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Les bibliothèques, acteurs de l'économie du livre

1995

    Les bibliothèques, acteurs de l'économie du livre

    L'articulation achat / emprunt


    Ce document constitue la synthèse des différentes phases de l'étude Les bibliothèques, acteurs de l'économie du livre, conçue et coordonnée par l'Observatoire de l'économie du livre pour le compte de la DLL, de la SCAM-SGDL, du SNE et de la DLSTB. Il a été approuvé par le comité de pilotage mis en place dès le début des travaux, qui rassemblait, outre les cofinanceurs de l'étude, l'ensemble des organismes concernés. Les rapports complets de cette étude feront l'objet d'une publication ultérieure.

    Introduction

    Entre 1980 et 1991, on a construit en France 742 000 m2de bibliothèques supplémentaires, dont 715 000 pour les seules bibliothèques municipales et départementales de prêt, doublant ainsi la surface d'accueil du public (1) . L'achèvement du réseau des bibliothèques centrales de prêt, décentralisées à partir de 1986 en bibliothèques départementales de prêt, l'aide accrue aux municipalités désireuses de construire ou de moderniser une bibliothèque municipale ont été les axes principaux du programme mené par le ministère de la Culture à partir du moment où ses budgets commencèrent à croître. Abondé, plus tardivement, par la réévaluation, qui était devenue urgente, des dotations allouées par le ministère de l'Éducation nationale aux bibliothèques universitaires, cet effort public sans précédent était accompagné d'opérations visant à attirer un plus vaste public à la lecture.

    Il en résulta un développement très sensible du volume des prêts, notamment en bibliothèque municipale, où le nombre de prêts recensés s'est accru de 75 % entre 1980 et 1991, de 59 à 103 millions de volumes (2) .

    Dans le même intervalle de temps, le chiffre d'affaires de l'édition connaissait des évolutions moins rapides : selon le déflateur considéré, l'augmentation du chiffre d'affaires de 116% en francs courants correspondait en effet dans l'hypothèse la plus favorable à une hausse de 13 % en francs constants, ou à une baisse de 2,7 % (3) . Dans certains secteurs, le cycle baisse des tirages moyens/renchérissement du prix/baisse des achats semblait irréversiblement entamé.

    Si donc le public des bibliothèques croissait, alors que les achats de livres, ou au moins de certains livres, diminuaient (4) , n'était-on pas en train d'assister à des phénomènes de transfert qui, massifs, auraient risqué de conduire à la destruction de pans entiers de l'économie éditoriale nationale (5) ?

    Cette analyse se trouva confortée par la conclusion des réflexions menées de manière concomitante au niveau européen, à l'initiative des pays d'Europe du nord, sur l'évolution des conditions d'exercice du droit d'auteur. En novembre 1992, la Directive 92/100 des Communautés européennes relative au droit de location et de prêt posait le principe du droit exclusif des auteurs et de certains producteurs à autoriser ou interdire la location ou le prêt des oeuvres protégées (6) ; s'agissant du prêt, elle prévoyait toutefois la possibilité pour les États membres de déroger à ce droit, à condition « que les auteurs au moins obtiennent une rémunération au titre de ce prêt 'fixée en tenant compte des objectifs de promotion culturelle " des États (art. 5.1) ; elle prévoyait en outre la possibilité d'exempter certaines catégories d'établissements " de cette rémunération (art. 5.3).

    On en vint ainsi à lier la question de l'impact de la lecture publique sur l'économie du secteur du livre à celle de l'applicabilité dans notre pays d'un dispositif de droit de prêt payant en bibliothèque (7) , comme il existe de longue date au Danemark, en Allemagne ou au Royaume-Uni.

    Afin de permettre à l'ensemble des partenaires concernés - à commencer par les pouvoirs publics auxquels il revient d'adopter une position tenant compte de l'ensemble des impératifs juridiques, sociaux et économiques en jeu - de disposer de l'information la plus large et la plus sereine possible sur un sujet qui se révèle vite passionnel, une batterie d'enquêtes fut lancée, conduite par l'Observatoire de l'économie du livre pour le compte des principales entités concernées : la Direction du livre et de la lecture (DLL, ministère de la Culture et de la Francophonie), la Société civile des auteurs multimédias-Société des gens de lettres (SCAM-SGDL), le Syndicat national de l'édition (SNE) et la Direction de l'information scientifique et technique et des bibliothèques (DISTB, ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche). Un comité de pilotage associant l'ensemble des autres instances professionnelles ou administratives intéressées (8) fut chargé de suivre le déroulement des travaux.

    C'est, sinon l'ensemble des résultats des différentes enquêtes menées au sein de ce dispositif d'étude, du moins leurs conclusions les plus significatives qui sont présentées ici. On gardera en mémoire, tout au long de ce rapport, que l'on ne raisonne, parfois en les segmentant à l'extrême, que sur des populations minoritaires : en chiffres arrondis en effet, l'une de ces enquêtes montre que les personnes qui fréquentent les bibliothèques constituent 30 % de la population des plus de 15 ans. Sur ces 30 %, 22 % achètent des livres, et 8 % n'en achètent pas. Les acheteurs non emprunteurs sont 38 %, tandis que 32 % des Français n'achètent ni n'empruntent aucun livre.

    Un dispositif d'étude de grande ampleur

    La diversité des approches suivies

    Les études menées se caractérisent par leur diversité, gage d'une volonté de prise en compte aussi complète que possible de la question posée. Le dispositif mis en place s'est en effet donné pour but :

    • tout d'abord de mesurer l'offre de livres proposée par les bibliothèques ;
    • ensuite de tenter une approche qualitative, à partir d'entretiens individuels, des relations économiques (9) . qu'entretiennent libraires, bibliothécaires et emprunteurs ;
    • enfin de quantifier les pratiques croisées d'emprunt (10) et d'achat grâce à des enquêtes ad hoc menées sur de larges échantillons représentatifs de la population française.

    À ces trois recherches correspondent trois démarches scientifiques différentes, qui ont fait l'objet d'autant de tranches :

    • lre tranche : analyse statistique qualitative des prêts en bibliothèques, à travers l'exploitation des bases de données d'un échantillon de 9 bibliothèques informatisées (3 BU, 6 BM) (11) . L'extraction des données a été assurée par les sociétés ISL (BU) et Opsys (BM), qui commercialisent les logiciels de gestion des prêts utilisés dans l'échantillon ; les retraitements et l'exploitation par la DISTB (BU), l'Observatoire de l'économie du livre et le Département de l'économie du livre de la DLL (BM).
    • 2etranche : entretiens approfondis sur les 9 sites retenus pour la lre tranche avec des emprunteurs, des bibliothécaires et les libraires fournisseurs (sociétés BIPE Conseil et WSA) ; cette tranche visait notamment, par une approche qualitative, à déterminer les paramètres explicatifs de l'articulation achat/emprunt, qui devaient ensuite être quantifiés lors de la 3e tranche.
    • 3etranche : validation quantitative des résultats de la 2etranche auprès d'un échantillon de 1 290 emprunteurs et d'un sous-échantillon de contrôle de 1 277 acheteurs exclusifs, tous deux constitués à partir du panel de consommateurs de la SOFRES (échantillon représentatif de 10 000 individus de 15 ans et plus) ; fusion de ces enquêtes avec l'enquête sur les achats de livres réalisée depuis plusieurs années par la SOFRES. L'exploitation en a été assurée par l'Observatoire de l'économie du livre en liaison avec le Département des études et de la prospective.

    Limites

    On conçoit qu'un travail de pareil ampleur a posé d'importantes questions d'ordre méthodologique, qu'il revenait au comité de pilotage de l'étude de trancher. Mais, une fois arrêtés les choix principaux (détermination des sites de la première tranche, recours aux entretiens qualitatifs, constitution du questionnaire à soumettre aux membres du panel, etc.), de réels problèmes de faisabilité ont pu se poser, qu'il convient de rappeler ici. En toute rigueur en effet, les chiffres ou les éléments figurant dans chaque étude n'ont de signification que dans les limites générées par les conditions dans lesquelles ils ont été obtenus. Leur rappel hors contexte risque de ce fait - et c'est une précaution sur laquelle on ne saurait trop insister - de conduire à des interprétations tronquées ou partiales, car scientifiquement douteuses.

    Il existe en effet plusieurs limites dues aux conditions dans lesquelles se sont déroulées les études des différentes tranches. Ces limitations et leurs causes étant explicitées dans chaque rapport d'étude, on ne les reprendra que brièvement ici.

    • * S'agissant des études de la 1etranche, on soulignera pour l'essentiel le caractère statistiquement non représentatif de l'échantillon des 9 bibliothèques retenues. En outre, la nature même de l'exercice (exploitation des bases de données de prêt des bibliothèques de l'échantillon) s'est d'abord heurtée au fait que ces logiciels n'ont pas été conçus à des fins statistiques - bien qu'ils comportent un module statistique plus ou moins développé - mais bel et bien pour gérer des prêts. D'autre part, la date récente d'informatisation des prêts dans la plupart des bibliothèques de l'échantillon conduit à majorer le poids des ouvrages les plus récents, donc à créer un biais dans la base de l'étude. Enfin, la masse même des fichiers étudiés a parfois interdit de mener aussi loin qu'on aurait pu le souhaiter l'exploitation des données, par exemple en ce qui concerne les auteurs des ouvrages empruntés dans les bibliothèques municipales.
    • * L'approche qualitative, construite à partir d'une quarantaine d'entretiens menés sur les sites retenus pour l'analyse des prêts, que propose la 2ephase présente tout l'attrait des études de ce type, mais aussi les limites qui leur sont inévitablement liées. Le caractère vivant et concret des éléments rapportés a pour contrepartie l'impossibilité de leur donner le moindre caractère de généralité. On en verra un exemple lors de l'examen des typologies d'emprunteurs/acheteurs proposées.
    • * Par définition, ces contraintes sont levées dans l'exploitation des enquêtes menées en 3ephase sur de larges échantillons représentatifs, qui fournit des résultats chiffrés statistiquement indiscutables (12) . Néanmoins, le caractère ponctuel de ces enquêtes ne permet pas de garantir, sur l'épineuse question de l'évolution récente des comportements croisés d'achat et d'emprunt, la fiabilité totale que seul présenterait le suivi sur plusieurs années d'une cohorte d'emprunteurs et d'acheteurs. En outre, on ne perdra pas de vue que ces résultats fournissent une mesure fiable non pas des comportements des personnes interrogées, mais de l'évaluation qu'elles en font.

