« To all passers bye »

Yves Alix

Je l’annonçais dans un précédent éditorial1, l’Enssib s’est livrée ce printemps à un exercice nécessaire mais difficile, celui de l’autoévaluation, dans le cadre du rendez-vous quinquennal des établissements d’enseignement supérieur et de recherche avec le Hcéres2, prélude à la négociation contractuelle avec le ministère de tutelle. J’écris « L’Enssib », mais je devrais plutôt évoquer ses équipes. Car c’est le travail des femmes et des hommes engagés dans la recherche d’exigence de l’école qui conditionne le succès de ses entreprises, au service de la réussite des élèves fonctionnaires, des étudiantes et étudiants et des publics de la formation continue et de la recherche. Le Hcérès invoque « un processus d’amélioration continue ». Bel idéal, certes faisant fi de beaucoup de réalités, mais pourquoi pas ? Les résultats prouvent que l’Enssib peut être fière du chemin parcouru.

 

Quel chemin ! Cette « petite grande école », héritière et continuatrice de l’ENSB3, a déjà formé à leur métier, depuis 1992, plusieurs milliers de conservateurs, conservatrices et bibliothécaires, conduit à leur diplôme et aidé à leur insertion dans l’emploi plusieurs milliers d’étudiantes et d’étudiants. Avec les moyens d’un établissement de moins de cent agents, dans le cadre contraignant du fonctionnement public. En s’efforçant de rester toujours au plus près des besoins. En absorbant avec courage réformes administratives, « couches de simplification » successives, virages stratégiques imprévus de l’État et autres défis accumulés au fil des ans – et relevés avec détermination. À l’heure de quitter mes fonctions, je n’ai que deux mots à dire : « Bravo » et « Merci » !

 

Le Service public, valeur que je crois plus nécessaire que jamais en ce temps de crise de la citoyenneté4, obéit comme on sait à trois principes cardinaux, égalité d’accès, mutabilité et continuité. Pour une école de service public, formant à des métiers publics servant l’intérêt général mais aussi, dans le même esprit, à des métiers privés, ces trois principes ont des applications très pratiques. L’égalité, par le concours mais aussi par la transparence des conditions d’accès. La mutabilité, par une adaptation continue aux incessantes évolutions des métiers, des méthodes d’apprentissage, des mentalités, des cadres règlementaires. Adaptation parfois laborieuse, voire douloureuse, mais toujours assumée. La continuité enfin, par la transmission des missions, mais aussi par les passages de relais. Les équipes de l’Enssib changent. L’équipe de l’Enssib reste présente à tout moment, comme un point fixe. A partir du 1er octobre, cette équipe continuera, comme on dit, d’assurer, sous la houlette d’une nouvelle directrice. Je souhaite à ma successeure une complète réussite. Et je sais que celle-ci sera au rendez-vous.

 

Un souvenir personnel, pour prendre congé. De 1992 à 1998, me rendant à pied à mon bureau, chaque matin, du 20ème au 11ème arrondissement, en traversant le « Père Lachaise », je passais devant un café ombreux, au seuil duquel une pancarte posée sur le sol annonçait à la craie : « To all passers bye : welcome ! »5. Je ne vous dirai pas si j’ai, un jour, répondu à l’invite, pour savoir quelle sorte d’Anglo-Saxon pouvait se cacher au fond de ce bistrot de Ménilmontant. Mais ces passants interpellés me hantent toujours. La vie est faite de rencontres et nous sommes toujours un passant pour quelqu’un. Aussi, à toutes celles et ceux que j’ai pu croiser, en passant, dans ma vie professionnelle, pour une heure ou des années, je dirai seulement, si vous passez un jour là où je serai dès le mois prochain : bienvenue.

 

Yves Alix

 

[1] En janvier 2019. Une éternité…

[2] Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.

[3] École nationale supérieure des bibliothécaires, 1963-1992

[4] Une dernière lecture à vous recommander (on ne se refait pas) : François Sureau, Pour la Liberté, Tallandier, 2019.

[5]«  A tous les passants : bienvenue ! »