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Discours prononcés à la séance inaugurale

1958
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    Discours prononcés à la séance inaugurale


    Discours de M. Julien CAIN, Directeur Général des Bibliothèques de France.

    • Monsieur le Ministre, Monsieur le Directeur général
    • Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs

    N otre présence à la première séance plénière de cette Conférence Monsieur le Ministre, atteste l'intérêt que vous prenez, que vous ne cessez de prendre aux bibliothèques, aux bibliothèques de toutes caté-gories. Ce qu'elles représentent dans la vie culturelle de notre pays a été bien souvent souligné par vous. Les services qui en ont la charge savent qu'ils peuvent compter sur votre appui, et vous vous efforcerez inlassable-ment de leur procurer les moyens d'accomplir leur tâche. Vous venez de leur donner de nouvelles preuves de votre sollicitude en soutenant les demandes qu'ils ont introduites auprès des autorités les plus redoutables, qui sont les au-torités financières. Mais vous mesurez avec nous tout ce qui reste à accomplir et vous acceptez que certaines réalisations étrangères nous soient proposées en exemples.

    Il n'est pas de domaine, en effet, où puissent mieux, et plus utilement, s'établir des échanges d'idées et de méthodes que celui des bibliothèques. Il favo-rise une sorte d'internationalisme naturel, qui se développe spontanément mais auquel un groupement comme la Fédération internationale des Associations de bibliothécaires (la F.I.A.B.) permet de s'épanouir.

    Il y est aidé depuis quelques années par l'Unesco. Nous sommes heureux de saluer la présence parmi nous de son directeur général, mon ami M. Luther Evans. Il était le bibliothécaire - le bibliothécaire ! Quel beau titre, dans sa sim-plicité, quand il s'applique à la plus grande bibliothèque du monde ! - le biblio-thécaire de la Bibliothèque du Congrès de Washington, quand je le rencontrais pour- la première fois. C'était à Londres, en novembre 1945. Nous étions l'un et l'autre délégués à la Conférence préparatoire d'où l'Unesco devait sortir avec son statut, sinon avec son programme. Dans ce statut, nous avions insisté pour qu'une collaboration constante, précise, fut établie entre les services du nouveau secrétariat et les diverses organisations non-gouvernementales existantes, qui représentent la réalité concrète, puisqu'elles rassemblent des hommes attachés au même métier, poursuivant de libres recherches dans un secteur déterminé de la science. La Fédération internationale des associations de bibliothécaires est un de ces organismes non-gouvernementaux, et c'est pourquoi l'Unesco a, dès le pre-mier jour, collaboré avec elle. Nous avons pu apprécier il y a deux ans à Bruxel-les, lors du grand congrès qui assembla bibliothécaires et documentalistes, les heureux effets du concours que nous accorde l'Unesco.

    La Fédération internationale de Documentation, la F.I.D., a tenu ses réunions la semaine dernière à l'Institut des Sciences Politiques qui, comme cet Institut d'art et d'archéologie, appartient à l'Université de Paris. J'ai eu le plaisir de l'accueillir et de suivre ses travaux. Il vous en sera rendu compte au cours de votre session comme il a été rendu compte de votre activité au conseil de la F.I.D., car il est bon que les deux organisations internationales, tout en poursuivant parallèlement leurs travaux, chacun suivant sa méthode propre, les confrontent régulièrement. Je sais que c'est là votre souci, mon cher président, vous qui avez si longtemps fait partie du bureau de la F.I.D. et qui avez une expérience si précise des problèmes de documentation.

    Quand la décision a été prise à Munich par votre Conseil de tenir sa prochaine session à Paris, la Direction des Bibliothèques de France s'en est réjouie. Une collaboration, toujours aisée, s'est établie naturellement entre elle et l'Association des Bibliothécaires français à laquelle il appartenait plus particulièrement de vous accueillir. La Bibliothèque Nationale a eu l'honneur de recevoir hier la visite de ceux d'entre vous qui étaient déjà arrivés à Paris et de leur présenter, dans une exposition préparée à leur intention, quel-ques-unes de ses acquisitions les plus récentes. Je souhaite qu'il vous soit possible, au cours de ces journées, de visiter ses départements et aussi d'autres bibliothèques parisiennes, en particulier nos bibliothèques universitaires. Je souhaite surtout qu'en marge de nos réunions officielles, vous engagiez entre collègues des échanges de vues, toujours féconds, et des colloques que je vou-drais animés.