    On dispose néanmoins, à partir des milliers de données obtenues dans ces enquêtes, d'un important gisement d'informations sur l'offre et la demande de livres en bibliothèques et sur leurs conséquences sur les comportements des emprunteurs et des acheteurs de livres.

    Une synthèse difficile

    La synthèse en est difficile, dans la mesure où la plupart de ces informations sont par nature tout à fait analytiques, qu'il s'agisse de la listes des ouvrages les plus empruntés à la bibliothèque universitaire d'Avignon, d'extraits d'entretiens menés avec le public de la bibliothèque municipale de Falaise ou de tableaux détaillant, par catégorie socio-démographique, les principaux genres d'ouvrages faisant l'objet d'emprunts mais non d'achats. C'est pourquoi le lecteur aura toujours intérêt à se reporter aux rapports des différentes enquêtes (13) pour obtenir plus de précisions sur telle ou telle information mentionnée dans la présente synthèse. La synthèse proposée présente trois parties :

    • * La première, d'ordre macro-économique, cherche à mesurer de deux façons la place des bibliothèques dans l'économie générale du livre. Pour cela, elle reprend d'abord les principaux résultats de la lre phase de l'étude en présentant les principales caractéristiques de la demande de livres telle qu'elle découle des statistiques de prêt, puis se déplace sur le terrain proprement commercial, en analysant les relations entre clients (les bibliothécaires) et fournisseurs (les libraires).
    • * Une deuxième partie s'attache à mieux cerner les profils des « consommateurs » de livres (14) , en détaillant l'étude du comportement des publics des bibliothèques. On profitera ici de l'ampleur du matériau pour rapprocher les éléments d'ordre qualitatif (images et représentations fournies par les entretiens menés par la société WSA, opinions sur les librairies et bibliothèques figurant dans les dernières questions des enquêtes SOFRES) des profils que fait apparaître l'exploitation systématique des enquêtes quantitatives.
    • * Enfin une troisième partie étudiera les modalités de l'arbitrage effectué entre achat et emprunt de livres, à partir des réactions des diverses populations identifiées auparavant face à quelques situations dans lesquelles un tel arbitrage peut avoir à se présenter. Elle le fera avec quelque détail, dans la mesure où la question, controversée, appelle des éléments de réponse complets.

    1-Les bibliothèques dans l'offre et la demande de livres

    1. La demande en bibliothèque

    Éléments communs

    La première tranche de l'enquête a consisté à analyser les prêts effectués au cours de l'année 1993 dans 9 bibliothèques informatisées : 3 bibliothèques universitaires (Avignon, Orsay-Sciences, Paris-VIII) et 6 bibliothèques municipales (Arles, Conflans, Douai, Falaise, Issoudun, Villeurbanne). Malgré les limites découlant de l'exploitation statistique de logiciels dont on rappelle qu'ils n'ont pas été prioritairement conçus pour cela, on a pu aboutir à des résultats significatifs - souvent pressentis par la plupart des professionnels mais désormais établis (15) , dont certains sont communs aux deux types de bibliothèques et d'autres caractéristiques de la nature de l'établissement, donc de son public privilégié.

    * Commune aux bibliothèques universitaires et aux bibliothèques municipales est la confirmation du phénomène de concentration des prêts :

    • comme l'indiquaient de précédentes enquêtes (16) , celle-ci porte sur les catégories d'ouvrages dans les bibliothèques municipales et notamment sur les catégories jeunesse et BD : sur les 100 ouvrages les plus empruntés, 15 seulement n'appartiennent pas à ces deux catégories ;
    • elle est relative aux maisons d'édition dans les bibliothèques universitaires, où le rapport constate que " 35 éditeurs à eux seuls font plus de 75 % des prêts ; sur ces 35, 10 font 50 % des prêts, 5 font près de 40 % des prêts, un seul éditeur fournissant 14 % des prêts (17) ».

    * On constate aussi un phénomène de concentration sur les emprunts d'ouvrages de publication récente. Certes assez fortement surestimé ici, du fait de l'existence d'un biais lié à la prise en compte des ouvrages "informatisés ', ce phénomène est néanmoins une réalité, notamment en bibliothèque universitaire. Dans ces dernières, seuls 10 % des prêts concernent des ouvrages publiés avant 1970, tandis que 30 % d'entre eux concernent des livres publiés entre 1990 et 1992.

    Paradoxalement, alors que l'on insiste souvent sur la forte demande, de la part du public des bibliothèques municipales, d'accéder aux nouveautés, la concentration sur les ouvrages de parution récente y est moins forte qu'en bibliothèque universitaire. En effet, 21 % des prêts seulement concernent les ouvrages publiés dans les trois années précédant l'enquête, tandis que 25 % portent sur des ouvrages publiés avant 1982. Encore ce chiffre est-il sous-évalué par le fait qu'un nombre important de titres d'ouvrages de jeunesse et de bandes dessinées ont été publiés pour la première fois entre 1950 et 1970 - même si la date d'édition de l'exemplaire détenu par la bibliothèque est évidemment plus récente (18) .

    * La nature des fonds proposés conduit à des résultats très différents, entre les deux types de bibliothèques municipales et bibliothèques universitaires, en ce qui concerne le taux d'ouvrages non sortis au cours de l'année. Il est en effet de près de la moitié des exemplaires (représentant 45 % des titres environ) dans les premières et de près des deux tiers (69 % des titres) dans les secondes, ce dernier résultat pouvant notamment s'expliquer par l'inquiétante sous-utilisation des ouvrages universitaires en langue étrangère, qui représentent 22 % des ouvrages mais seulement 4 % des emprunts.

    L'analyse des taux de rotation nécessite quant à elle de différencier les deux catégories de bibliothèques, même si un élément méthodologique commun doit être gardé en mémoire au moment de cette analyse : il est en effet indispensable de préciser si ce taux concerne la rotation par titre ou par volume.

    En BU

    L'existence d'un taux de rotation moyen par volume de 1,2 dans les trois bibliothèques universitaires de l'échantillon n'a guère de signification, tant en raison de la dispersion constatée autour de cette moyenne (les chiffres par établissement variant de 0,56 à 2,06) que de la faible représentativité de cet échantillon. En revanche, il peut être intéressant d'étudier les cas extrêmes, en se penchant sur la situation des titres le moins et le plus empruntés.

    On rappellera donc d'abord que 72 % des prêts sont constitués d'ouvrages empruntés de 1 à 10 fois, le chiffre tombant à 34 % si l'on s'intéresse aux titres et non plus aux volumes. À l'autre extrémité, les volumes sortis plus de 50 fois dans l'année représentent 3 % des prêts mais, compte tenu de l'existence, pour les titres concernés, de nombreux exemplaires du même ouvrage sur les rayons, 31 % des prêts concernent des titres sortis plus de 50 fois.

    En conséquence, les taux de rotation par titre peuvent atteindre des chiffres impressionnants, qu'on retrouve aussi bien dans le classement par éditeurs que dans celui relatif aux auteurs. Les taux de rotation par exemplaire, plus significatifs, se situent également pour ce type d'ouvrages à des niveaux élevés. Le tableau ci-dessous regroupe les principaux résultats.

    Vignette de l'image.Illustration
    Taux de rotation par titre et par exemplaire

    En BM

    * La forte dispersion des titres, ainsi que l'existence de classifications maison » pour la production de fiction, de loin la plus empruntée en bibliothèque municipale, ont rendu difficiles le recueil et l'exploitation des données de prêts. On peut néanmoins tirer de l'enquête la confirmation du phénomène de concentration rappelé plus haut : c'est ainsi que 5 % des titres concentrent 37 % des emprunts, et que le pourcentage de titres réalisant 50 % des emprunts s'établit en moyenne à 8,8 %, en variant selon les sites de 7,4 à 12,4 %.

    Les taux de rotation s'en ressentent, tout en restant fortement tributaires des situations locales. Ils varient en effet selon les sites, entre 1,43 (à Falaise) et 3,4 (à Villeurbanne). Il apparaît clairement que c'est dans les bibliothèques les plus importantes que l'on observe les plus fortes rotations par titre. La prise en compte de la réalité du nombre d'exemplaires rapproche toutefois ces chiffres, comme en témoigne le tableau des situations extrêmes rencontrées : si la rotation par titre varie selon de 30 à 203 - soit selon un facteur 6,7 - la rotation par exemplaire se situe dans la fourchette moins large de 5,8 à 15, l'amplitude de cette variation n'étant alors plus que de 2,6.

    * La répartition par auteurs et éditeurs des titres les plus prêtés est évidemment moins concentrée que celle observée dans les bibliothèques universitaires, en raison à la fois de l'absence de prescription de la demande et de la plus grande dispersion de l'édition générale par rapport à l'édition scientifique.

    La concentration par auteurs est importante, puisque, alors que les bibliothèques retenues dans l'échantillon ont des fonds comptant entre 15 et 64 000 auteurs (19) , les dix auteurs les plus prêtés sur l'ensemble des sites représentent, selon les sites, entre 4 et 8 % des prêts. Les cent auteurs les plus prêtés représentent 6,5 à 8 % du fonds et 15 à 24 % des prêts. 10 % des prêts sont réalisés par 0,1 % des auteurs, pour 4 % du total des exemplaires du fonds ; 2,5 à 4,3 % des auteurs concentrent 50 % des prêts.

    * Des conclusions analogues peuvent être tracées en ce qui concerne la concentration par maison d'édition. En données cumulées sur l'ensemble des bibliothèques de l'échantillon :

    • 5 éditeurs réalisent à eux seuls près du quart des prêts,
    • et 20 éditeurs - tous de littérature générale, de livres pour la jeunesse ou de bandes dessinées - réalisent 53 % des prêts.

    Seuls 10 % des éditeurs voient les ouvrages qu'ils publient empruntés plus de 100 fois dans l'année, tandis qu'à l'autre extrême la part des éditeurs dont les ouvrages ne sont jamais empruntés varie selon les sites de 20 à 50 %, pour une part il est vrai très minime des fonds, qu'on l'appréhende en nombre de titres (1,3 à 5,4 %) ou en nombre d'exemplaires (1,2 à 3,6 %).

