Désherber les documents multimédias en bibliothèque

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Question

Bonjour, Je souhaiterais connaître les modalités et les textes de lois encadrant le désherbage des collections multimédias (DVD, CD, méthodes de langues, etc.) Merci d'avance pour votre retour

Réponse

Date de la réponse :  01/10/2018

Vous souhaitez connaître les modalités de désherbage des collections multimédias (DVD, CD, méthodes de langues) d’un point de vue intellectuel, pratique et juridique.La question des critères physiques et intellectuels pour le désherbage est abordée dans l’ouvrage Désherber en bibliothèque.
Voici ce qu’indique Françoise Gaudet au sujet des CD (p.70) :

"Depuis la création et la commercialisation de ce support, au début des années 1980, les bacs des discothèques de prêt se sont remplis. Confrontés à des problèmes de place et à un recul des prêts, les discothécaires se voient dans l’obligation de désherber, à la fois pour loger les nouvelles acquisitions et pour mettre en valeur des titres susceptibles de retenir l’attention de leurs usagers.
Comme pour d’autres supports, l’existence d’une réserve locale facilite ces décisions de retraits, en permettant de conserver dans la collection des documents moins populaires, mais qui resteront disponibles et feront éventuellement l’objet de mises en valeur périodiques. Cette solution n’a malheureusement qu’un temps, la réserve arrivant elle aussi à saturation à plus ou moins long terme. Les décisions d’élimination sont d’autant plus difficiles à prendre qu’elles se font le plus souvent sans concertation, faute d’instances de coordination. Rares sont en effet les initiatives de conservation partagée dans ce domaine ; rares également les bibliothèques qui ont mis en place une véritable politique de conservation des CD, à l’instar de la Médiathèque musicale de Paris ou de la BMVR de Nice. Dans ces conditions, il est à craindre que ces collections subissent le même sort que les microsillons. On sait que des fonds entiers de disques noirs ont été pilonnés ou vendus, alors que le vinyle est aujourd’hui un objet de collection. En sera-t-il de même pour les CD ? Nombre de références ont déjà disparu des collections des bibliothèques. Cela est d’autant plus regrettable que la rotation des titres dans les catalogues des éditeurs musicaux est rapide et que les disques s’épuisent rapidement.
Dans l’immédiat, on ne peut que constater ce déficit de conservation raisonnée au niveau national et espérer que la valeur sera rapidement reconnue et prise en compte.
Il est d’autant plus important, dans ce contexte difficile et mouvant, de s’organiser au niveau des établissements et de définir une politique concertée au sein d’un réseau municipal, de choisir de privilégier tel ou tel fonds, en fonction de son public, etc. D’autres discothèques misent sur l’actualité, ce qui implique un renouvellement rapide des titres proposés aux usagers.
Dans tous les cas, une politique clairement définie facilite la mise en place de critères de désherbage.
"

 

Au sujet des films (fiction ou documentaire) (pp.71-72) :

"Dans ce secteur, une grande part des désherbages s’effectue de manière quasi automatique, selon des critères qui ne relèvent pas vraiment de la politique documentaire. Le motif de retrait peut être d’ordre juridique : c’est ainsi que les films acquis via le Catalogue national de films documentaires sont retirés des collections des bibliothèques à l’échéance des droits négociés. […]
Le DVD, réputé plus solide que la VHS, est en réalité un support fragile et sensible aux manipulations. Soumis à un usage intensif en raison de son succès, il se dégrade rapidement. La détérioration est le plus souvent repérée au retour des prêts, mais elle peut être anticipée : la médiathèque José-Cabanis, à Toulouse, a ainsi pour règle de retirer systématiquement les DVD qui ont fait l’objet de 180 prêts. Dans la plupart des bibliothèques, le désherbage selon des critères qualitatifs n’est pas une priorité : les collections sont récentes, les taux de rotation excellents et les motifs classiques de retrait tels que le manque de place ne se font pas encore sentir. De plus, une large part est faite dans les acquisitions aux films de fiction, aux classiques du cinéma et aux documentaires de qualité, présentant un intérêt artistique : le critère d’obsolescence intellectuelle est donc peu opérant. Les responsables de ces fonds sont néanmoins conscients de la nécessité d’une politique documentaire qui intègre acquisitions et désherbage, même si ce n’est pas encore pour eux une urgence.
Certaines bibliothèques, plus généreusement dotées ou décidées à mettre en place une politique volontariste, ont déjà défini des critères d’élimination ou de relégation.


