Arrêt de commercialisation d'un livre par décision de justice et place en bibliothèque

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Question

Bonjour,
Le livre "Merah, l'itinéraire secret" d'Alex Jordavov fait l'objet d'un arrêt de commercialisation par décision de justice.
Quelles sont les conséquences et les obligations des bibliothèques consécutives à cette décision ? Cette mention doit-elle figurer sur le catalogue ? Faut-il exclure du prêt le livre ? La seule consultation sur place est-elle admise ? Merci.
Cordialement

Réponse

Date de la réponse :  09/05/2016

Vous voulez savoir quelles obligations incombent aux bibliothèques, lorsqu'un livre présent dans leurs collections fait l'objet d'un arrêt de commercialisation par décision de justice : cette mention doit-elle figurer sur le catalogue ? faut-il exclure le prêt du livre ? la consultation sur place est-elle admise ?

Nous ne sommes pas compétents pour vous répondre de manière précise, car nous n'avons pas connaissance de la décision de justice en question.

Nous vous suggérons donc de demander conseil à votre conseiller livre et lecture, Henri Gay : 05 67 73 20 70 / drac.lrmp@culture.gouv.fr

Vous pouvez également soumettre votre question au service d'Assistance juridique du CRL Midi-Pyrénées.

Voilà toutefois quelques ressources qui pourront vous intéresser :

Le Code de déontologie du bibliothécaire indique que :

"Le bibliothécaire favorise la réflexion de chacun par la constitution de collections répondant à des critères d’objectivité, d’impartialité, de pluralité d’opinion. Dans ce sens, il s’engage dans ses fonctions à :
- Ne pratiquer aucune censure, garantir le pluralisme et l’encyclopédisme intellectuel des collections ;
- Offrir aux usagers l'ensemble des documents nécessaires à sa compréhension autonome des débats publics, de l'actualité, des grandes questions historiques et philosophiques ;
- Appliquer les dispositions législatives et réglementaires concernant les collections, ainsi que les décisions de la justice, sans se substituer à celle-ci, notamment celles qui interdisent la promotion de toute discrimination et de toute violence ;
- Assurer la fiabilité des informations, œuvrer à leur mise à jour permanente et à leur conformité à l’état présent des connaissances scientifiques ;
- Organiser l’accès aux sources d’informations pour les rendre disponibles, y compris à distance, selon les normes professionnelles en vigueur ;
- Faire connaître et mettre en valeur les collections, les ressources, les services dans le respect de la neutralité du service public ;
- Faciliter la libre circulation de l’information."

Un mémoire récent décrit en détail les questionnements des bibliothécaires face aux livres litigieux :

"Une fois le livre litigieux intégré dans les collections, demeure un acte qui engage la responsabilité du bibliothécaire et de sa tutelle institutionnelle, généralement reconnue comme personne morale : sa communication au public. Là encore, le flou règne, et les interrogations sont nombreuses. « Pour moi ce n’est pas clair en tout cas, et ça devrait l’être : la notion de consultation en bibliothèque, par exemple, n’est pas juridiquement établie ». L’acte de communication d’un document interdit expose-t-il le bibliothécaire et sa tutelle à des poursuites pénales ? Oui, selon Michèle Battisti, chargée de veille juridique à l’ADBS, dans un article proposant un panorama de la question [Proposer des livres interdits], « qu’il s’agisse de publications interdites aux  mineurs  ou celles  qui  contiennent  des  propos  racistes, xénophobes, négationnistes », n’est pas sans risque : « si les décisions de justice en la matière ne s’appliquent qu’aux éditeurs, les diffuser conduit à s’exposer à être qualifié de complice d’un délit ». « Si l’interdiction découle d’un arrêté ministériel, le retrait s’impose» [Michèle Battisti précise toutefois ensuite « Certes, il convient de respecter les lois existantes mais plutôt qu’une interdiction pure est simple, dans de nombreux cas, il suffirait de ne rendre ces documents accessibles qu’à un public avisé »]. La loi, en ce qui concerne les livres effectivement interdits, comme Suicide, mode d’emploi, est donc claire. Elle l’est nettement moins, par nature, pour le livre litigieux. [...]
À l’évidence, le bibliothécaire ne peut pas toujours se retrancher derrière la loi, la justice, ou derrière les indications de sa tutelle. Il en va aussi, dans certains cas extrêmes, de son appréciation personnelle et citoyenne, et des règles implicites mais fondamentales qui régissent son activité et son statut d’agent public. Quelles sont ces règles ? Ni plus ni moins que celles, au demeurant très simples, que ces quelques exemples ont permis d’apercevoir, et qui touchent aux fondements mêmes de la bibliothèque comme institution démocratique : le respect de la vie et de la personne d’autrui.[...]
Face à l’inexistence et aux risques d’une loi sur les bibliothèques, face aux limites manifestes que présentent les outils de formalisation de sa pratique, tels que codes de déontologie ou chartes documentaires, le bibliothécaire est tout simplement – et il faut s’en réjouir – condamné à choisir. [...]
Relativement [...] au livre litigieux, l’espace de décision du bibliothécaire pourrait être défini et figuré au sein d’un quadrilatère dont les quatre bords, de dimension variable, seraient les contraintes et les limites plus ou moins fortes encadrant sa pratique. Ces quatre composantes, identifiées au fil de la présente étude, sont : la loi, les droits et devoirs du fonctionnaire, les demandes de la tutelle et celles du public. Au sein de cet espace limité et plus ou moins dilaté selon les lieux, les missions et les contextes, il faut estimer que les professionnels sont souverains de leurs choix."
Le mémoire évoque ensuite la mise en accès indirect, l'usage de notes contextuelles dans les notices de catalogue, l'insertion de documents d'accompagnement.
Source : "Que faire des pamphlets? rôle et responsabilités des bibliothèques". in Une approche du livre litigieux en bibliothèque : le cas des pamphlets de Louis-Ferdinand Céline. Amaury Catel. Mémoire d'élève conservateur. Enssib, 2013. P. 54 et suivantes.

Enfin, parce qu'elle signale plusieurs documents de référence, nous vous signalons une précédente réponse sur les choix documentaires en matière d'essais politiques.