    * L'enquête a en outre permis de disposer de premiers éléments sur le volume des emprunts réalisés, livres et périodiques confondus, par les emprunteurs des sites retenus pour l'étude. On voit alors se dégager deux grandes catégories d'emprunteurs :

    • celle des petits (moins de 11 prêts par an), qui représente 40,4 % des emprunteurs ;
    • et celle des gros (plus de 50 prêts par an), qui représente 13,6 % des emprunteurs mais compte pour 41,3 % des prêts. Des sous-catégories de très petits '(moins de 5 prêts par an) et très gros (plus de 100 prêts par an) peuvent également être identifiées, comptant respectivement pour 27 et 5 % des emprunteurs.

    Ces éléments, d'origine locale, ont vocation à être rapprochés de ceux, statistiquement plus robustes., obtenus par dépouillement du panel SOFRES. On constate alors une totale remise en question des résultats puisque, pour prendre les seuls cas extrêmes, les très petits ne sont, dans l'échantillon national des personnes empruntant en bibliothèque municipale, que 7,5 % alors que les très gros représentent un peu moins de 15 % (chiffres à rapprocher des 27 et 5 % cités plus haut !). Sans doute ces écarts importants s'expliquent-ils pour partie par la différence des modes de recueil de l'information de chacune des enquêtes (20) ; mais ils incitent aussi, comme nous l'avons mentionné plus haut, à se méfier de la tendance naturelle à l'extrapolation s'agissant de résultats issus d'études locales menées sur un nombre de sites insuffisant pour avoir une valeur représentative.

    2. De l'offre

    C'est néanmoins également à partir des éléments recueillis lors d'études de site - les entretiens avec les bibliothécaires et les libraires fournisseurs de l'échantillon - que sera abordée l'étude de l'offre de livres en bibliothèque et des relations commerciales existant entre bibliothèques et fournisseurs de livres. Cette technique, si elle ne prétend pas donner une image complète de la diversité des situations existantes, permet néanmoins - dans la mesure surtout où les pratiques et les motivations qui les sous-tendent paraissent, mutatis mu-tandis, relativement homogène d'un établissement à l'autre - d'éclairer les processus de définition de l'offre et apporter quelques informations sur le circuit local du livre qui semble exister de manière plus sensible qu'on ne pouvait l'imaginer.

    Logique de prescription ou logique de marché ?

    Laissée, in fine, à la responsabilité du conservateur en fonctions dans chaque section spécialisée de l'établissement, la décision d'acquisition est l'aboutissement de processus d'information et d'arbitrage qui suivent des voies différentes en bibliothèque municipale et en bibliothèque universitaire.

    Le cas particulier des bibliothèques universitaires

    Dans les bibliothèques universitaires, des critères quantitatifs (nombre d'étudiants et d'équipes de recherche, valeur moyenne des ouvrages dans la spécialité) sont croisés avec les préconisations découlant à la fois des bibliographies préparées par le corps enseignant et des avis des commissions d'acquisition lorsqu'elles existent. Le rôle du corps scientifique des bibliothèques n'est toutefois pas de pur enregistrement, dans la mesure où l'arbitrage final leur revient, qu'il s'agisse du choix des ouvrages ou du nombre d'exemplaires achetés.

    Sur le premier point, la tendance des professionnels est de tenter d'assurer la cohérence du fonds, en évitant de donner une priorité trop absolue aux seuls manuels, qui constituent l'essentiel de la demande provenant des étudiants. Leur marge de manoeuvre se trouve dans la pratique doublement limitée par la quasi-absence de demande d'ouvrages non prescrits et par le fait que les livres en langue étrangère ne sortent pratiquement pas.

    Elle est par contre plus réelle en ce qui concerne le nombre d'ouvrages acquis. La tendance est actuellement à essayer de limiter le nombre d'un même manuel prescrit, en évitant la reproduction de situations où l'on a pu voir un même ouvrage présent, toutes éditions confondues, à 50 exemplaires dans un seul site. Placée dans une situation de pénurie, certes moins grave qu'autrefois, les bibliothèques universitaires cherchent à maintenir un niveau d'acquisition dont la diversité et la spécialité répondent aussi bien aux besoins des chercheurs qu'à ceux des étudiants.

    Le choix des livres en lecture publique

    * Les modalités de prescription directe ne jouant pas en bibliothèque municipale, les responsables des acquisitions construisent, à partir des trois sources d'informations dont ils disposent (l'information bibliographique, la visite chez le fournisseur et la demande du public) et de la conception qu'ils se font de leur rôle, une politique d'acquisition dans laquelle la prise en compte de la demande du public se croise avec la recherche d'ouvertures visant à décloisonner les genres et orienter progressivement les lecteurs vers des littératures plus exigeantes ».

    De là découle la structure des acquisitions, qui font une place plus forte que celle qui découlerait de la simple prise en compte de la demande à des genres « difficiles », portés par " les maisons d'édition les plus créatives ou en tout cas les plus légitimées ». De là également la volonté unanime de privilégier la largeur " de l'assortiment sur sa « profondeur ». Autrement dit, la très grande majorité des ouvrages sont acquis en un seul exemplaire, les acquisitions multiples ne concernant qu'un petit nombre d'ouvrages placés au premier plan de l'actualité. Encore la concurrence pour ce type d'ouvrages avec l'acquisition en librairie se trouve-t-elle réduite par le fait que, dans les bibliothèques interrogées, le volume de ces acquisitions ne dépasse jamais quatre exemplaires.

    Pour ce type d'ouvrages, la volonté des bibliothécaires est en effet de ne pas répondre de manière massive à une demande ponctuellement forte du public, afin de ne pas disposer quelques mois plus tard d'un grand nombre d'exemplaires d'un ouvrage ayant cessé de plaire. Le mécanisme d'approvisionnement des nouveautés ne cherche donc pas à concurrencer les points de vente sur ce terrain, les délais de mise à disposition de ces ouvrages restant importants - de l'ordre de plusieurs semaines (21) .

    * Exception non négligeable (22) à ce schéma, le secteur de la jeunesse. Il connaît en effet une situation particulière caractérisée par des pratiques spécifiques en matière d'information des acheteurs, tels le démarchage par des associations d'éditeurs et la mise en place d'office de la part des librairies spécialisées. En conséquence, la nature des acquisitions s'y trouve plus concentrée, les responsables des sections jeunesse se présentant comme « plus sélectifs " et affirmant préférer .. avoir cinq exemplaires d'un même ouvrage qu'une masse de livres différents ».

    Le circuit local

    * L'examen des lieux d'acquisition a permis de confirmer l'existence d'un circuit local du livre : la moyenne des acquisitions effectuées par les bibliothèques municipales de l'échantillon dans des librairies situées sur leur commune d'implantation ou dans un cercle de 75 kilomètres autour d'elle est de 60 % en valeur, ce chiffre ne descendant jamais en-dessous de 50 %, et atteignant même 75 % dans un cas. La seule concurrence effective à ce circuit est constituée par les achats directs aux éditeurs et aux soldeurs, qui fluctuent selon les sites entre 21 et 44 % des acquisitions, la moyenne se situant à 31 %.

    La situation des bibliothèques universitaires serait comparable (avec environ 50 % des achats effectués dans des lieux de proximité) s'il avait un sens de faire une moyenne à partir de trois situations qui apparaissent très diversifiées. Le principal point de convergence se situe en effet dans la part non négligeable (de 20 à 30 %) des achats réalisée avec des librairies étrangères ou spécialisées, mais les situations se révèlent pour le reste très hétérogènes : telle bibliothèque recourt massivement (34 %) aux services de grossistes tandis que telle autre achète la moitié de ses ouvrages dans une librairie de sa ville d'implantation.

    * L'avantage que déclarent retirer les bibliothécaires de ce recours à l'offre locale réside dans la qualité du service qui leur est offert, non pas tant en matière de conseil bibliographique que de suivi des achats et des commandes. L'existence d'un interlocuteur clairement identifiable, le respect des délais de livraison et la fiabilité de la facturation constituent pour la bibliothèque des avantages qui dépassent le seul gain financier qui pourrait découler de l'obtention de meilleures remises de la part de fournisseurs plus importants mais plus lointains.

    * En conséquence, la question des niveaux de remise consentis n'est jamais présentée comme essentielle par les bibliothécaires interrogés. La procédure de l'appel d'offres n'est de ce fait pas généralisée, et l'on constate de réelles variations dans les pratiques existantes. La remise moyenne consentie aux bibliothèques par les libraires fournisseurs semble tourner autour de 15%, ce chiffre s'élevant dans quelques cas à 20 %. À l'opposé, quelques librairies très spécialisées se limitent à des taux de remise de 5 à 10 %. Il est toutefois remarquable de constater que la plupart des libraires interrogés, s'ils se sont par principe fixé un taux de remise plafond au-delà duquel ils refusent de travailler, déclarent ne pas être en mesure d'estimer avec précision la rentabilité des opérations qu'ils effectuent avec les collectivités en général et les bibliothèques en particulier.

    Il rentre en effet dans ce calcul un élément difficile à quantifier, celui découlant des animations qu'il est parfois proposé aux libraires de réaliser dans les bibliothèques voisines. Toutefois ce sont surtout les bibliothécaires qui semblent tenir à la notion d'un partenariat autour du livre, où la poursuite d'un objectif commun de développement de la lecture dépasserait la seule relation créée entre fournisseurs et clients.

    II - Les publics

    Une fois mieux connue la place des bibliothèques dans l'offre et la demande de livres, on doit se pencher sur le comportement du consommateur, en dépouillant les enquêtes des 2eet 3ephases pour essayer d'en faire émerger, s'ils existent, les profils de populations chez lesquelles pratiques d'achat et pratiques d'emprunt se complètent ou s'opposent. Avant d'entrer dans la mine d'informations statistiques obtenue par interrogation du panel SOFRES, on fera un détour du côté des représentations.

    1. Exemples et images

    L'étude menée par la société WSA a consisté à interroger, de manière approfondie, 37 personnes rencontrées dans des bibliothèques, donc placées a pnbn dans une situation non extérieure à l'emprunt. À partir de questions relatives à la relation au livre, à ses modes d'acquisition, aux volumes impliqués, les enquêteurs se sont efforcés de construire une typologie des comportements croisés d'achat et d'emprunt, et de mieux cerner les caractéristiques que chaque population attribuait à l'acte et au lieu d'achat ou d'emprunt de livres.