    Discours de M. Maurice PIQUARD, Président de l'Association des Bibliothécaires Français

    • Monsieur le Ministre,
    • Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
    • Mes chers collègues,

    Il y a vingt ans, l'Association des Bibliothécaires Français avait l'hon-neur et le plaisir d'accueillir à Paris la F.I.A.B., dont le Président était déjà le Directeur de la Bibliothèque Nationale Suisse, M Godet. En réalisant la liste de ceux qui prirent part à cette 10e Session, on a plaisir à retrouver les noms de nombreux délégués qui figurent aujourd'hui encore parmi nous. A ceux-là, comme à ceux qui, depuis sont venus grossir leurs rangs - témoignant par leur nombre de l'essor qu'a pris la F.I.A.B. - je suis heureux de souhaiter la plus cordiale bienvenue en mon nom et en celui de tous mes collègues de l'Association des Bibliothé-caires français.

    Je veux exprimer notre profonde reconnaissance à M. Bordeneuve, Secré-taire d'Etat aux Arts et aux Lettres, qui, malgré ses multiples occupations, a bien voulu, une fois de plus, témoigner, en venant parmi nous, de l'intérêt qu'il ne cesse de porter aux Bibliothèques.

    La présence à cette réunion de M. Luther Evans, Directeur Général de l'U.N.E.S.C.O., constitue elle aussi un témoignage dont nous connaissons tout le prix : qu'il veuille bien accepter l'assurance de notre profonde gratitude.

    Il a fallu, pour que cette réunion fût possible, que nous puissions ren-contrer auprès des uns et des autreis l'accueil le plus bienveillant : M. le Président du Conseil Municipal de Paris, M. le Président du Conseil Général de la Seine, M. Seydoux, Directeur des Affaires Culturelles au Ministère des Affaires Etrangères, M. Jaujard, membre de l'Institut, Directeur Général des Arts et des Lettres, M. Eyraud, Directeur des Beaux-Arts et de l'Archi-tecture de la Préfecture de la Seine. Qu'ils veuillent bien recevoir le témoignage de notre gratitude. Nos remerciements vont aussi à M. Charles Picard, membre de l'Institut, Directeur de l'Institut d'Art et d'Archéologie, ainsi qu'à M. Lavedan, à M. Chailley et à Mlle Damiron qui ont accepté de mettre à notre disposi-tion les différentes salles nécessaires à nos travaux. Grâce à leur bienveillance, nous pouvons nous réunir dans ce carrefour intellectuel qu'est depuis des siècles le Quartier Latin, dont la fièvre est ici tempérée par les calmes perspec-tives du Jardin du Luxembourg.

    Faut-il rappeler que notre Fédération, née d'un voeu émis par mon prédécesseur, M. Gabriel Henriot, lors du Congrès de Prague, atteint désormais sa trentième année ? Et ces trente années ont vu se produire dans ncis Biblio-thèques une évolution qu'il est inutile de souligner, tout autant que le rôle joué par la F.I.A.B. dans cette évolution. Attentive aux mouvements qui entraî-nent le monde et qui, d'année en année, lui font franchir des étapes toujours nouvelles, notre Fédération a pu apporter à l'étude des problèmes qui assaillent sans répit les Bibliothèques l'aide des expériences qu'elle groupe et cette infor-mation incomparable qui lui confère son caractère international. Préoccupée des questions les plus actuelles, elle ne néglige pas pour autant les tâches traditionnelles qui nous incombent et que nous ne saurions délaisser sans faillir à notre mission. C'est là une rude besogne qui réclame de tous à la fois souplesse d'esprit, activités divergentes et adaptation sans retard à l'essor brusque de sciences et de techniques nouvelles.

    Depuis cette époque nous avons, quant à nous, pu voir s'organiser une Direction des Bibliothèques dont l'activité, animée par M. Julien Cain, Membre de l'Institut, Directeur Général des Bibliothèques de France et par ses colla-borateurs, ne se dément pas un seul instant.

    En ce temps où l'humanisme subit les plus rudes assauts, notre souci majeur n'est-il pas d'utiliser les ressources techniques les plus récentes pour dominer ces publications dont la prolifération est sans limite, si l'on veut que les Bibliothèques jouent le rôle qu'on attend d'elles et si l'on veut aussi préser-ver notre activité de bibliographes qui constitue notre tâche et notre vocation véritables.

