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    Julien Cain

    Par Roger Pierrot

    De nombreux hommages ont déjà été rendus à la mémoire de Julien Cain, décédé à Paris, le 9 octobre 1974, dans sa quatre-vingt-huitième année. Ayant eu l'honneur et la chance de travailler sous sa direction pendant de longues années, je voudrais simplement évoquer brièvement ce que les bibliothèques et notre profession lui doivent.

    Nommé en 1930, à 43 ans, Administrateur général de la Bibliothèque nationale, il trouve un établissement, prestigieux par ses collections, mais vétuste dans ses locaux et son organisation. Organisateur né, - il en était fier - mais aussi bâtisseur, il rénove la vieille maison, creusant les sous-sols pour aménager la salle des catalogues des Imprimés et de nouveaux magasins, restructurant les bâtiments anciens (Estampes, Géographie), surélevant le magasin central, faisant construire les annexes de Versailles et du 2, rue Louvois, etc... Tout cela en trente ans avec l'interruption de la guerre et de la déportation.

    A son retour de Buchenwald en 1945, il devient Directeur des bibliothèques, et de 1946 à 1964, plus de cent chantiers de bibliothèques universitaires ou municipales vont s'ouvrir à travers la France. En 1950, il fait créer le Diplôme supérieur de bibliothécaire, formation plus approfondie confiée à la Direction des bibliothèques ; en mai 1952, c'est le statut du personnel scientifique des bibliothèques, assurant la spécificité de la profession et des normes précises de recrutement. En juillet 1963, un décret paraît, instituant l'Ecole nationale supérieure de bibliothécaires. Dès avant la guerre, il s'était intéressé aux premiers bibliobus ; à la D.B.L.P., il donna une vive impulsion à la création des centrales de prêt dans les départements.

    Organisateur sur le plan français, il voyage beaucoup à l'étranger nouant des liens d'amitié avec les grandes bibliothèques du monde entier. De 1953 à 1959, il est vice-président de la Fédération internationale des Associations de bibliothécaires. A l'Unesco, président de la Commission nationale française, président de la Commission internationale de bibliographie, il sert aussi la cause des bibliothèques. En 1972, président de la Commission française pour l'Année internationale du livre, il avait souffert du manque de moyens financiers mis à sa disposition.

    Si le premier abord pouvait être intimidant, on était séduit par la lumineuse intelligence, l'esprit de synthèse, la faculté d'écouter, assortie d'un art - parfois redoutable pour l'interrogé - de poser des questions. Jusqu'à ses derniers jours, il a voulu savoir, être au courant de ce qui se passait dans les bibliothèques : à la Nationale, en France, à l'étranger. Comment ne pas évoquer ces après-midi de Louveciennes où il allait de l'un à l'autre, parlant, écoutant, interrogeant, mettant en contact artistes, écrivains, professeurs, bibliothécaires, fonctionnaires internationaux... On en sortait ébloui, enrichi... Cela ne sera plus, mais on gardera en mémoire le souvenir de cet homme exceptionnel qui restera un modèle pour la profession.