    Si elle présente d'indiscutables attraits - dans la mesure où le lecteur a le sentiment d'« entendre » la personne interrogée - ce type d'enquête atteint ses limites dans la mesure où elle ne permet que de déceler des comportements, non d'affirmer leur représentativité. Ceci ne pose pas de problème lorsque, comme c'est le cas ici, elle n'a pour but que de proposer des modèles que l'exploitation d'un échantillon représentatif au sens statistique a vocation à confirmer ou infirmer. On risque toutefois d'aboutir à une impasse si l'on détache cette étude de son contexte et que, prenant la partie pour le tout, on érige en loi ce qui n'est qu'un cas particulier, plus ou moins partagé.

    En outre, le caractère restreint et nécessairement biaisé, par son mode même de constitution, de l'échantillon - qui privilégie par nature les emprunteurs sur les non-emprunteurs - risque de conduire à des erreurs d'interprétation. Ainsi, si les gros emprunteurs s'avèrent également gros acheteurs, on conclura à l'existence d'un lien entre niveau d'emprunt et niveau d'achat, alors que, comme on le verra, l'analyse factorielle des données statistiques de la 3e phase permet au au contraire de conclure à l'absence d'un tel lien.

    Des aquariums aux océans

    Malgré ces réserves, il est intéressant de rappeler les conclusions auxquelles aboutit l'étude. Usant de métaphores aquatiques, ses auteurs distinguent quatre types de comportement, que l'on peut schématiquement regrouper sur le tableau qui suit.

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    Type de comportement

    Dans trois de ces quatre attitudes, qui sont regroupées sur la diagonale du tableau, il existe une concordance dans l'importance quantitative accordée à l'emprunt et à l'achat », ce qui permet de considérer que, pour elles, l'envie de lecture entraîne des achats et des emprunts dans la même dynamique. Mais on peut dire de la même façon que la fréquentation des lieux de vente des livres et la fréquentation des bibliothèques de prêt entraîne (ou entretient) une dynamique de lecture. [...] Pour ce premier pubiic, emprunt et achat ne se concurrencent pas .. Ils participent l'un et l'autre d'une même dynamique face au livre ; emprunt et achat se répondent », l'emprunt permettant notamment de découvrir de nouveaux univers de lecture, qui pourront devenir des références achetées par la suite. » (rapport WSA, 2e phase)

    * À côté de ces trois types de comportement, on doit relever la situation atypique des 'fteuves », où l'on retrouve des personnes empruntant massivement pour elles-mêmes des ouvrages peu valorisés, qu'elles ne souhaiteraient pas acquérir : l'exemple le plus classique est celui des femmes fortes consommatrices de roman sentimental, mais certains emprunteurs de bandes dessinées, de romans policiers ou d'ouvrages de science-fiction relèvent également de cette catégorie.

    * A également été mise en évidence la situation particulière, au regard de l'emprunt et de l'achat de livres, des étudiants, que l'on voit quitter progressivement l'emprunt pour se constituer une bibliothèque personnelle. Il s'agit là de la seule situation dynamique clairement identifiée comme telle même si, comme on le verra, l'attitude au regard de la possession de livres, par exemple, connaît également de fortes variations au cours du cycle de vie.

    Images

    Les caractéristiques majeures de l'achat et de l'emprunt

    Cette même étude nous instruit également sur les caractéristiques psychologiques propres associées aux comportements et aux lieux d'achat et d'emprunt de livres. Plutôt que de proposer une synthèse qui ne serait que paraphrase, on a regroupé, sur le tableau ci-dessous, les mots-clés ainsi mis en évidence.

    On voit donc se dessiner des couples de représentations ("transition-pérennité", », "diversité-objet affectif "patrimoine-nouveauté », . ouverture-intimidation ») qui semblent structurer le rapport au livre.

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    Caractéristiques majeures de l'achat et de l'emprunt

    L'attente en bibliothèque et l'attente en librairie

    Dans la mesure où les personnes interrogées par la SOFRES ont également eu à faire part de leur opinion sur les avantages et inconvénients de la fréquentation des bibliothèques et des librairies, il convient de vérifier la pertinence de l'image obtenue après enquête qualitative par l'exploitation d'un sondage plus global. Ce dernier présente en outre l'avantage de pouvoir affiner la carte des représentations, en les affectant aux diverses sous-populations définies au sein du groupe des emprunteurs.

    * À l'exception de ceux qui les fréquentent essentiellement de manière utilitariste, les consommateurs de bibliothèques déclarent y ressentir une réelle aisance, caractérisée par la capacité de flânerie et la possibilité d'y obtenir des conseils. Cette attitude est plus marquée par les catégories habituellement considérées comme culturellement défavorisées et croît avec l'ancienneté de la fréquentation.

    L'acte d'emprunt se trouve, comme incitait à le penser l'enquête qualitative, d'abord marqué par le plaisir de la découverte, attitude qui rapproche des catégories de profils socioculturels très différents, notamment en matière d'instruction. Bien évidemment, le sentiment d'aisance se trouve conforté, pour tous les publics, par l'évacuation de la contrainte financière.

    * Bien que cette contrainte se révèle plus subjective que réelle (23) , elle n'en influe pas moins fortement sur l'image du lieu d'achat. Une forte proportion des personnes interrogées déclare ressentir une frustration à ne pouvoir acheter autant qu'elles le souhaiteraient, et une hésitation forte devant la découverte - qui fonde au contraire leur image positive de la bibliothèque. Ce paradoxe d'une multiplicité des ouvrages proposés ressentie comme un avantage en bibliothèque et corrïme un handicap sur le lieu de vente paraît au moins autant structurer les représentations que ne le font les contraintes financières.

    Mais l'achat en magasin offre l'avantage, en contrepartie, de libérer des contraintes de l'emprunt en bibliothèque, no tamment l'obligation de lire rapidement. Il ouvre également l'accès à la possession du livre, attitude certes caractéristique d'un rapport " cultivé » au livre, mais que l'on découvre également étroitement liée tant à l'ancienneté des pratiques qu'à l'âge, dans la mesure où elle évolue fortement au cours de la vie.

    * La question des nouveautés, présentes en magasin mais difficiles à trouver en bibliothèque constitue un cas particulier. Si, comme le relevait pour s'en étonner l'enquête qualitative, elle n'est pratiquement pas mise spontanément en avant par les emprunteurs, elle constitue le premier reproche adressé à la bibliothèque lorsqu'elle est présentée comme un des critères de définition des avantages ou inconvénients des lieux d'accès au livre. À l'opposé des autres, ce facteur croît avec l'ancienneté des pratiques d'emprunt et est perçu plus fortement par les gros lecteurs, ne se trouvant minimisé que par les lecteurs intensifiant leurs emprunts.

    À partir de ces éléments, on peut mettre en évidence plusieurs rapports au livre et à la lecture, qui laissent prévoir des comportements différenciés d'achat et d'emprunt. Y apparaît en particulier nettement la lecture « fleuve », signalée par l'enquête qualitative, attitude dans laquelle la lecture permanente prime sur la possession du livre.

    S'agissant des représentations relatives aux lieux d'accès au livre que sont la bibliothèque et le point de vente, on peut conclure que les avantages de l'un sont globalement les inconvénients de l'autre mais ne s'y réduisent pas On doit surtout constater la forte homologie des représentations, pour les principaux critères, entre lieu d'emprunt et lieu d'achat, de sorte que la fréquentation de l'un ne semble guère, en première analyse, avoir de fortes répercussions sur l'image de l'autre.

    2. Emprunteurs et/ou acheteurs

    Qui sont-ils ?

    * Les structures socio-démographiques des populations d'acheteurs (24) et d'emprunteurs frappent d'abord par leur proximité, plus nette encore si on les rapproche de la population des « réfractaires au livre (ni acheteurs, ni emprunteurs). Ainsi, sur les critères les plus classiques de sexe, d'âge et de profession et sur celui, particulièrement discriminant en matière de consommation culturelle, de niveau d'instruction, on retrouve, tant chez les acheteurs que chez les emprunteurs, les tendances relevées par de précédentes enquêtes sur les populations les plus réceptives au livre :

    • présence plus marquée des femmes ;
    • poids des moins de 24 ans et sous-représentation des plus de 50 ans ;
    • sur-représentation des étudiants, des cadres et des professions intermédiaires au détriment des ouvriers, des agriculteurs et des retraités ;
    • sur-représentation des niveaux d'instruction élevés.

    La présence des enfants au foyer constitue un autre critère fortement discriminant sur lequel les spécificités des deux populations se rejoignent : les foyers avec enfants représentent en effet 6l % des acheteurs et 62,5 % des emprunteurs, contre seulement 25,7 % chez les non-emprunteurs non acheteurs.

    Ces caractérisations chiffrées se retrouvent dans l'analyse des propensions à l'achat et à l'emprunt. Si l'on retrouve, sans surprise, les cadres supérieurs et professions libérales ainsi que les personnes ayant effectué des études supérieures parmi celles ayant les plus fortes propensions tant à l'achat qu'à l'emprunt, c'est l'étude des différences qui permet de commencer à mieux cerner les populations respectives d'acheteurs et d'emprunteurs. Trois catégories (les 15/19 ans, les étudiants et les familles avec enfant) ont ainsi une forte propension à l'emprunt non liée à une forte propension à l'achat.

    Ces différences, qui s'expliquent aisément, se retrouvent bien entendu dans l'analyse des structures socio-démographiques, où l'on constate, entre les deux populations, quelques différences :

    • moindre poids des 15/19 ans chez les acheteurs au profit des 50/64 ans ;
    • présence très marquée des étudiants et des lycéens chez les emprunteurs, où ils représentent près du quart de la population ;
    • relative sous-représentation chez les emprunteurs des niveaux « primaire " et « technique court » (CAP-BEP) et sur-représentation marquée des niveaux d'études supérieurs.

    De cette première analyse, essentiellement statistique, on peut retenir le lourd poids - qui frôle la prédétermination - des facteurs socio-démographiques, qu'il s'agisse du niveau d'instruction, de la profession et catégorie sociale, de l'âge ou de la structure de la famille. Pour s'en tenir, à titre d'exemple, à ce seul dernier critère, on notera ainsi le saut spectaculaire (de l'ordre de 50 %) constaté dans les effectifs tant d'acheteurs que d'emprunteurs lors de l'apparition du premier enfant.

