La Renaissance tient aujourd’hui une place essentielle dans le champ culturel et patrimonial occidental, considérée qu’elle est comme le temps la naissance de l’homme moderne, et comme une matrice identitaire de l’occident. En France, la Renaissance s’incarne dans quelques hauts lieux, tels les châteaux de la Loire ou le musée d’Ecouen, et dans de grandes opérations culturelles. Dans ce contexte, le patrimoine imprimé a également été interrogé, qu’il concerne des graveurs, l’imprimé, les métiers du livre ou la littérature. L’abondante production scientifique marque donc un premier jalon dans la construction, jamais réellement interrogée ni par les bibliothécaires, ni par le grand public, ni par les politiques, d’une pensée patrimoniale associée à la Renaissance.

Le mot « patrimoine » est utilisé, parfois à tort et à travers, pour désigner des ouvrages, des manuscrits, des reliures, des presses typographiques… Il sert à justifier des achats (tel celui du Livre d’Heures de François Ier acquis par le Musée du Louvre en 2017). Ce sont aussi des opérations auprès du grand public ; en 2017, ainsi, le Musée de la Réformation proposait au grand public de composer une page de la Bible et de l’imprimer sur une presse ancienne. Cet engouement s’est développé indépendamment de toute réflexion sur les critères patrimoniaux qui engendrent ce processus.

Pour être « patrimonial », un objet doit être protégé par un statut juridique particulier, faire l’objet d’une conservation pérenne, servir de caisse de résonnance à des valeurs civilisationnelles qui font consensus. Cette définition est-elle vraiment utilisée ? N’a-t-on pas tendance, par facilité, à considérer comme patrimonial tout livre ancien ou cher ?

Cette journée d’études entend interroger les relations qui existent entre les livres et gravures de la Renaissance d’une part, et le statut du patrimoine d’autre part. Il s’agit non pas de décrire la littérature de l’époque, le travail des ateliers, la beauté des gravures… mais plutôt de comprendre ce que ces objets « disent » à notre société, les valeurs dont ils sont (ou non) porteurs, les processus qui les rapprochent du public.

Pour y parvenir, et avec le concours d’historiens et de conservateurs de bibliothèque, la journée abordera les débuts de la patrimonialisation de la Renaissance qui s’effectue au 19e siècle ; les récentes méthodes historiques appliquées à cette période ; enfin, les processus de valorisation des objets ou des lieux où ils sont conservés.

Programme

• 9h : Philippe MARTIN (Université Lyon 2), Fabienne HENRYOT (Enssib), Introduction à la journée
• 9h20 : Renaud ADAM (Université de Liège), Méthodes pour une enquête sociale dans les milieux du livre: le cas d’Anvers au début de l’ère typographique
• 9h40 : Jean-Benoît KRUMENACKER (Enssib / Lyon 2), Le livre à Lyon au début du XVIe siècle : pistes et méthodes d’enquêtes
• Pause
• 10h15 : Alain CULLIERE (Université de Lorraine), La réception des textes de la Renaissance aujourd’hui
• 10h45 : Tristan VIGLIANO (Université Lyon 2), Colloque d'un juif avec Mahomet (traduction française renaissante d'une traduction latine des Masail Abdallah ibn Salam)
   
• 13h30 : Monique HULVEY (BM Lyon), Reconstituer les bibliothèques de la Renaissance : enjeux et perspectives
• 14h : Alice KLEIN (Strasbourg), La valorisation scientifique des gravures d'illustration de la Renaissance
• 14h30 : Laurent NAAS (Bibliothèque humaniste de Sélestat), La mise en valeur de la gravure pour le grand public
• 15h : Pierre-Gilles GIRAULT (Monastère Royal de Brou, Bourg-en-Bresse), Enluminures et manuscrits dans les musées
• 15h30 : Philippe DUFIEUX (École nationale d’architecture de Lyon), L’architecte et le livre : les bibliothèques humanistes de Jean-Joseph Pascal Gay et d’Antoine-Marie Chenavard