Daraya et Hipparchia / داريا et Ἱππαρχία

Nathalie Marcerou-Ramel
Directrice de l'Enssib

 

Photo : Cédric Vigneault

Chaque nouvelle promotion d’étudiants ou d’élèves faisant son entrée à l’Enssib est incitée à se doter d’un nom qui marquera son passage et constituera sa signature. Longtemps réservée aux élèves fonctionnaires, et encore peu pratiquée (nous le regrettons) par les étudiant.es de master, cette tradition tend cependant à s’étendre au sein de l’école et nous nous en réjouissons. Il y a même une réelle curiosité, de notre part, à connaître les choix des nouvelles promotions, souvent originaux, de plus en plus engagés. Chaque nom dit « quelque chose » du groupe qui l’a adopté, parfois même à son insu.

Daraya et Hipparchia sont les noms retenus, respectivement, par la promotion 2021 – 2022 du diplôme d’établissement « Cadre opérationnel des bibliothèques et de la documentation » et par la onzième promotion des bibliothécaires stagiaires de l’Etat et de la Ville de Paris. Le hasard, sans doute, veut que ces deux noms riment et se répondent parfaitement.

Que nous dit à leur sujet l’encyclopédie Wikipédia, qui fête ses 20 ans en cette année 2021, un anniversaire que l’Enssib célèbre à sa manière grâce à des ateliers de contribution ? 

En 2011, les premières manifestations contre le régime syrien ont commencé à Daraya, ville syrienne proche de Damas, assiégée pendant près de quatre ans, puis détruite à 90%. Delphine Minoui, journaliste, auteure du livre Les Passeurs de livres de Daraya et réalisatrice du film Daraya, la bibliothèque sous les bombes, raconte comment des habitants ont, malgré le siège et les bombardements, récupéré des livres dans les décombres afin de construire une bibliothèque clandestine. Hipparchia, quant à elle, est une philosophe cynique grecque de la fin du 4ème siècle av. J.-C : une femme libre de ses choix, et notamment de celui qui l’a conduite à délaisser le rouet pour l’étude. Le livre et l’étude comme outils de résistance et armes de liberté et d’égalité entre les femmes et les hommes : au-delà de l’harmonie, le choix des noms Daraya et Hipparchia témoigne de valeurs largement partagées entre professionnel.les et futurs professionnel.les de l’information et des bibliothèques. Il entre en résonance avec plusieurs projets portés par l’Enssib.

Au terme d’une concertation qui aura couru sur l’ensemble de l’année 2021, l’Enssib a retenu les trois programmes transversaux qui structureront son projet d’établissement 2022 – 2026. Si les conseils de l’établissement approuvent ces orientations, l’un d’entre eux sera consacré à la responsabilité sociétale et environnementale ; il intégrera notre engagement en faveur de l’éducation aux médias et à l’information et du développement de l’esprit critique. En partenariat, renouvelé en 2021 – 2022, avec l’Inspé de l’Académie de Lyon, et toujours avec le soutien du Ministère de la culture, l’établissement lance d’ailleurs la deuxième phase de son programme de soutien à l’EMI : trois nouvelles journées largement ouvertes aux professionnels des bibliothèques, de la documentation et de l’enseignement sont prévues, la première se tenant le 17 novembre. Le 28 octobre dernier, l’Enssib a eu le plaisir d’accueillir, en partenariat avec l’association Equal Rights and Independant Media, une délégation de bibliothécaires moldaves intéressées par les actions menées par l’école dans ce domaine. D’autres collaborations sont à l’étude, avec l’École des bibliothécaires, archivistes, documentalistes (EBAD) de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, et une nouvelle publication s’annonce aux Presses de l’Enssib, pour 2022.

Pour répondre à la demande de la Ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, dont l’engagement en faveur de l’égalité femme – homme et la lutte contre les discriminations est fort, l’Enssib a adopté en mars 2021 un plan d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Plus récemment, un dispositif de signalement en ligne d'actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d'agissements sexistes a été mis à la disposition des personnels et des fonctionnaires stagiaires ; il sera bientôt étendu aux étudiant.es. Grâce au financement que l’Université Claude Bernard Lyon 1, établissement porteur du projet, vient d’obtenir du MESRI, une mise en réseau des dispositifs d’écoute, d’accompagnement et de prévention des violences sexuelles, sexistes, du harcèlement et des discriminations va se mettre en place entre les établissements universitaires de l’axe Lyon-St Etienne : l’Enssib sera partie prenante de ce réseau, dont nous espérons qu’il contribuera à faire « bouger les lignes ».

Nathalie Marcerou-Ramel