    * Le croisement des deux pratiques d'achat et d'emprunt fait apparaître de manière encore plus frappante l'existence, par rapport aux pratiques du livre, de profils sociodémographiques très typés. On aurait en effet pu s'attendre, compte tenu de la relative proximité de structure entre la population des acheteurs et celle des emprunteurs, à retrouver ces similitudes dans les différentes sous populations qui les composent, principalement les emprunteurs acheteurs, les emprunteurs non acheteurs (emprunteurs exclusifs) et les acheteurs non emprunteurs (acheteurs exclusifs).

    L'examen des structures socio-démographiques de ces souspopulations révèle qu'il n'en est rien, bien au contraire. Sur la quasi-totalité des critères socio-démographiques, on a en fait deux populations extrêmes - les emprunteurs/acheteurs et les non-emprunteurs/non-acheteurs - et, dans des positions intermédiaires (d'ailleurs différentes) les acheteurs exclusifs et les emprunteurs exclusifs.

    Les emprunteurs acheteurs, de façon d'ailleurs très logique, concentrent les caractéristiques socio-démographiques de « population cultivée » mises en évidence tant chez les acheteurs que chez les emprunteurs par opposition aux réfractaires au livre " (les non-emprunteurs non-acheteurs) :

    • surreprésentation des étudiants et des lycéens (26 % des emprunteurs acheteurs contre 6 % des non-emprunteurs non-acheteurs), des cadres (10 % contre 3 %) et des professions intermédiaires (14 % contre 8 %) ;
    • surreprésentation des moins de 50 ans, et en particulier des moins de 24 ans, des niveaux d'instruction supérieurs (26 % contre 4 %), mais aussi des grandes agglomérations, de la région parisienne et des foyers avec enfants (48 % contre 26 %).

    Quant aux populations pratiquant de manière exclusive l'un des deux modes d'approvisionnement - les emprunteurs exclusifs et les acheteurs exclusifs - leurs structures socio-démographiques diffèrent sur plusieurs points :

    • le poids des étudiants et des lycéens chez les emprunteurs exclusifs (16 % contre 7 % chez les acheteurs exclusifs - c'est-à-dire à peine plus que chez les réfractaires au livre) ; les emprunteurs exclusifs comptent également plus de retraités, mais moins de cadres et de professions intermédiaires ;
    • ce phénomène se traduit évidemment en termes d'âge : 11 % de moins de 20 ans chez les emprunteurs exclusifs contre 6 %, et, à l'autre extrémité, 24 % de plus de 65 ans contre 19 % ;
    • en termes de niveau d'instruction, les emprunteurs exclusifs sont plutôt moins diplômés : 38 % ont un niveau inférieur ou égal au niveau 5e, contre 30 % chez les acheteurs exclusifs ;
    • enfin, ce sont plutôt des foyers sans enfants (27 % contre 38 %), résidant dans des villes moyennes de province, les acheteurs exclusifs étant nettement plus nombreux dans les grandes villes et en région parisienne.

    0 Conclusion méthodologique fondamentale

    Il convient, à ce stade, d'attirer l'attention sur les conséquences de cette confirmation, qui n'a en soi rien de particulièrement étonnant, de la forte détermination sociale des pratiques culturelles d'accès et de consommation de livres.

    On commettrait en effet une erreur méthodologique grave en confondant, dans ce qui précède (25) ou dans ce qui va suivre, corrélation et causalité. Deux facteurs peuvent être liés sans dépendre l'un de l'autre : il suffit en effet pour cela qu'ils soient tous les deux conséquences d'un troi sième facteur, plus « global », qui les génère.

    Un exemple illustrera mieux ce point de logique. Les acheteurs ayant été interrogés sur leur lieu d'achat de livres privilégié, on voit ici clairement s'opposer ceux d'entre eux ayant une pratique d'emprunt, qui fréquentent à 43 % les librairies dites « de premier niveau - et ne recourent que pour 30 % à la vente par clubs ou par correspondance, aux acheteurs non emprunteurs, chez lesquels les proportions sont pratiquement inversées. Si peu contesteront qu'il serait excessif de classer ces éléments selon un rapport de causalité (« le fait d'emprunter des livres pousse à fréquenter les librairies plutôt que d'acheter par correspondance »), le risque existe que, dans des cas moins évidents, on ne fasse dériver de rapprochements comparables des causalités scientifiquement plus que douteuses (26) .

    Que font-ils ?

    Ayant ainsi tracé les contours des trois populations concernées par l'achat et l'emprunt de livres, on peut s'intéresser à leurs pratiques respectives, en mettant en évidence les éléments qui sont de nature à agir sur le niveau ou la nature des achats et des emprunts.

    L'emprunt

    * On notera tout d'abord que l'emprunt n'est pas une pratique figée : près de 60 % des acheteurs non emprunteurs ont déjà emprunté en bibliothèque, dont la moitié de façon récente ou assez récente.

    * En ce qui concerne le niveau d'emprunt, on doit faire une première distinction en fonction de la nature de la bibliothèque fréquentée. Les plus gros emprunteurs sont ceux qui privilégient une bibliothèque municipale, ou plus encore, un bibliobus (qui se situent nettement au dessus du nombre moyen d'emprunts), par opposition à ceux qui privilégient une bibliothèque universitaire ou une bibliothèque scolaire (27) .

    * On trouve une explication partielle de ce phénomène dans l'influence de l'emprunt pour autrui, pratiqué de façon régulière par 30 % des emprunteurs, qui constitue l'élément influençant le plus directement le niveau d'emprunt. C'est ainsi qu'il multiplie en moyenne par 2,5 le nombre total des emprunts, ce facteur passant à 10 dans le cas particulier des personnes empruntant des ouvrages de bandes dessinées pour leurs enfants.

    * Si l'on cherche à distinguer les comportements d'emprunt selon l'attitude adoptée par rapport à l'achat, il est frappant de constater que les emprunteurs exclusifs sont de sensiblement plus gros emprunteurs que les emprunteurs acheteurs (l'écart est supérieur à 20 %), et ce dans une proportion qui dépasse le seul déficit quantitatif découlant pour eux de l'absence d'autres sources d'obtention de livres que l'emprunt (28) . Le phénomène est très net aux marges, la répartition par niveaux d'emprunt faisant apparaître que les gros ou très gros emprunteurs représentent 63 % des emprunteurs exclusifs contre 49 % des emprunteurs acheteurs, et que symétriquement les faibles emprunteurs représentent 22 % de ces derniers mais seulement 13 % des emprunteurs exclusifs. C'est qu'en effet ces derniers - dont on rappelle qu'ils ne représentent que 8 % de la population - sont avant tout de gros lecteurs, lisant en moyenne 52 livres par an contre 38 pour les acheteurs-emprunteurs et 15 seulement pour les acheteurs exclusifs.

    * L'analyse des genres les plus empruntés révèle une typologie socialement marquée des lectures des emprunteurs selon qu'ils pratiquent ou non l'achat :

    • les emprunteurs exclusifs sont de plus gros consommateurs de tous les genres romanesques, la différence avec les acheteurs-emprunteurs se faisant particulièrement sentir pour le roman sentimental, le roman policier et d'espionnage et le roman historique ;
    • de l'autre côté, comme on l'a vu, les acheteurs-emprunteurs ont un comportement * cultivé " surdéterminé, avec un emprunt plus fort que celui des emprunteurs exclusifs dans le secteur des sciences humaines, et plus généralement des livres à usage professionnel. Ils sont également plus nombreux à emprunter les livres pour la jeunesse.

    L'achat

    Le même type de distinction peut être tracé, au sein de la population des acheteurs, entre acheteurs exclusifs et acheteursemprunteurs. On observe, sans véritable surprise compte tenu des caractéristiques sociales de deux populations concernées, que les acheteurs qui fréquentent les bibliothèques achètent plus que ceux qui ne les fréquentent pas. Ce résultat est vrai aussi bien en moyenne du nombre de livres achetés (supérieur de 20 % chez les acheteurs-emprunteurs) que dans la répartition en fonction du volume d'achats : les gros acheteurs représentent 18 % des acheteurs-emprunteurs, mais seulement 13 % des acheteurs exclusifs.

    Toutefois, l'amplitude de l'écart surprend par sa faiblesse relative. On aurait en effet pu imaginer un écart plus important, dans la mesure où la population des acheteurs-emprunteurs regroupe, par rapport aux acheteurs exclusifs, beaucoup plus de catégories traditionnellement acheteuses (par exemple, 50 % de cadres en plus), et beaucoup moins de catégories faiblement acheteuses (deux fois moins d'ouvriers notamment).

    L'analyse des écarts en valeur est également significative : ceux des acheteurs fréquentant les bibliothèques dépensent en moyenne pour acheter des livres une somme de 13,4 % supérieure à celle dépensée par les autres acheteurs, mais cette moyenne amalgame deux situations très différentes : la somme consacrée à l'achat de livres de poche est en effet supérieure de 49% chez les acheteurs emprunteurs, tandis que l'écart est plus limité (de l'ordre de 10 %) pour les autres livres. Ce dernier élément ne doit pas surprendre, non seulement parce qu'il confirme le caractère « cultivé de la pratique d'achat de livres de poche déjà mis en évidence par d'autres études, mais aussi parce qu'il peut éclairer l'un des comportements mis en évidence lors de la phase d'enquête qualitative : le livre de poche, parce qu'il minimise le risque que représente l'achat, est particulièrement prisé des utilisateurs de bibliothèques qui apprécient précisément dans l'emprunt, comme on l'a vu, la liberté que procure l'absence de risque financier.

    Le clivage « cultivé » / « populaire » qui organise, en première analyse, la répartition entre catégories d'acheteurs se retrouve dans l'ensemble des paramètres liés à l'achat, qu'il s'agisse du lieu privilégié, exposé plus haut, ou des types d'ouvrages acquis. C'est ainsi que les critères classiques (plus forte présence des encyclopédies ainsi que des genres « non légitimes », plus faible éclectisme) jouent fortement entre acheteurs exclusifs et acheteurs emprunteurs (29) .

