Justine Le Montagner

Justine Le Montagner est conservatrice stagiaire dans la promotion Nina Simone (DCB 26). Elle a réalisé son stage professionnel au Canada dans une bibliothèque spécialisée. Elle partage ici son expérience.

Justine Le Montagner, conservatrice, en stage au Canada

Dans l’établissement dans lequel vous avez fait votre stage, pouvez-vous nous parler d’une mission qui vous a été confiée ?

J’étais en stage à Montréal, à la Marvin Duchow Music Library de l’Université McGill, rattachée à l’école de musique Schulich. J’étais entre autres chargée de l’évaluation d’un service de prêt de matériel audiovisuel (caméra, micro, enregistreur audio, console de mixage…), un service peu courant en bibliothèque et très apprécié par la communauté. En adoptant une démarche centrée utilisateur, par une enquête et des entretiens, l’idée était d’obtenir des données qualitatives sur le service afin de montrer en quoi le prêt de matériel aide dans l’acquisition de nouvelles compétences indispensables au jeune musicien aujourd’hui. Ce matériel souvent très coûteux leur est utile dans la réalisation de leurs projets artistiques, pour réaliser un clip, enregistrer un concert ou une démo… Pouvoir démontrer cet impact, « storytelling » à l’appui d’une évaluation quantitative du service, est important pour trouver des financements, et montre aussi que la bibliothèque, à travers ce service non-documentaire et à ce titre parfois controversé, s’inscrit dans ses missions d’appui à l’enseignement.

 

Dans votre environnement de travail, avez-vous été étonnée par des pratiques ou perspectives professionnelles différentes des habitudes françaises ?

Même si c’est aussi parfois le cas en France, les bibliothèques m’ont semblé particulièrement intégrées au fonctionnement de l’université : les « bibliothécaires de liaison », spécialistes d’un domaine, travaillent de manière très proche avec les professeurs, pour acquérir des ressources en amont d’un nouveau cours, préparer une exposition… Les relations interpersonnelles ont une grande importance et font partie des pratiques professionnelles : un atelier a par exemple été organisé en interne pour échanger sur les sujets à aborder lors d’une première rencontre avec un professeur. L’expression « bibliothécaire embarqué », de plus en plus utilisée pour désigner leur positionnement, donne une idée de la façon dont les bibliothécaires, de manière générale, soignent leur intégration dans leur communauté. La spécialisation m’a aussi paru très forte : à la bibliothèque de musique, tout le personnel est musicien, et est en mesure de répondre à des demandes très spécifiques de leur public. D’ailleurs, les visiteurs sont incités à solliciter les bibliothécaires jusque dans leurs bureaux, qui donnent sur les espaces publics. Côté expérience surprenante de mon point de vue français, j’ai pu assister à un « Job Talk » lors duquel un candidat à un poste de bibliothécaire présente un oral auquel chacun est invité à assister, un peu sur le modèle des « Ted Talk » ; les équipes ont l’opportunité d’échanger avec leur potentiel futur collègue, et de donner leur avis via un formulaire en ligne sur l’intranet.

 

Parmi les bibliothèques visitées ou centre de documentation (celle de votre stage ou une autre), pouvez-vous nous raconter une chose que vous avez trouvée particulièrement surprenante, innovante ou enthousiasmante ?

Au sein de la bibliothèque de musique, la Music Student Computer Room est une salle comportant douze postes d’ordinateurs équipés de logiciels de notation et de création audio-visuelles reliés à des claviers de piano. Un accompagnement à l’utilisation des logiciels est proposé par des student consultants engagés par la bibliothèque. Ce service a été créé à la demande de l’association des étudiants diplômés de l’école de musique, sur des fonds issus des droits d’inscription dont elle dispose. Ce mode de financement m’a surpris et interroge la prise en compte des besoins des usagers par la bibliothèque, et la coopération qui en découle. Par ailleurs, j’ai été très intéressée par la présence d’archives audiovisuelles au sein de la bibliothèque, où une archiviste travaille à temps plein. Elle met en place des actions de médiation scientifique autour de l’histoire des techniques d’enregistrement auprès de publics variés : collégiens, étudiants du master en sciences de l’information… Ce service travaille en synergie avec le département d’ingénierie du son de l’école pour œuvrer par exemple à la numérisation progressive d’un fonds de 78 tours de jazz.

 

Au final, que vous aura apporté votre mobilité internationale ?

La confrontation à un environnement de travail très spécialisé m’a permis d’envisager plus sereinement une éventuelle future prise de poste dans une bibliothèque dont le domaine ne me serait pas familier : n’étant pas musicienne au sens orthodoxe du terme, il m’a fallu un effort d’apprentissage important les premières semaines. Les échanges avec des collègues et des professeurs, et mes bagages en sciences de l’information m’ont aidé à m’adapter et à trouver mes marques, tant dans le domaine documentaire que dans le fonctionnement d’une école qui a ses codes propres. Il y a aussi les bénéfices de l’immersion dans un environnement anglophone : mon anglais maladroit s’en porte mieux, et j’ai même appris quelques rudiments de québécois bibliothéconomique. D’autre part, Montréal est une ville fascinante par son histoire et par son multiculturalisme, et très dynamique musicalement. Enfin, j’ai pu jouer la touriste à la New-York Public Library, à la Toronto Public Library ou encore à la Bibliothèque du parlement d’Ottawa, et y échanger avec des bibliothécaires enthousiastes.