    Problèmes techniques, problèmes de spécialisation de plus en plus néces-saire, problèmes aussi de formation professionnelle et de recrutement ouvrent à notre Fédération un champ d'explorations infiniment vaste.

    Mais le caractère impérieux des travaux qui nous réclament ne nous interdit pas pour autant quelque répit pendant ces journées de travail : nous avons voulu, en marge de notre tour d'horizon professionnel, vous faire connaître divers aspects de Paris et de la région qui l'entoure. Nos voeux seront comblés si vous pouvez emporter de notre pays un souvenir qui reflète aussi fidèlement que possible quelques uns des aspects de l'image française.

    Discours de M. Jacques BORDENEUVE, Secrétaire d'Etat aux Arts et Lettres

    • Monsieur le Président,
    • Monsieur le Directeur Général de l'U.N.E.S.C.O.,
    • Mesdames, Messieurs,

    J'ai été particulièrement heureux que M. Julien Cain, Directeur Général des Bibliothèques de France, l'un de vos vice-présidents et M. Maurice Piquard, Président de l'Association des Bibliothécaires français, m'aient demandé d'ouvrir cette première séance plénière de la 23e Session du Conseil de la Fédération Internationale des Associations de Bibliothécaires.

    C'est pour moi un très agréable devoir d'accueillir ici, au nom du Gouvernement Français, M. le Directeur Général de l'U.N.E.S.C.O., les délégués des Associations étrangères et des organisations internationales représentées dans cette Assemblée.

    Votre dernière réunion à Paris, votre 10e Session date de 1937, qui coïncide avec un large congrès dont je n'ignore pas, Monsieur le Président, que vous avez été l'un des organisateurs. Il se tînt à l'occasion de l'exposition univer-selle des Arts et Techniques dont une des originalités, une de ses nouveautés, fut de donner, suivant les mots de Paul Valéry, un visage à l'esprit même, « cette puissance originale de transformation qui ne se révèle habituellement que par l'ordre ou le désordre qu'il introduit dans le monde des choses sensi-bles » et de faire connaître aux yeux des visiteurs « l'invention elle-même auprès des choses inventées ».

    L'expression de la pensée, le livre et les bibliothèques elles-mêmes avaient une place importante dans cet ensemble où les sciences avaient été conviées.

    M. Julien Cain ne me contredira pas, lui qui sut alors avec certains de vos collègues de France et de l'étranger, porter aux yeux du grand public le témoignage de l'activité des grandes bibliothèques du monde et des bibliothèques françaises.

    Quand il s'agit des bibliothèques de notre pays, on ne peut pas ne pas évoquer tout ce qu'elles doivent au « passé ».

    Dans une sorte de Guide intitulé « Séjour à Paris », c'est-à-dire ins-tructions fidèles pour les voyageurs de conditions, qu'écrivit en 1718 un voyageur allemand, conseiller du prince Waldeck : Joachim-Christophe Nemeitz, j'ai noté ce petit tableau qu'il brossa des bibliothèques parisiennes « on entre sans difficulté dans les bibliothèques qui sont publiques certains jours de la semaine, comme celles du Collège des Quatre-Nations, de Saint-Victor et des Avocats et l'on y peut pleinement satisfaire sa curiosité. On y prend des livres, on les feuillette, on les lit, on y copie les passages que l'on désire conserver, on parcourt les catalogues et l'on se fait donner par ceux qui sont chargés de ce soin les livres qui vous plaisent. Lorsqu'on est connu, on peut même, moyennant un petit écrit par lequel on s'engage à les restituer, emporter chez soi quelques volumes ».

    Ce texte témoigne du caractère, j'oserai dire, public de nos bibliothèques dès le XVIIIe et même le XVIIe siècles, non seulement à Paris, mais en pro-vince : à Troyes, à Besançon, à Aix-en-Provence, à Carpentras par exemple, où le nombre des bibliothèques furent ouvertes libéralement aux savants, aux érudits, aux hommes de loi.