    Affiner les profils

    À en rester là, on aurait effectivement contribué à mieux connaître les pratiques d'achat et d'emprunt des populations fréquentant bibliothèques et/ou lieux de vente du livre, mais on n'aurait pas exploité toutes les potentialités offertes par les tris croisés que permet l'enquête menée par la SOFRES. Il convient en effet d'affiner les profils résultant de la seule prise en compte binaire de l'existence de pratiques d'emprunt et d'achat, en s'efforçant de classer les emprunteurs en fonction du niveau de leurs pratiques croisées d'achat et d'emprunt. Ainsi pourra-t-on se rapprocher des typologies esquissées lors de la phase d'enquête qualitative, ou au contraire voir émerger des catégories non mises en évidence alors, et néanmoins statistiquement représentatives.

    La prise en compte des quatre niveaux d'achat et des quatre niveaux d'emprunt distingués pour l'analyse des résultats conduit à une typologie en 16 catégories qui se révèle trop éclatée pour être véritablement exploitable. Une analyse attentive des structures socio-démographiques de ces catégories croisées, constituées, on le rappelle, uniquement à partir des niveaux d'achat et d'emprunt, fait apparaître des traits socio-démographiques communs suffisamment forts entre certaines sous-populations pour esquisser une typologie plus resserrée de l'achat et de l'emprunt.

    Le constat essentiel que l'on peut tirer de l'élaboration de cette typologie est que l'achat se révèle nettement plus structurant que l'emprunt en termes socio-démographiques. Les trois grands types de comportement identifiés se définissent en effet d'abord par rapport au niveau d'achat, le niveau d'emprunt tendant plutôt à faire apparaître des nuances au sein de cette typologie.

    Rappelons à toutes fins utiles qu'une typologie de ce genre fait ressortir des dominantes, que l'on cherche à rendre aussi nettes que possible, mais qui n'excluent pas néanmoins les autres modalités des variables prises en compte (30) .

    Sous cette réserve, on distinguera donc, en une première analyse qui mériterait d'être testée de manière approfondie, trois grands types de comportement, dont les caractéris tiques et le poids sont donnés par le tableau ci-contre (31) .

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    Typologie croisée de l'achat et de l'emprunt

    On voit ainsi se dessiner une partition de la population des emprunteurs, dont il est indispensable de garder présente à l'esprit la diversité lorsqu'on cherchera à mesurer l'effet de l'évolution de telle ou telle modalité de l'offre de livres. Il conviendra en effet de prendre en compte, si l'on réfléchit par exemple à un dispositif de droit de prêt, non seulement les éléments concrets que sont le volume et la capacité financière de chacune des sous-catégories ainsi identifiées, mais aussi les effets induits par cette modification majeure des conditions d'accès au livre en bibliothèque. On n'oubliera alors pas, si l'on veut éviter que la mesure n'entraîne plus d'effets pervers qu'elle ne résoudrait de difficultés, que le comportement du consommateur est loin d'être toujours rationnel, et que certains éléments de sa décision relèvent plus, comme on l'a constaté, des représentations que des réalités.

    C'est pourquoi il est proposé de consacrer la troisième partie de cette étude à l'examen de situations particulières d'arbitrage entre achat et emprunt, qui seraient autant de « réactions élémentaires " que l'on chercherait à isoler comme pourrait le faire le chimiste dans son laboratoire - sans pouvoir toutefois nous placer, à la différence de ce dernier, dans des « conditions parfaites de température et de pression ».

    III L'articulation achat-emprunt

    La phase d'entretiens avec les emprunteurs a montré que ces derniers n'avaient pas spontanément conscience des modalités selon lesquelles s'organisent chez eux l'arbitrage entre achat et emprunt.

    Dès lors, dans le cadre d'enquêtes par voie postale comme celles de la SOFRES, l'appréhension de ces modes d'articulation ou d'arbitrage ne pouvait se faire que de façon légèrement détournée ou encore par une interrogation sur des situations particulières précises. On a donc organisé ce questionnement autour de deux thèmes :

    • tout d'abord en cherchant à quantifier les achats engendrés par l'emprunt ;
    • puis en analysant sur deux cas précis les modes d'arbitrage entre achat et emprunt

    1. Quelques exemples en situation

    Les achats engendrés par l'emprunt

    Faute de pouvoir mesurer finement, à la limite titre par titre, l'impact de l'emprunt sur l'achat, on a cherché à en connaître les grandes lignes au moyen de deux questions posées aux emprunteurs :

    • parmi les derniers livres que vous avez achetés, y en a-t-il que vous aviez consultés ou empruntés en bibliothèque auparavant?'
    • et lorsque vous empruntez un livre et qu'il vous plaît vraiment, que faites-vous le plus souvent ? '

    Des réponses apportées on déduira une première mesure de l'influence des emprunts sur les achats, dont il conviendra toutefois de relativiser ce qu'elle peut avoir de limité en gardant à l'esprit que, comme l'ont souligné les conclusions de l'enquête qualitative, le lien de cause à effet entre découverte par l'emprunt et achat est rarement mécanique, mais se joue globalement ' (32)

    * La réponse à la première question, qui mesure le rôle de l'emprunt comme présélection de l'achat, est positive pour 15 % des emprunteurs, mais avec des différences très marquées par catégories. Particulièrement fort chez les étudiants (35 %) et les lycéens (21 %), le phénomène reste marginal dans le reste de la population, ne concernant plus qu'un emprunteur sur dix. Néanmoins, les catégories qui achètent le plus, comme celles qui empruntent le plus, y sont les plus sensibles : 17,5 % des gros emprunteurs et l6,5 % des gros acheteurs ont en effet donné au moins une fois à l'emprunt en bibliothèque un rôle de présélection de l'achat.

    * Face au livre qui a particulièrement plu, les réactions les plus fréquentes seraient de le conseiller à un parent ou un ami (réaction commune à 73 % des personnes interrogées - et qui peut d'ailleurs, sans qu'on sache le mesurer, induire des achats) et d'emprunter un ouvrage du même auteur (70 %). Les réactions d'achat n'interviennent qu'à la quatrième place (après l'emprunt d'un autre livre du même genre, réaction suivie par 37 % des personnes interrogées), citées de façon nettement moins massive puisque

    • *21 % des emprunteurs déclarent acheter le livre pour eux-mêmes ;
    • *13 % acheter un autre livre du même auteur ;
    • *9 % acheter le livre qui a plu pour l'offrir ;
    • *3 % acheter un autre livre du même genre.

    Ces chiffres confirment que l'existence d'achats induits par l'emprunt d'ouvrages « marquants » n'est certes pas négligeable, mais demeure limitée si on la compare aux comportements d'emprunt induits : si 20 % des emprunteurs déclarent racheter les livres qui leur ont vraiment plu, plus des deux tiers songent d'abord à l'emprunt.

    L'arbitrage entre achat et emprunt

    * Première situation d'arbitrage analysée : l'envie de lire un livre donné dont on a entendu parler (par des amis, des critiques...) (33) : là encore, le premier réflexe se situe très nettement du côté des bibliothèques, tant chez les emprunteurs exclusifs que chez les emprunteurs acheteurs.

    Il est d'ailleurs intéressant de noter que les chiffres sont, pour l'ensemble de l'échantillon, assez proches de ceux de la question sur le livre qui a vraiment plu : 70 % pour la bibliothèque et 20 % pour l'achat - les 10 % restant préférant chercher à l'emprunter à des proches. Cette similarité masque en fait une accentuation des tendances selon que l'emprunteur est ou non acheteur, ce que confirme le fait que les préférences exprimées pour l'achat ou l'emprunt s'accroissent de façon marquée avec l'intensité de la pratique correspondante : un très fort emprunteur aura ainsi une préférence sensiblement plus marquée pour l'emprunt qu'un emprunteur faible ou moyen.

    * Une question similaire s'intéressait non plus à la lecture-loisirs, mais à la lecture de consultation (le besoin par opposition à l'envie) (34) . Les réponses révèlent une relative différenciation des stratégies d'approvisionnement, à la fois selon le caractère plus ou moins ponctuel du besoin, et le type d'usage - personnel ou professionnel - de la consultation.

    • *Ainsi la préférence accordée à la bibliothèque ne se retrouve de façon nette que pour deux types de lecture de consultation :
      • celle des ouvrages professionnels dont on a un besoin ponctuel, qui se caractérise également par un important recours à la photocopie (dont on imagine qu'une partie non négligeable est effectuée en bibliothèque)
      • et les lectures personnelles de consultation (35) .
    • * Concernant les livres professionnels « de base », dont le besoin est permanent, l'achat l'emporte de près de 10 points sur l'emprunt en bibliothèque : toutefois, ce résultat doit probablement être partiellement corrigé du chiffre non négligeable de la photocopie (14%).
    • *En revanche, la préférence accordée à l'achat s'exprime massivement dans le cas de la lecture personnelle de la presse (70 %). Notons encore que le recours à la photocopie n'est significatif que pour les ouvrages professionnels ou pour les études, et en particulier ceux dont on a un besoin ponctuel, pour lesquels elle recueille plus du quart des préférences.

    Comme dans les questions précédentes, l'existence ou non de pratiques d'achat chez les emprunteurs influe sur l'échelle des préférences, mais de façon plus ou moins marquée selon le type de document : ainsi, les emprunteurs acheteurs citent nettement plus volontiers l'achat dans le cas des lectures personnelles (30 % contre 16 %), mais guère plus que les emprunteurs exclusifs s'agissant des « livres professionnels de base » (46 % contre 40 %) ou des livres professionnels dont ils ont un besoin ponctuel (13 % contre 11 %). En tout état de cause, la hiérarchie différenciée des modes d'approvisionnement en fonction de la nature des usages ou des besoins n'est pas modifiée par l'existence de pratiques d'achat.

    On sera davantage étonné par le fait que les emprunteurs exclusifs, pour ce qui est des livres professionnels, ne favorisent pas particulièrement l'emprunt par rapport aux acheteurs, ce qui tend à confirmer la relative indifférenciation des comportements s'agissant des consultations professionnelles.