La Bibliothèque publique d’information a par exemple décidé de stabiliser sa collection de films documentaires à 3 500 titres et procède à des retraits sur les critères suivants : obsolescence de l’information, remplacement par un film plus récent et/ou plus pertinent sur le même sujet, faiblesse de la consultation ; auxquels s’ajoutent les motifs juridiques déjà évoqués et le critère financier (coût de la renégociation éventuelle des droits).

D’autres bibliothèques songent à réduire leur fonds en libre accès, pour des questions de saturation. C’est le cas à la médiathèque parisienne François-Truffaut, dont la collection de prêt compte près de 14 000 DVD ; même si la moitié du fonds est couramment sortie, les acquisitions finissent un jour par remplir les bacs. La mise en réserve permet, dans un premier temps, de conserver des titres jugés toujours utiles. Le critère d’usage est le plus souvent mis en avant pour ces opérations de relégation. Comme leurs collègues chargés de fonds musicaux et littéraires, les vidéothécaires peinent à désherber des DVD de fiction et d’une manière générale les titres présentant un intérêt cinématographique. Le critère d’obsolescence est en revanche utilisé pour les documentaires, et plus rarement le critère d’âge : la médiathèque d’Hyères a par exemple retiré de ses collections des conférences filmées, achetées massivement au moment de la constitution du fonds, et considérées désormais comme vieillies, inadaptées aux goûts du public."

Source : GAUDET, Françoise et LIEBER, Claudine (dir.). Désherber en bibliothèque : manuel pratique de révision des collections. 3 éd. Paris : Cercle de La Librairie, 2013.

 

Dans L’audiovisuel en bibliothèque, publié par l’ABF, les conseils sont assez similaires (p.112) :

"Le désherbage des documents audiovisuels est peu courant dans les médiathèques car les collections encore récentes sont limitées en nombre. Il intervient majoritairement  à la suite d’une détérioration du document. […]
Une raison juridique oblige cependant à procéder à des éliminations après expiration des droits de représentation achetés pour 10 ans par les fournisseurs. C’est le cas de certaines éditions commerciales (ex. les droits de consultation pour les films de la Warner) ou des films de catalogues institutionnels (ex. le Catalogue national des films documentaires de la Bpi). Dans ce dernier cas, une liste des films en fin de droits est adressée chaque année aux bibliothèques qui doivent les supprimer de leurs collections."

Source : L’audiovisuel en bibliothèque. Sous la dir. de Estelle Caron et Danielle Chantereau. ABF, 2010.

 

Le désherbage des méthodes de langue avec supports multimédia n’est pas spécifiquement abordé. D’après nous, ce type de documents peut être retiré des collections suivant les mêmes critères que pour leur équivalent papier, c’est-à-dire si les informations présentées sont obsolètes et bien entendu si les supports sont abimés.

D’un point de vue juridique, comme l’indique une fiche pratique réalisée par l’Enssib : « depuis la publication du Code général de la propriété des personnes publiques en 2006, seuls « les documents anciens, rares ou précieux des bibliothèques» font désormais partie du domaine public (Ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006, article L 2112-1). Assujettis à la règle de l’inaliénabilité, ces derniers doivent être, pour être cédés ou vendus, soumis à une procédure de déclassement et de désaffectation. Les autres documents, c’est-à-dire les collections courantes, principaux objets visés par les campagnes de désherbage, relèvent du domaine privé. Ils sont aliénables et peuvent donc être facilement retirés de la bibliothèque, à condition d’en établir une liste. Il est cependant recommandé de faire valider l’élimination et la destination des ouvrages réformés par une délibération (ou un arrêté municipal) de l’autorité de tutelle. En cas de vente, une régie de recettes avec un agent habilité à percevoir de l’argent est nécessaire. La recette est reversée au budget communal. »

Source : Désherber en bibliothèque. Enssib, 2015.

Notez enfin, comme l’indique la médiathèque départementale de l’Eure sur sa page "Aide au désherbage" que « les DVD ne peuvent être ni donnés ni vendus en raison des droits qui leur sont attachés ».