciale, à la double condition que les œuvres ou extraits d’œuvres ne puissent pas être extraits, en tant que tels, du document et que l’auteur de la thèse n’ait pas conclu, avant la mise en ligne, un contrat d’édition. »
Donc, effectivement, cet accord n’autorise pas un docteur à déposer sur HAL les images figurant dans sa thèse en tant que données complémentaires. Ça peut sembler aberrant, mais c’est la règle pour l’instant. Mais oui, bien sûr, ce même accord sectoriel permet expressément que le PDF de la thèse soit versé sur HAL (dans la limite de 20 images).
Pour aller plus loin:
- L'exception pédagogique et de recherche. Anne-Laure Stérin.Questions Éthique & Droit en SHS [blog], 26 juillet 2017.
- Droit d'auteur, droit à l'image : les étapes essentielles pour utiliser un contenu. Agence du Patrimoine Immatériel de l'État, février 2018.
- La législation sur les textes et les images. Aoroc [blog].UMR 8546 CNRS-PSL Université, ENS-EPHE, Archéologie et Philologie d’Orient et d’Occident. 12 avril 2019.
- Comprendre le droit d’auteur : qu’est-ce qu’une oeuvre ?Didier Frochot. Archimag.com, 9 septembre 2016.
Veuillez-noter que cette réponse n'a pas de valeur juridique.