Prêt d'un enregistrement d'une émission de radio

Attention, cette réponse est ancienne. Son contenu peut être en tout ou partie obsolète.

Question

Bonjour,
Nous souhaitons enregistrer des témoignages concernant des parcours de vie en réalisant une émission radio via une radio locale qui nous fournira ensuite l'enregistrement sous le format de notre choix.
Nous sommes une bibliothèque et nous souhaiterions que cet enregistrement soit consultable et empruntable par le public. Quelles sont les précautions que nous devons prendre? -

Réponse

Date de la réponse :  31/01/2019

Votre bibliothèque a le projet de réaliser une émission de radio en partenariat avec une radio locale, dans le but de faire témoigner des personnes sur leurs parcours de vie.
La radio vous propose de vous fournir ensuite les enregistrements sous le format de votre choix afin que vous puissiez le rendre consultable ou empruntable dans votre bibliothèque.

En premier lieu, le producteur de l'émission de radio doit demander l'accord écrit des personnes pour enregistrer et surtout diffuser leurs paroles. En effet, à l'instar du droit à l'image, qui protège à la fois la vie privée des personnes, et l'exploitation commerciale qui peut être fait de leur image, il existe un "droit à la voix" ou "droit sur la voix".


Voici ce qu'indique Anne-Laure Stérin, juriste spécialisée dans le droit de la propriété intellectuelle, dans son blog Éthique et Droit en SHS (dans un billet sur les enregistrements sonores dans le cadre de travaux de recherche, mais qui s'applique aussi à votre cas) :

"1. Qui a des droits sur l’enregistrement sonore ?
Le producteur de l’enregistrement sonore détient un droit voisin. Ce droit voisin diffère du droit d’auteur : alors que le droit d’auteur porte sur une œuvre originale, c’est-à-dire sur une création (photo, texte, peinture, illustration…), le droit voisin de producteur sonore porte sur l’enregistrement d’une séquence de sons faite par ce producteur (personne physique ou personne morale). La loi précise ce qu’est un producteur sonore : c’est celui « qui a l’initiative et la responsabilité de la première fixation d’une séquence de sons ». Ce droit voisin du producteur sonore est précisé dans un billet spécifique de ce carnet.
[...]
2. Qui a des droits sur ce qu’on entend dans cet enregistrement ?
Celui qui enregistre et celui qui est enregistré : Si le chercheur enregistre une séquence de sons dans la nature (cris d’oiseaux dans la forêt, cris des baleines sous l’eau) ou dans un environnement urbain (bruits des transports et des personnes dans la ville), son employeur est producteur de l’enregistrement sonore et à ce titre titulaire de droits voisins, mais personne ne détient de droits sur les sons enregistrés : ni les oiseaux, ni les baleines, ni les automobilistes. En revanche, si le chercheur enregistre les paroles d’une personne en entretien, ou la déclamation d’un comédien, la narration d’un conteur, la mélopée d’un chanteur, le jeu d’un instrumentiste pendant un concert ou en studio, ces personnes peuvent faire valoir des droits sur les sons qu’elles ont émis et que le producteur sonore a enregistrés.
Celui ou celle qui répond à des questions et celui qui l’interroge : L’informateur qui répond aux questions, détient un droit sur sa voix (au même titre qu’un droit sur son image) ; ce droit sur la voix (de même que sur l’image) est un attribut de la personnalité et ressortit du droit au respect de la vie privée, posé par l’article 9 du code civil. Du seul fait qu’on entend sa voix, et qu’on puisse éventuellement la reconnaître, il convient d’avoir obtenu l’accord de ce locuteur avant que l’enregistrement de sa voix soit mis en ligne, éventuellement transcrit, reproduit, ou réutilisé dans un cadre de recherche par le chercheur qui l’interroge ou par d’autres chercheurs.
Il convient de ne pas confondre le droit sur la voix, avec le droit voisin d’interprète. Ce droit voisin entre en jeu dans le cas de collectages sur la littérature orale (conte, chant, poésie…) ou sur la musique, faisant de l’informateur un interprète. Il faut alors prendre en compte son droit voisin d’interprète et obtenir son accord pour utiliser son interprétation, protégée par un droit voisin d’interprète (Voir les billets « Le chercheur enregistre un chant, une musique, un conte… » à venir et Le droit voisin)."
Source : Le chercheur mène un entretien enregistré. Anne-Laure Stérin. in Éthique et Droit en SHS [blog], 7 février 2016.
 

La radio locale dont vous parlez dispose peut être déjà de formulaires qu'elle fait signer aux personnes enregistrées ; nous vous invitons à l'interroger sur ses pratiques.


Voici toutefois quelques exemples d'autorisation d'enregistrement et diffusion de la voix dans le cadre scolaire :


Selon nous, il faudrait donc ajouter à l'autorisation de captation et de diffusion (que la radio fait sans doute signer aux participants de l'émission) un paragraphe indiquant quels seront les autres modes de diffusion et les autres usages de l'enregistrement; en l'occurrence préciser qu'un enregistrement sera disponible dans votre bibliothèque sous la forme par exemple d'un CD pour la consultation ou le prêt,  mais aussi prévoir la diffusion possible sous d'autres formats (numérique via un site web par exemple).

Il faudrait prévoir également un contrat entre le producteur de l'émission (la radio) et votre bibliothèque par lequel il autorise la bibliothèque à diffuser et à prêter l'enregistrement de l'émission (préciser les formats).

Vous pourriez vous inspirer des exemples de contrats disponibles en annexe de l'article suivant : L'utilisation des corpus oraux à des fins culturelles : quels contrats mettre en œuvre ? Ludovic Le Draoullec. Bulletin de l'AFAS. Sonorités, n°29, 2006.


Pour aller plus loin :


Veuillez noter que cette réponse n'a pas de valeur juridique.