    * En revanche, la différenciation des pratiques en fonction de la nature des ouvrages s'exprime pleinement dans le fait que près de 40 % des emprunteurs déclarent ne jamais acheter certains types d'ouvrages qu'ils empruntent fréquemment. Le phénomène touche de façon équivalente à peu près tous les types d'emprunteurs, y compris les acheteurs : il tend même à augmenter avec le niveau d'achat (34 % chez les petits acheteurs, 44 % chez les gros) et concerne autant les moyens emprunteurs que les gros ou très gros. Le rapprochement des genres jamais achetés par ces 40 % d'emprunteurs avec ceux qu'ils déclarent souvent emprunter montre que le phénomène porte à la fois sur des genres « non légitimes » (roman sentimental, policier, mais peu sur la science-fiction et les BD) et des genres dont le prix moyen est plus élevé (art/beaux livres, livres professionnels). Pour cette population, l'arbitrage en faveur de l'emprunt s'effectue donc selon deux critères : l'un d'ordre culturel (la légitimité des lectures), l'autre de nature économique.

    Deux types d'ouvrages sont particulièrement concernés par ce phénomène d'emprunt exclusif : le roman sentimental, jamais acheté par 78 % des personnes de cette population qui déclarent en emprunter souvent, et la catégorie beaux li-vres/livres d'art (66 %).

    A l'opposé, trois catégories seulement semblent y échapper : les livres d'actualité (13 %), le roman historique (12 %) et surtout les livres pour la jeunesse (8 %), qui confirment une fois de plus leur statut particulier au regard de l'emprunt.

    2. L'évolution

    * La perception de ces modalités d'arbitrage ne prend son sens que si elle peut être complétée par des éléments d'ordre rétrospectif, visant à mesurer la dynamique des interactions entre achat et emprunt. En l'absence de cohortes dont on pourrait suivre précisément l'évolution des pratiques, cette dynamique a été mesurée à partir d'évaluations faites par les panélistes sur le sens des évolutions qu'ils avaient constatées durant les deux ou trois dernières années en ce qui concernait leurs tendances à l'achat et à l'emprunt (36) .

    Ce mode de recueil d'informations introduit certes un biais, dans la mesure où, s'agissant d'une pratique aussi socialement valorisée que la lecture, la tentation existe souvent d'en minimiser le déclin. La netteté des résultats obtenus permet de ne pas tenir compte de ce biais, qui ne saurait modifier profondément une tendance qui apparaît indiscutable : plus du tiers des emprunteurs déclare emprunter de plus en plus, tandis que près de la moitié des acheteurs déclare acheter de moins en moins. Présentés en termes de soldes, les résultats sont évidemment tout aussi nets : le solde des pratiques d'emprunt (entre ceux qui déclarent emprunter de plus en plus et ceux qui déclarent emprunter de moins en moins) est positif de plus de 20 points, alors qu'il est négatif de 33 points pour l'achat.

    Toutefois, la simple juxtaposition de ces chiffres ne permet de conclure que le fait d'emprunter incite à moins acheter : encore faut-il que cette affirmation soit corroborée par une évolution fortement divergente entre les pratiques d'achat des acheteurs-emprunteurs et celles des acheteurs exclusifs. Or, on est au contraire frappé par la proximité des tendances déclarées par les deux catégories d'acheteurs, que signale le tableau suivant.

    Vignette de l'image.Illustration
    Pratique d'achat des acheteurs exclusifs et acheteurs emprunteurs

    a À partir du moment où il semble difficile de conclure que la tendance à moins acheter résulte de l'existence de pratiques d'emprunt, il convient d'en rechercher ailleurs les facteurs explicatifs. De l'examen d'une dizaine de critères, il apparaît que les plus discriminants sont d'une part le type de bibliothèque fréquentée, et d'autre part l'âge. Ces deux critères sont étroitement corrélés dans la catégorie de emprunteurs en bibliothèque universitaire, seule population à déclarer un solde d'achat positif significatif.

    On cherchera donc essentiellement dans l'analyse du cycle de vie les principales évolutions de la tendance : les classes les plus jeunes, qui commencent à constituer leur bibliothèque personnelle, ont tendance à acheter de plus en plus. À l'opposé, les classes les plus âgées se caractérisent par un détachement croissant vis-à-vis de la possession de livres, et donc une forte tendance à la baisse des achats.

    On ne négligera pas non plus, sans que l'enquête permette de la mesurer, l'incidence des tendances économiques générales, et notamment la baisse de la consommation enregistrée entre 1990 et 1992, qui coïncide à peu près avec la période de référence de la question posée aux panélistes ('Depuis 2 ou 3 ans, diriez-vous... ? »).

    * Une dernière série de tris permet de mesurer l'évolution croisée des pratiques d'emprunt et d'achat. Si elle permet d'obtenir une image relativement précise de la dynamique de leur articulation, confirmant évidemment la tendance à la baisse des achats, elle ne permet pas de conclure à une dynamique monolithique, corrélée de manière univoque entre hausse de l'emprunt et baisse de l'achat : c'est ainsi par exemple que la propension à la baisse de l'achat est plus forte dans le public dont l'emprunt a diminué que dans celui qui a maintenu constant son volume d'emprunt. En l'absence de corrélation systématiquement négative entre les évolutions des deux pratiques, on ne peut donc conclure à l'existence de phénomènes de substituabilité entre elles. L'emprunt ne se nourrit donc pas d'une baisse de l'achat, mais il est encore plus net que réciproquement la thèse d'un renforcement de la pratique d'achat par la pratique d'emprunt apparaît comme singulièrement faible, ne se fondant que sur quelques comportements d'arbitrage qui ne paraissent pas avoir pu suffire, au cours des dernières années, à créer des évolutions statistiquement significatives.

    Conclusion

    La plupart des études menées dans le cadre de la vaste enquête conduite sur le thème des bibliothèques, acteurs de l'économie du livre » constituaient des premières. Selon son tempérament, on s'indignera que des questions aussi importantes n'aient pas été traitées plus tôt ou on se réjouira de cet accroissement sensible de la connaissance, en souhaitant qu'il puisse aussi vite que possible venir enrichir les programmes de formation des libraires et des bibliothécaires.

    On dispose aujourd'hui sans conteste d'un ensemble structuré, cohérent et, dans l'ensemble, homogène d'informations sur le comportement du public face aux modes d'accès au livre. L'Observatoire de l'économie du livre, en en rendant aujourd'hui publics les éléments, agit tout à fait dans l'esprit de sa mission, qui est avant tout d'améliorer la connaissance des chiffres, des circuits et des comportements relatifs à la production, à la distribution et à la diffusion du livre en France.

    Les conclusions qui se dégagent de cet intense travail de collecte, d'exploitation et de mise en valeur d'informations pourraient laisser à certains un sentiment d'insatisfaction. En effet, non pas par goût pour les profils bas, mais au nom de la vérité que l'on osera qualifier de scientifique, l'attention du lecteur a été souvent appelée sur les pièges résidant dans l'affirmation d'interprétations par trop monolithiques comme sur les ambiguïtés méthodologiques que recelaient des chiffres dont pouvaient être déduites, en toute bonne foi, des interprétations opposées.

    Sans doute ce premier ensemble de résultats pourra-t-il être complété sur tel ou tel aspect ; comme on l'a souligné, il devra également être reconduit, du moins en partie, afin de mieux saisir la dynamique des relations entre achat et emprunt - des projets en ce sens sont d'ailleurs à l'étude. Il n'en reste pas moins que ces résultats éclairent d'ores et déjà la réflexion de façon décisive.

    Sans reprendre les éléments déjà évoqués tout au long de ce rapport, on tirera ici de ce long voyage à travers les comportements de ces acteurs de l'économie du livre que sont bibliothécaires, libraires - et consommateurs quelques conclusions d'ordre transversal.

    * Tout d'abord pour souligner la prise de conscience, par les deux premiers de ces acteurs, de l'existence d'un partenariat autour du livre. Sans verser dans l'irénisme qui consisterait à nier la divergence de finalités entre l'action des libraires et celles des bibliothécaires, on se réjouira d'une prise de conscience qui ne peut que gagner à se nourrir d'une meilleure connaissance mutuelle des missions et des contraintes inhérentes aux deux professions.

    * Dans un débat qui se pose souvent en termes de concurrence ou de complémentarité, on relèvera, particulièrement dans le cas des bibliothèques municipales, l'importance que revêt chez les bibliothécaires la logique de prescription, qui tend à accorder dans les acquisitions une place plus forte à des genres ou des ouvrages dits « difficiles que celle qui découlerait de la prise en compte pure et simple de la demande des lecteurs.

    * Les différents éléments recueillis mettent également en relief la diversité des situations et des usages qui caractérisent les pratiques d'emprunt comme celles de l'achat : outre le type de besoin de lecture que ces pratiques visent à satisfaire (personnelle/scolaire ou professionnelle, linéaire/de consultation), des éléments relevant de la situation personnelle ou professionnelle du lecteur, et échappant aux catégories socio-démographiques classiques, sont loin d'être neutres : capital culturel transmis, aléas de la vie personnelle ou professionnelle, mais aussi du rapport personnalisé au lieu privilégié pour l'achat ou l'emprunt. Dès lors, il est clair que l'analyse des rapports entre achat et emprunt ne saurait faire l'économie de la prise en compte de cette diversité.

    * Concernant le rapport au lieu d'achat ou d'emprunt, il paraît important de souligner qu'en première analyse, la fréquentation de l'un ne semble guère modifier la percep tion qu'on a de l'autre.

    * Enfin, s'agissant du coeur même de la matière, on insistera sur la détermination sociale qui reste encore extrême ment forte en matière de pratiques d'accès au livre, même si .faction menée en matière de développement de la lecture publique agit, souvent avec succès, pour en atténuer les effets (37) . De ce fait, comme l'ont montré la majorité des analyses rappelées ici, l'acheteur comme l'emprunteur est souvent rattachable à des catégories plus fortement structurées que celles découlant de ses seules pratiques d'achat ou d'emprunt, ce qui rend illusoire le recours à quelques grandes causalités explicatives.

    On ne saurait, pour autant, considérer que l'absence de conclusion en noir et blanc légitime le statu quo. Des questions importantes restent en effet en suspens, même si l'une des plus cruciales d'entre elles, le développement de la photocopie abusive, vient de recevoir une réponse législative.

