Raphaëlle Bats au congrès ALA

Raphaëlle Bats, chargée de mission Relations Internationales (RI) a assisté au congrès annuel de l’American Library Association (ALA), qui se tenait cette année à Chicago. Près de 25000 bibliothécaires participent à ce rendez-vous de toutes les sections (bibliothèques académiques, publiques, scolaires, musicales, etc.) de l’ALA, dont la section internationale. Nous avons posé quelques questions à Raphaëlle Bats sur cette expérience.

Raphaëlle Bats : promenade au sein du plus grand congrès de bibliothécaire au monde, le congrès ALA !

Qu’est-ce exactement que le congrès ALA ?

C’est un congrès de bibliothécaire comme nous en avons l’habitude, notamment à l’IFLA, avec des conférences organisées par toutes les sections, des retours d’expérience, des rencontres entre bibliothécaires, etc. et un salon d’exposition avec les plus grands fournisseurs. De manière plus étonnante, ce congrès est aussi une sorte de salon du livre, avec la présence de tous les éditeurs et d’un grand nombre d’auteurs. Des séances de dédicace et signature sont organisées. Mieux encore, les éditeurs donnent un certain nombre de leurs ouvrages, parfois en pre-print. Les bibliothécaires font un peu leur marché, remplissent des sacs entiers, qu’ils vont ensuite envoyer dans leurs établissements via un point type DHL, qui est présent sur le site du congrès. Outre les séances de signature, il y a des temps de rencontre avec les auteurs, y compris avec des célébrités ayant sorti des ouvrages, comme cette année avec Sarah Jessica Parker ou…Hillary Rodham Clinton (sous haute surveillance). J’ai même pu assister à une rencontre avec des dessinateurs francophones comme Pénélope Bagieu ou Guy Delisle, présents sur un stand dédié à la valorisation de la BD francophone. Bref, c’est une grande fête des bibliothèques et du livre !

 

Avez-vous présenté une communication pendant ce colloque ?

En effet, je suis intervenue dans une table-ronde organisée par IRRT (International Relations Round-Table), une section de l'ALA dédiée aux échanges internationaux comme son nom l'indique. Comme beaucoup d'associations en ce moment, sous l'influence de l'IFLA, la question à l'ordre du jour est le développement durable et l'Agenda 2030. Dans ma communication, j'ai combiné à la fois ma connaissance de l'Agenda 2030, liée à l'implication de l'Enssib dans la dynamique nationale française sur cette question, et mes propres travaux de recherche sur le rôle politique des bibliothèques. J'ai donc présenté une communication sur les bibliothèques et le 16ème objectif de développement durable, qui est celui des institutions justes, pacifiques et transparentes.
Comme nous l'avions prévu, Terry Weech, de l'Université d'Urbana-Champaign, Illinois, a conclu mon travail en éclairant certains concepts français pour les collègues américains, qui constituaient la grande majorité du public. Cette présentation, outre cette occasion de faire le lien entre plusieurs projets personnels et professionnels, m'a donné aussi l'opportunité de rencontrer une collègue de la San Francisco Public Library et d'échanger avec elle sur un grand projet de leur bibliothèque en partenariat avec le SF-MOMA. Une belle rencontre !

 

L'ALA est un congrès qui compte près de 25000 visiteurs, sans compter tous les événements en marge organisés par des associations et institutions locales. Avez-vous participé à un de ces événements parallèles ?

Oui, j'ai été invitée à une réception organisée par l'association des Alumnis (anciens élèves) de la ISLIS (Information School in Library and Information Science) de l'Université d'Urbana-Champaign, Illinois. J'ai d'abord été très étonnée de constater l'organisation de cet événement, qui en vérité se tient chaque année en marge de l'ALA. Pendant l'ALA, viennent des bibliothécaires de tout le pays, y compris ceux et celles ayant étudié dans cette I-School. C'est donc une tradition que de prévoir dans sa semaine de congrès de retrouver ses anciens camarades et professeurs. Il y a un esprit de famille, vraiment différent de chez nous, qui développons plutôt un esprit de corps.

Cette soirée a plusieurs objectifs :

- se retrouver, et cela passe notamment par fêter le départ en retraite d'une des agents et les 40 ans d'enseignement d'une des professeurs (discours, souvenirs et gâteaux).

- donner des prix : le prix du meilleur enseignant, le prix du professionnel de l'école qui aura marqué les étudiants, le prix de l'ancien étudiant le plus prometteur (entendez par là un ancien étudiant dont le travail aujourd'hui en tant que professionnel est de nature à transformer sinon le métier, du moins quelques pratiques). Cette dynamique de prix, là encore très éloignée de nos habitudes, me paraît une piste à creuser. Pourquoi ne pas remettre chaque année un prix Eugène Morel, ou un prix Julien Cain, voire même un prix Bertrand Calenge ? Des prix qui récompenseraient des collègues dont l'approche du métier permet d'avancer dans la transformation des bibliothèques. Il faudrait peut-être des partenariats pour remettre ces prix, mais il y a là à la fois un enjeu de mémoire, s'inscrire dans le sillage de grands bibliothécaires, et un enjeu de reconnaissance pour des bibliothécaires ou des chercheurs en bibliothéconomie qui sont susceptibles aujourd'hui de changer les bibliothèques de demain.

- récolter des financements : l'association des Alumni est en charge de veiller à ce que des bourses déjà existantes ou qui viennent d'être créées soient suffisamment pourvues pour continuer à exister. Ces bourses permettent par exemple à des étudiants de faire des stages, d'avoir des mobilités internationales, de participer à de prochains congrès ALA. Plus encore, ces bourses portent le nom de prestigieux enseignants de l'école ou de collègues (bibliothécaires, enseignants ou administratifs) qui sont décédés peu de temps avant et dont la famille ou les étudiants ont souhaité conserver la mémoire, de manière active. Il me semble que de telles bourses, soutenues à la fois par l'association et par l'institution sont importantes pour que des projets étudiants pensés en marge, mais en continuité, des enseignements puissent être mis en place. Obtenir une de ces bourses constitue par ailleurs, sur un CV américain, un véritable bonus.

Cette soirée a été très instructive, assez inspirante. L'Enssib se penche aujourd'hui sur son réseau d'anciens étudiants et j'ai à cœur de partager cette expérience étrangère avec Christophe Catanese en charge de ce dossier.