Raphaëlle Bats : De la diversité à la communauté à la bibliothèque publique de Boston, États-Unis

À l’occasion de son déplacement aux Etats-Unis pour la conférence IFLA 2016, Raphaëlle Bats, chargée de la mission Relations Internationales, a visité la Public Library de Boston. Nous lui avons posé trois questions sur cette visite.  

Raphaëlle Bats : De la diversité à la communauté à la bibliothèque publique de Boston, États-Unis

Pouvez-vous nous raconter la première impression que vous avez eue de cette bibliothèque ?

Dès mon arrivée et en fait dès l’extérieur, j’ai été interpellée par le mur d’accueil en différentes langues devant la bibliothèque. Cela passe tout de suite la bibliothèque à la fois comme un lieu de savoir, où les bibliothécaires connaissent sinon ces langues, au moins le mot qui est affiché et où l’on peut soi-même acquérir les compétences pour comprendre ces langues, et comme un lieu pour la communauté dans toute sa diversité, quelle que soit votre langue maternelle, la bibliothèque vous accueille. Cela sous-entend que les collections comme les services sauront aussi refléter cette diversité. Cela me semble vraiment important aujourd’hui de rappeler que la bibliothèque est ouverte à tous.

Mais mieux encore que cela, le message de bienvenue consiste en fait dans les mots « gratuit pour tout le monde ». Et il est vrai que les bibliothèques doivent rappeler ce message, qui n’est pas évident pour les habitants qui ne les fréquentent pas. Annoncer cette gratuité dès le parvis dans une rue commerçante, comme celle où est située la Boston Public Library, c’est ouvrir une parenthèse dans un espace de consommation.

 

Quelle chose vous a étonné positivement ou négativement dans cette bibliothèque ?

J’ai été tout à fait positivement étonnée par le mur des prix littéraires. C’est un mur très esthétique qui met en visibilité les prix littéraires qui ont été remportés par des auteurs qui considèrent le Massachussetts comme leur foyer, qu’ils y soient nés ou qu’ils y aient passé la plus grand part de leur vie. La panoplie des prix est : le Prix Nobel de littérature, le Prix Pulitzer, le National Book Award, Le Pen/Faulkner Award, Le Edgar Award, Le Nebula Award, Le Rita Award.

Chaque prix a un écusson différent et chaque auteur du Massachussets récompensé voit son nom apposé sur un de ces écussons et rejoint le mur. Ci-dessous, par exemple le Prix Rita remis en 2011 à Lauren Willig pour « The Mischief of the Mistletoe ».

Le mur est complété petit à petit, mais il est déjà bien rempli, et assez bien désigné pour que le non-rempli ne soit pas vide.

Je trouve particulièrement bien cette idée de valoriser les prix littéraires dans la bibliothèque, comme si celle-ci étant à la fois le commencement et la fin : lieu où l’on écrit, lieu où l’on lit, lieu où on construit son rapport aux autres auteurs, lieu où l’on est lu, etc. Par ailleurs, il y a l’idée de valoriser l’appartenance à l’Etat du Massachussetts, la bibliothèque se faisant là, non plus seulement le reflet du territoire dans toute sa diversité (comme à l’entrée avec le mur multilingue), mais comme le reflet d’une communauté qui produit et qui crée, et qui par là-même donne voix à tous. C’est un beau lien entre les différents aspects de ce que peut être un territoire et une communauté.

 

Est-ce qu’il y a un service ou des collections qui vous ont enthousiasmés ?

Oui, tout à fait, j’ai été totalement enthousiasmée par les panneaux de data visualisation à l’entrée de la bibliothèque. Derrière le bureau d’accueil, en arc de cercle, sont disposés une dizaine d’écrans. Chacun traite de données différentes : données d’activité des bibliothèques du réseau heure par heure, données du catalogue, données sur les publics, etc.

Pour chacun de ces panneaux, vous êtes acteur : soit pour ajouter vos données (je suis venue en vélo, je suis une femme, ma langue maternelle est le français, etc.), soit pour choisir ce que vous voulez visualiser (l’activité des bibliothèques à 10h du matin le jour même). A chaque fois, un mode de visualisation différent est utilisé. C’est très ludique, puisqu’interactif, facile à manipuler (tout en tactile), très visuel, etc. Mais c’est aussi une démarche de données intéressante : elle permet de donner à voir ce qui d’habitude est invisible : l’activité de la bibliothèque, les liens entre les documents dans le catalogue, ou la représentation des femmes parmi les usagers venus en vélos ce même jour. Certes ces dernières données sont plus anecdotiques, puisque c’est au passant de le remplir et qu’il n’y a pas de récupération automatique, mais cela reste très informatif pour les agents de la bibliothèque, comme pour l’usager qui réalise ne pas être le seul (ce samedi 13 août, je n’étais pas la seule dont la langue maternelle est le français à être venue à la bibliothèque et à avoir joué avec cet écran…) et faire partie d’un ensemble dont il ne soupçonnait peut-être pas la diversité.

Décorative, ludique, intelligente, informative ? Qu’attendons-nous pour multiplier ce genre d’initiatives ?

(source photo : Raphaëlle Bats, Twitter)