Catherine Muller au colloque ECRIDI

Catherine Muller, conservatrice des bibliothèques à l’Enssib, a participé au colloque ECRIDIL en avril dernier à Montréal. Avec Benoît Epron, elle a présenté une communication sur l’Abécédaire des mondes lettrés. Elle revient pour nous sur cette expérience internationale.

Catherine Muller au colloque ECRIDIL

Vous avez participé à un colloque à Montréal, pouvez-vous nous parler de votre intervention ?

Benoît Epron (MCF en SIC) et moi-même (conservatrice des bibliothèques), avons soumis une proposition au CRIHN (Centre de recherche canadien interuniversitaire sur les humanités numériques) pour présenter notre travail de recherche sur la conception d’un outil d’écriture numérique, collaborative et savante, « L’Abécédaire des mondes lettrés »,  à l’occasion du colloque ECRIDIL, [écrire, éditer, lire à l’ère numérique] organisé en 2018 à Montréal du 30 avril au 1er mai, sur le « Livre, défi de design : l’intersection numérique de la création et de l’édition ». Nous avons montré comment ce projet de design éditorial permet de repenser les modalités de l’écriture et les parcours de lecture en proposant une nouvelle architecture de l’information sous forme de constellations. La présentation portait d’une part sur les choix de conception et les problématiques de recherche soulevées, et d’autre part sur les perspectives de réutilisation du code source logiciel dans le cadre du projet de recherche ANR sur HyperOtlet auquel nous participons pour l’Enssib.
 

Une des communications présentées vous a particulièrement marqué ou inspiré : laquelle ?

J’ai été impressionnée par la qualité des interventions et la diversité des profils des intervenants. En particulier la communication d’Emmanuël Souchier, « Éléments pour une épistémologie du design en contexte numérique » que j’ai trouvée à la fois lumineuse et intellectuellement brillante. Il nous invite à replacer la question du livre et de sa transformation numérique dans l'histoire longue de l'humanité et de son rapport culturel, anthropologique, et technique à l’écriture. Il rappelle non sans humour que cette période du numérique n'est que « l'épaisseur d'une feuille sur la pile de plusieurs mètres de l'histoire de l'écriture ». A l'aune du capitalisme industriel et des pratiques de lecture, qui font tour à tour du lecteur, un citoyen, un usager, pour finir une simple data, ce n'est pas le livre qui est transformé par le numérique, mais la relation à l'écriture ; cette "jumelle" bien singulière - ainsi que la désigne avec esprit le chercheur - à dissocier du livre qui la porte. En assignant une forme et des formats à cette première technologie intellectuelle qu’est l’écriture, le livre a répondu pendant 2 millénaires aux nécessités anthropologiques de l’écriture, ses fonctions communicationnelles, sociales, il lui a offert une portabilité. Mais nous devons sortir des formes du codex pour aborder le numérique et penser l’écriture sans le livre. Au-delà du livre et de l'écriture, c'est le traitement de l'information qui importe au numérique. Sans oublier cependant que l’information en soi n’a aucune réalité en contexte numérique si elle n’est pas socialisée par l’écriture. J’ai retenu aussi de ces journées cette formulation particulièrement claire d’un chercheur à l’UQAM, Bertrand Gervais, qui résume parfaitement ce qui se joue avec le livre numérique, « le passage de la raison graphique (J.Goody) à la raison computationnelle (B.Bachimont) ».

 

Est-ce que cette mobilité vous aura permis de développer de nouveaux projets ou de donner une nouvelle orientation à votre projet ?

En effet, suite à cette intervention, j’ai été sollicitée par l’INHA pour présenter l’avancée du projet HyperOtlet dans le cadre des lundis du numérique au printemps 2019. Une publication est également prévue pour le livre hybride qui fera suite à l'édition 2018 du colloque ECRIDIL.