Soledad Lida

Etudiante en DCB, Soledad Lida a effectué son stage de fin de formation à la Biblioteca Nacional de Antropología e Historia du Mexique, bibliothèque nationale à dominance patrimoniale. Suivez son expérience.

Soledad Lida : nouvelle chaîne de numérisation et contrôle qualité pour un fonds d’archives patrimonial

Dans l’établissement dans lequel vous faites votre stage, pouvez-vous nous parler d’une des missions qui vous a été confiées ?

Mon stage professionnel s'est déroulé au sein de la Biblioteca Nacional de Antropología e Historia (BNAH) du Mexique : il s'agit d'une bibliothèque nationale à dominance patrimoniale, dédiée notamment à l'histoire et aux civilisations des peuples amérindiens, de l'époque préhispanique à nos jours. L'établissement travaille depuis plusieurs années à la numérisation de ses collections, réalisée jusqu'à présent essentiellement en interne. Mais, pour les chantiers à venir, la bibliothèque m'a demandé de réfléchir à la mise en place d'une nouvelle chaîne de numérisation pour les fonds d'archives et les manuscrits (documents du XVe au XXe siècle), cette fois-ci avec un prestataire extérieur. Une de mes missions a donc été de préparer la mise en place de cette chaîne et de travailler en particulier aux outils de planification et de suivi du projet. Pour ce faire, il fallait avant tout tenir compte de la spécificité patrimoniale des documents concernés et veiller à assurer leurs bonnes conditions de sécurité et de conservation tout au long du processus.
Au niveau de l’organisation du circuit, cela s'est traduit par l'élaboration d'outils de suivi qui devaient permettre de tracer de manière précise la situation d’un document à chaque étape de la chaîne. D’autre part, pour que l'ensemble du circuit soit fluide, il était nécessaire de penser non seulement l’interaction entre la bibliothèque et le fournisseur, mais de coordonner l’action de trois services différents au sein même de la bibliothèque (archives et manuscrits, conservation et informatique documentaire), dans un calendrier contraint. Cela a nécessité de nombreux échanges avec ces services, plusieurs réunions avec le fournisseur et l'accompagnement assidu de ce dernier pendant la première phase du projet (phase de test). Le contrôle qualité faisait également partie des points sur lesquels l'établissement attendait des propositions : plusieurs solutions ont été proposées et sont en étude par la bibliothèque. Enfin, il s'agissait de concrétiser ces différents éléments dans un rétro planning et dans un cahier des charges.

 

Dans votre environnement de travail, avez-vous été étonnée par des pratiques ou perspectives professionnelles différentes des habitudes françaises ?

En l'occurrence, cela touchait surtout le profil des équipes et la conception du métier.
Il faut savoir que la BNAH est sous la tutelle de l'Instituto Nacional de Antropología e Historia (INAH) : celui-ci est le principal organisme de conservation du patrimoine au Mexique, mais il a également des missions de formation et de recherche avec deux écoles d'anthropologie et d'histoire. Il s'agit donc d'une bibliothèque nationale, mais où il y a une très forte intégration avec les activités de formation, de recherche et d'expertise scientifique de l'INAH, y compris au niveau du profil professionnel des bibliothécaires eux-mêmes.
Par exemple, si on laisse de côté un service un peu "atypique" comme le département des systèmes d'information (sous la responsabilité d'un ingénieur), seuls deux bibliothécaires de la BNAH avaient reçu une formation dans le domaine des bibliothèques ou de la documentation. Dans la très grande majorité des cas, la formation initiale prime sur la formation professionnelle. Ainsi, qu'ils soient acquéreurs, catalogueurs ou chargés du renseignement, les bibliothécaires de la BNAH étaient avant tout des anthropologues, historiens ou archéologues affectés à une bibliothèque et formés eux-mêmes dans les écoles de l'INAH. De ce fait, ils avaient une connaissance très fine des collections et un niveau d'expertise intellectuelle très élevé, plusieurs d'entre eux participant même à des publications scientifiques en anthropologie, archéologie ou histoire. Réciproquement, lorsque je les rencontrais, leur première question portait sur ma spécialité disciplinaire et ils avaient été très surpris d'apprendre que par exemple, en France, j'avais été chargée de collection en économie sans que l'économie constitue pour autant ma formation initiale.

Par ailleurs, la bibliothèque ayant sur place un service d'archives et son propre atelier de restauration, on notait également une plus grande perméabilité et une plus grande synergie entre les métiers d'archiviste, de bibliothécaire et de restaurateur qui sont traditionnellement plus scindés en France.
Enfin, à la BNAH, la répartition des emplois entre les hommes et les femmes était très équilibrée, de l'ordre de 50% - 50% (chose rare en France où le métier largement féminisé), à l'exception du poste de direction qui revenait le plus souvent à un directeur (rien n'est parfait).

 

Parmi les bibliothèques visitées (celle de votre stage ou une autre), pouvez-vous nous raconter une chose que vous avez trouvée particulièrement surprenante, innovante ou enthousiasmante ?

Malgré d'énormes restrictions budgétaires et l'extrême précarité d'une grande partie du personnel, le sérieux et l'enthousiasme déployés par les bibliothécaires de la BNAH pour mener à bien leurs projets, parfois au prix d'implications personnelles très importantes, étaient vraiment impressionnants à voir. En dépit des difficultés que traversent l'établissement et le pays tout entier, leur engagement au quotidien témoignait de l'attachement très fort qu'ils portent à leur métier et à leurs collections.