    La mise en oeuvre de droits de prêt - dont il reviendrait en tout état de cause de déterminer qui, de la collectivité ou de l'utilisateur, doit les acquitter - peut constituer une réponse, pas nécessairement la seule, à la question de la juste rémunération des auteurs pour l'ensemble de l'exploitation de leur création. Il s'agit là d'un débat d'ordre politique, que l'étude résumée ici ne tranchera pas, parce qu'elle ne peut pas le trancher. L'analyse économique qui a été menée avait en effet pour fonction d'éclairer le débat, en étudiant les comportements et en cernant le profil des populations concernées afin que la décision, quelle qu'elle soit, ne soit pas aveugle.

    On peut en tout cas souhaiter que désormais, comme l'écrivait, sur un tout autre sujet Jean Gattégno lors de la publication du premier numéro des Cahiers de l'économie du livre, le débat cesse de buter sur " de stériles batailles de chiffres avancés par les uns, récusés par les autres, toujours incertains ». C'est en tout cas l'ambition que se donnaient les études dont la synthèse a été proposée ici. Il serait dommage d'en rester là.

    1. Sources : DLL et DISTB/ESGBU (données estimées pour les chiffres relatifs aux BDP pour 1991). retour au texte

    2. Pour les 885 BM (sur 930 recensées) ayant répondu à la question sur le nombre de livres prêtés en 1980 et les 1 843 (sur 1 885) ayant répondu en 1991 (source: statistiques DLL). retour au texte

    3. Hausse si l'on conteste, comme le Syndicat national de l'édition, qui fournit ces données, la fiabilité de l'indice INSEE du prix du livre et que l'on déHate par l'indice général des prix : baisse si l'on utilise, comme l'a fait l'ensemble de Hnterprofession durant la période considérée, cet indice du prix du livre. retour au texte

    4. On rapprochait ainsi parfois la hausse du nombre de prêts à domicile, passés entre 1987 et 1991 de 90,3 à 105 millions de volumes, et la baisse du nombre d'exemplaires vendus, tombé entre les mêmes années de 336 à 299,5 millions. retour au texte

    5. Ce débat eut souvent lieu au sein même du comité de pilotage de l'étude : aux arguments de Jérôme Lindon, qui avançait que le développement des prêts contribue à accentuer la spirate - baisse des tirages/renchérissement du prix/baisse des achats -, dont l'aboutissement peut être le renoncement à la publication ou à la réimpression de certains ouvrages - difficiles -, les bibliothécaires répondaient en mettant en avant le rôle de débouché à la vente que jouent précisément les bibliothèques pour ce type d'ouvrages. retour au texte

    6. Sur la position française ayant justifié la non-transposition de la Directive à l'échéance du f juillet 1994, on se reportera à la réponse du ministre de la Culture et de la Francophonie à la question du sénateur Ballaro (J.O. Sénat, 1er septembre 1994) : le droit de prêt existe déjà dans la législation française, sous la forme du droit dit - de destination ., [...] même si ce droit n'est pas toujours revendiqué par les créateurs ou leurs ayants droit. Notre régime juridique est donc déjà à la hauteur des exigences communautaires et il n'y a pas lieu de prévoir une transposition .. retour au texte

    7. Alors qu'en toute logique, les deux questions - qui sont a pnon indépendantes l'une de l'autre - ont vocation à être traitées de manière différenciée. retour au texte

    8. Outre les commanditaires de l'étude, le comité était composé de représentants du Conseil supérieur des bibliothèques (CSB), de l'Association des bibliothécaires français (ABF), de la Fédération française des syndicats de libraires (FFSL), de l'Union des libraires de France (ULF), ainsi que du Département des études et de la prospective (DEP) et de la Sous-Direction des affaires juridiques (SDAJ) du ministère de la Culture et de la Francophonie. retour au texte

    9. Au sens des relations qui régissent l'organisation des différentes parties d'un système. retour au texte

    10. Tout au long de ce document, les termes 'prêt - et - emprunt - désignent les pratiques de prêt à domicile ; la consultation en bibliothèque étant expressément exclue du champ de la Directive, elle n'a été abordée qu'à la marge de ce dispositif d'étude. retour au texte

    11. BM : Arles, Conflans-Sainte-Honorine, Douai, Falaise, Issoudun, Villeurbanne ; BU : Avignon (lettres / droit / sciences), Paris-VIII-Saint-Denis (sciences humaines), Paris-XI-Orsay (sciences). Non représentatif au sens statistique, l'échantillon a toutefois été conçu de façon à offrir un panorama diversifié des différents types de BM et de BU : taille du fonds, de la catégorie d'agglomération, disciplines représentées pour les BU, etc. L'échantillon BM représente un peu plus d'1 M d'opérations de prêts, soit un peu moins d'1 % du total des prêts des BM ;l'échantillon BU, 226000 prêts, soit 3,3 % du total des prêts des BU. retour au texte

    12. Mais qui ne portent que sur la population âgée de 15 ans et plus, ce qui peut être considéré comme regrettable quand on connaît le poids des emprunts réalisés dans les sections - jeunesse 'des bibliothèques municipales. retour au texte

    13. Ces rapports feront l'objet d'une publication ultérieure. retour au texte

    14. Malgré le caractère commercial, voire trivial pour certains, du terme, nous proposons de le retenir pour définir la population concernée, évitant ainsi le recours aux périphrases et aux conjonctions logiquement douteuses du type - et/ou -. En outre, c'est bien de consommation qu'il s'agit ici ! retour au texte

    15. Établis par l'exemple, dans la mesure où l'échantillon retenu n'est pas statistiquement représentatif. retour au texte

    16. 46 % des prêts effectués en BM sont destinés aux enfants (source : Bibliothèques municipales : données 1991, DLL, 1994 ; ce chiffre concerne 1 516 BM sur les 1 703 ayant indiqué leurs prêts). retour au texte

    17. La concentration est moins marquée en BM, où cinq éditeurs réalisent 25 % des prêts, vingt 53 % et cinquante près de 75 %. retour au texte

    18. On touche là une des difficultés d'exploitation de l'information relative aux dates de parution, rappelées dans le rapport sur les BM. retour au texte

    19. Le rapport BM souligne les très sérieuses difficultés méthodologiques liées à la prise en compte des auteurs. retour au texte

    20. Ainsi, dans l'enquête SOFRES, il est probable qu'une partie des panélistes ait répondu sur l'ensemble de ses emprunts en bibliothèque et non, comme le demandait le questionnaire, sur ses emprunts effectués dans la bibliothèque où ils empruntent le plus. En outre, les données de la SOFRES proviennent d'évaluations rétrospectives, par le panéliste, du nombre d'ouvrages empruntés, ce qui introduit sans nul doute un risque de surévaluation. retour au texte

    21. Ce qui reste néanmoins une performance par rapport aux délais moyens applicables aux autres ouvrages, délais qui se comptent plutôt en mois. retour au texte

    22. Compte tenu de son poids dans les acquisitions et les emprunts. retour au texte

    23. Dans la mesure où elle ne se trouve corrélée à aucun facteur la fondant objectivement, telle l'intensité de la lecture ou l'intensité de l'achat. Ceci ne signifie évidemment pas qu'elle n'a pas à être prise en compte, les représentations constituant la base même des réactions du consommateur. retour au texte

    24. Par acheteurs - et . emprunteurs -, on entendra ici les personnes ayant personnellement acheté ou emprunté, pour eux-mêmes ou pour des tiers, au moins un livre en 1993. On rappelle par ailleurs que les données de la SOFRES utilisées dans cette partie ne portent que sur la population âgée de 15 ans et plus. retour au texte

    25. On peut par exemple calculer, à partir de la répartition de la population indiquée en ouverture de ce rapport, que 73 % des personnes qui fréquentent les bibliothèques achètent des livres contre seulement 24 % chez celles qui ne les fréquentent pas. Confondre corrélation et causalité consisterait à déduire de ces données que la fréquentation des bibliothèques incite à l'achat : c'est possible, mais ces données en elles-mêmes ne suffisent pas à l'établir. Par ailleurs, on peut, toujours à partir de ces données, calculer que 37 % des acheteurs de livres fréquentent les bibliothèques, contre seulement 20% des non-acheteurs. En déduira-t-on que l'achat de livres incite à fréquenter les bibliothèques ? retour au texte

    26. Une remarque sur cette remarque : il ne s'agit pas de considérer que, les pratiques étant socialement déterminées, toute analyse croisée est inutile ou fausse, mais simplement d'attirer l'attention du lecteur sur les précautions dont devrait être entourée l'utilisation - et plus encore la publication - de résultats que l'on veut explicatifs. retour au texte

    27. Les emprunteurs en bibliothèque scolaire empruntent ainsi en moyenne 3 fois moins que les emprunteurs des bibliobus. retour au texte

    28. Compte non tenu des pratiques d'emprunt privé (famille, amis). retour au texte

    29. Et plus encore entre acheteurs exclusifs et la catégorie, amalgamée dans la présente synthèse avec celle des acheteurs emprunteurs tant pour des raisons de simplicité d'exposition qu'en raison de son faible poids statistique, des acheteurs consultants. retour au texte

    30. Ainsi, dire que le type 1 de la typologie est structuré, notamment, par un faible niveau d'instruction, ne signifie évidemment pas qu'on n'y trouve pas de niveau - bac + 4 - ou . bac + 5 - mais qu'on les y trouve en proportion beaucoup plus faible que dans le reste de la population des emprunteurs. retour au texte

    31. Ces 3 grands types peuvent être affinés en 9 sous-populations, détaillées dans le rapport de la 3 phase. retour au texte

    32. En outre, on ne perdra pas de vue que ce type de questionnement fournit une mesure non pas des comportements objectifs, mais de la représentation que s'en font les personnes interrogées. retour au texte

    33. La question ne concerne pas les lectures professionnelles. retour au texte

    34. Question posée uniquement aux emprunteurs ayant auparavant déclaré avoir besoin de consulter des livres dans le cadre de leur activité, soit environ la moitié de l'échantillon. retour au texte

    35. On notera d'ailleurs que le score de l'achat pour les consultations personnelles est très proche de celui des livres . qu'on a envie de lire . (27,6 % contre 25,1 %). retour au texte

    36. On gardera donc à l'esprit tout au long de la partie qui suit que les données présentées portent sur des déclarations des panélistes et non sur des mesures objectives de leur comportement. retour au texte

    37. Ce qu'illustre notamment l'analyse de la structure socio-démographique de la population des emprunteurs exclusifs, laquelle pourrait être pour partie une population gagnée 'au livre (mais pas - pas encore ? - à l'achat) par la lecture publique. retour au texte