    Vous avez pu admirer hier quelques pièces remarquables de la Biblio-thèque Nationale choisies tout spécialement pour vous. Vous connaissez les richesses de cette bibliothèque qu'elle ne cesse d'accroître, comme celles de la Mazarine ou de l'Arsenal, mais vous n'ignorez pas celles de nos bibliothèques municipales. De nombreuses expositions ont révélé aux visiteurs français et étrangers quelques-uns des trésors qui font de nos bibliothèques, non seule-ment les maisons des livres et des sciences, mais aussi celles de l'art. Art du livre certes, mais aussi art de la peinture, puisque ses précurseurs doivent être recherchés parmi les enlumineurs dans nos somptueux manuscrits, art du dessin et de la gravure et je pense aux dessins de la Faculté de Médecine de Montpellier. Mais comment ne pas rappeler aussi certains de nos médail-lers de province, quand le Cabinet des médailles de la Bibliothèque Nationale, avec l'exposition « Effigies et Portraits », que vous visiterez sans aucun doute, nous fait découvrir à l'aide de la photographie, la richesse, la variété, le carac-tère moderne de cet art qui est le plus ancien de tous.

    Le Secrétaire d'Etat aux Arts et Lettres devait rappeler tout cela en vous disant tout son plaisir de vous voir réunis aujourd'hui en France, et je suis doublement heureux de vous souhaiter la bienvenue, puisqu'à côté des bibliothèques nationales, des bibliothèques universitaires se trouvent représen-tées des bibliothèques spécialisées, notamment celles des arts du spectacle qui ne peuvent être que chères au Ministre dont relèvent les plus illustres de nos théâtres.

    Mais je ne voudrais pas que vous puissiez croire que seules les raretés, les curioisités de nos bibliothèques retiennent notre attention.

    La Bibliothèque d'art et d'archéologie où vous êtes réunis aujourd'hui, est rattachée à l'Université de Paris. C'est pour moi l'occasion à dire ma volonté inébranlable de doter les bibliothèques universitaires des instruments de travail chaque jour plus nombreux, nécessaires à nos étudiants, à nos professeurs, à nos chercheurs. Mais déjà les résultats de mes efforts apparaissent : la Biblio-thèque de Caen, complètement anéantie pendant la dernière guerre, a été reconstruite ; la Bibliothèque Universitaire d'Aix-en-Provence a été installée dans un nouveau bâtiment ; la Faculté des Sciences de Marseille le sera prochainement ; le chantier de la Bibliothèque Universitaire de Grenoble est ouvert et je ne parle pas de nombreux travaux d'extension de construction pour-suivis, tant à Paris, à Sainte-Geneviève ou à la Faculté de Droit, qu'en province à Strasbourg, Clermont-Ferrand, par exemple, Toulouse, Bordeaux, suivent et je l'espère la Faculté des Sciences de Paris et la Bibliothèque de la Sorbonne elle-même.

    Des chantiers ont été ouverts pour les bibliothèques municipales avec la contribution financière de l'Etat : à Beauvais, à Douai, à Tours, villes sinistrées, des bibliothèques modernes, ont été ou seront prochainement inau-gurées. Beaucoup d'autres villes ont fait un effort de construction pour lequel il convient de rendre hommage aux municipalités, c'était il y a plusieurs années à Colmar, plus récemment Narbonne. Les bibliothèques municipales connaissent une vie nouvelle. La lecture publique, considérée, non sans raisons, comme retardataire dans notre pays, se développe chaque jour par des créations d'annexes, par des bibliothèques pour enfants, par des bibliobus urbains comme ceux de Grenoble ou de Tours. Et je ne parle pas des bibliothèques centrales de prêt qui, par leur bibliobus, ravitaillent les communes les plus petites et les plus isolées dans un nombre malheureusement insuffisant de départements, mais dans ce domaine notre effort ne se ralentira pas.

    Nous sommes tous d'accord pour penser que la bibliothèque publique n'est plus comme au XVIIIe siècle, la bibliothèque réservée aux érudits et aux savants, mais qu'elle doit être celle de tous les citoyens suivant le manifeste même de l'Unesco.

    Si vous avez le respect du passé et de la tradition, vos regards sont tournés vers l'avenir. La civilisation de demain ne peut prendre ses assises que sur un humanisme auquel nous sommes attachés et dont les bibliothèques sont pour ainsi dire le conservatoire. Comme toutes les institutions vivantes, les bibliothèques doivent tenir compte de l'évolution, de l'évolution économique et sociale comme du progrès scientifique et technique. Elles doivent s'adapter à un rôle sans cesse renouvelé : que ce soit sur le plan de l'éducation ou sur celui de la recherche. C'est précisémnt l'objet de vos réunions, dans une confrontation libre et sincère des méthodes et des techniques éprouvées comme les plus modernes, de rechercher comment le livre et les bibliothèques qui le conservent, peuvent le mieux servir le progrès humain.