Bibliothèques et science ouverte

yves alixLa question de l’accès au savoir est un enjeu fondamental. De l’Initiative de Budapest, en 2002, à l’Appel de Jussieu, en 2017, la route menant au libre accès à la recherche scientifique a été longue et semée d’embûches. Les bibliothèques, touchées de plein fouet par l’explosion des tarifs d’accès aux publications scientifiques, ont été parmi les premières à prendre conscience du danger que le manège infernal des coûts d’abonnements prohibitifs et des stratégies de fermeture des éditeurs spécialisés faisait courir à la liberté de la recherche et à l’exercice de la fonction documentaire. Les professionnels des bibliothèques ont su, par leur implication et leur expertise, s’imposer dans le débat et s’y faire reconnaître comme des acteurs légitimes.

 

Dès 2016, la loi pour une République numérique, dite loi Lemaire, avait autorisé les chercheurs financés sur fonds publics à déposer leurs articles dans une archive ouverte, au plus tard un an après la publication par l’éditeur[1]. Le combat a aujourd’hui changé d’échelle : en janvier 2018, aux journées nationales de la science ouverte, Alain Beretz, directeur général de la recherche et de l’innovation, déclarait que le ministère avait la volonté de saisir l’opportunité de la science ouverte « à bras le corps » ; et le 4 juillet suivant, Frédérique Vidal, dans un discours prononcé au congrès de la Ligue européenne des bibliothèques de recherche, annonçait le lancement d’un ambitieux Plan national pour la science ouverte. Un pas décisif a été fait. Il reste cependant beaucoup de chemin à parcourir, et la réflexion des bibliothécaires doit continuer, et s’élargir encore.

 

Fruit d’un travail entrepris lors d’un congé de formation à l’Enssib, le rapport d’Alain Caraco, Open Access et bibliothèques que l’Enssib a le plaisir de mettre aujourd’hui à la disposition de la communauté professionnelle, apporte des éléments précieux à cette réflexion collective. Par son approche concrète, sa volonté de faire un tour aussi complet que possible de la question, il fera date. Le texte est une photographie de l’existant autant qu’une réflexion sur les enjeux. Il est aussi un tremplin pour l’action : l’auteur fait en effet dix-huit propositions pour faire avancer la science ouverte. Les propositions 13 à 17 concernent directement les services communs de documentation et les bibliothèques. Leur mise en œuvre dépendra beaucoup de leur appropriation par la communauté professionnelle. La dix-huitième imagine une « plateforme fédératrice de l’action des bibliothèques pour l’Open Access en France ». Le site « Ouvrir la science », que lance le Comité pour la Science ouverte (CoSO) en cette fin d’année, a vocation à devenir cette plateforme, travaillant sur des axes thématiques en s’appuyant sur les collèges du comité[2] et fédérant veille et ressources dans une approche transversale, incluant les bibliothèques.

 

L’Enssib, présente dans ce débat, souhaite s’investir fortement dans ses domaines de compétences : publications, formation initiale et continue (un parcours « Ouvrir la science et les données », est ainsi inscrit au programme de formation continue 2019 de l’école). Le CoSO a proposé à l’École d’intégrer le comité de rédaction du site « Ouvrir la science ». Elle aura à cœur d’y apporter, dans une démarche collégiale, l’éclairage d’une veille et d’une expertise professionnelles enrichies par les communautés qu’elle dessert.

 

Yves Alix

 

[1] Code de la recherche article L533-4.

[2] Pour rappel, les quatre collèges du CoSO sont : Publications, Données de la recherche, Europe et international, Compétences et formation. L’Enssib est présente dans ce dernier.