sophie courtel

Après une maîtrise de littérature puis une formation à l'École de bibliothécaires documentalistes à Paris, Sophie Courtel réussit le concours d'assistant spécialisé des bibliothèques de la Ville de Paris, ce qui lui permet d’exercer la fonction de chargée de communication et d'action culturelle à la Bibliothèque Jacqueline de Romilly (Paris 18e) pendant deux an et demi. Par la suite, lauréate du concours de bibliothécaire d'État, elle prend le poste de responsable des services aux publics à la médiathèque Marguerite Yourcenar (Paris 15e) avant de réussir le concours de conservateur des bibliothèques d’État en interne.

Sophie Courtel : une immersion au sein des services de BAnQ de Montréal

Rencontre avec Sophie Courtel, élève-conservatrice des bibliothèques à l’Enssib (DCB 28), qui vient d’effectuer son stage professionnel à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). Elle revient sur cette expérience particulièrement riche, qui lui aura permis de contribuer à la médiation pour les nouveaux arrivants au Québec et à la place du jeu dans l’offre de BAnQ.
 

1/ Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? 
Âgée de 31 ans, je suis élève conservatrice DCB 28 (promotion Louise Michel) à l’Enssib, où j’entame mon troisième semestre de formation. Je viens d’effectuer mon stage professionnel du diplôme de conservateur à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), située à Montréal (Canada). Celui-ci a duré 14 semaines, ce qui en fait un temps important de la formation.
 

2/ Pour mieux saisir l’intérêt de votre stage, pouvez-vous nous expliquer ce qu’est BAnQ ?
Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) est à la fois une bibliothèque publique (la « Grande Bibliothèque »), une bibliothèque nationale (« collection nationale ») et un centre d’archives. Elle a été inaugurée en 2005 au cœur de Montréal. BAnQ a fusionné trois institutions (les Archives nationales et la Bibliothèque nationale, ainsi que la bibliothèque centrale de la Ville de Montréal), ce qui a servi à rassembler les collections nationales, auparavant réparties dans plusieurs bâtiments. BAnQ est une entité complexe à comprendre, au même titre que la BnF à qui on aurait associé la Bpi : elle a une mission de lecture publique mais aussi une mission de conservation. Les trois entités de BAnQ coexistent mais leur unité est nébuleuse pour les usagers.
 

3/ Quelles ont été vos missions de stage ? Dans quel contexte se sont-elles inscrites ?
Après presque 15 ans d’existence, BAnQ commence à trouver son rythme de croisière. Cependant, le constat actuel est le même que partout ailleurs : les emprunts ont tendance à baisser, que ce soit les CD, les livres ou les DVD. La Grande Bibliothèque doit donc se renouveler constamment pour conserver ses publics et en attirer de nouveaux. C’est dans ce contexte que le plan stratégique 2019-2022 prend place et met l’accent sur la médiation des collections et les services aux nouveaux arrivants.
Dans ce contexte, plusieurs missions m’ont été confiées : réflexion et mise en place d’une nouvelle action de médiation pour les nouveaux arrivants au Québec, état des lieux et propositions autour du jeu (vidéo, société, rôle) pour le niveau 1 Arts et Littérature, état des lieux et propositions autour du jeu pour les services adaptés aux personnes handicapées.
Les objectifs de travail de ces trois missions étaient communs, et en adéquation avec les objectifs de l’établissement : réfléchir à de nouveaux services et de nouvelles formes de médiation, améliorer l’accessibilité des animations et des services de la Grande Bibliothèque, satisfaire des demandes récurrentes du public, élargir la base d’usagers de la Grande Bibliothèque en proposant de nouveaux services.
 

4/ Travailler à l'étranger est forcément une source de découverte. Quelles pratiques professionnelles locales vous ont particulièrement étonnée ?
Deux points en particulier m’ont marquée. En premier lieu, la hiérarchie, qui est très importante, en termes de division des tâches : pas question pour des « commis » (nos magasiniers) d’effectuer des recherches documentaires ou de gérer des acquisitions, tout comme il est impossible aux « bibliothécaires » de faire du renseignement de base ou de ranger des livres. La segmentation, au niveau du service public, est très importante et très rigide. Mais peut-être est-ce le fait d’une grande institution … En second lieu, le nombre très important de questions de référence, très pointues, qui sont posées soit aux comptoirs soit par téléphone : les usagers reconnaissent les bibliothécaires comme des spécialistes dans les domaines, selon les différents étages de la bibliothèque. En France, d’après mon expérience, les vraies questions de référence (où l’on peut passer entre 30 et 45 min auprès d’un usager), sont rares en lecture publique. C’est sûrement le fait d’être à la fois Bibliothèque nationale et bibliothèque de lecture publique.

 

5/ Vous avez peut-être eu l’occasion de visiter une bibliothèque autre que celle de votre stage. Qu'en avez-vous retenu de particulièrement surprenant, innovant ou enthousiasmant ?
J’ai en effet eu l’occasion de visiter plusieurs bibliothèques de la Ville de Montréal, dont les dernières réalisations sont magnifiques. La bibliothèque du Boisé, dans un quartier défavorisé de la Ville, est un très beau bâtiment adapté aux besoins actuels, confortable et chaleureux avec de nombreux services intéressants (prêt de jeux de société, fablab, salle d’allaitement, prêt de casques, de fauteuils roulants et de loupes électroniques).
 

6/ Quel bilan tirez-vous de ce stage en termes d'expérience individuelle ?
C’était une très belle expérience de travail, alliant à la fois des nouveautés professionnelles et personnelles, qui m’ont permis de découvrir une autre culture. Mon stage a été très complet car il m'a permis de voir la plupart des services d'une grande bibliothèque de lecture publique, d'assister à des conférences, avec le positionnement privilégié de stagiaire, observatrice non partie prenante et donc plus facilement acceptée.
 

7/ Une anecdote à partager sur votre séjour au Canada ?
La langue française est très importante au Québec, et j’ai été « critiquée » à plusieurs reprises car j’utilisais des mots anglais, qui sont pourtant parfois même intégrés dans les dictionnaires français ! J’ai donc appris beaucoup de nouvelles expressions, comme « la fin de semaine » pour le week-end ! Et surtout, les Québécois sont très chatouilleux sur la question de leur accent (quel accent ? ce sont les Français qui ont un accent ... français de France !) et sur leur utilisation de la langue : ce fut pour moi une nouvelle manière de découvrir la langue française et les incohérences de nos utilisations parfois.

À part ça, rencontrer des baleines et des ours, dans ce magnifique pays, fut une expérience incroyable à elle seule !
 

Propos recueillis par Gustavo Insaurralde
Le 17 janvier 2020