Tarifs d'inscription distincts selon la résidence des usagers

Attention, cette réponse est ancienne. Son contenu peut être en tout ou partie obsolète.

Question

J'ai entendu dire qu'il était illégal de faire payer différemment selon le lieux de provenance les usagers des bibliothèques. Sur quel texte s'appuie cette personne pour développer cet argument.
Merci.

Réponse

Date de la réponse :  12/10/2011

Vous cherchez la référence d'un texte qui interdirait aux bibliothèques d'exiger des tarifs d'inscription distincts selon la résidence de leurs usagers. Cette question n'est pas propre aux bibliothèques mais commune à l'ensemble des services publics dits "non obligatoires" ou facultatifs : les services culturels, sportifs, de loisirs, d’action sociale, de cantine scolaire ou les services périscolaires, de santé, d’action économique, d’amélioration du cadre de vie, par exemple. Notre réponse se limitera donc à des considérations générales.

Il existe une jurisprudence européenne en la matière : par un arrêt en date du 16 janvier 2003, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé non conforme au droit communautaire les tarifs préférentiels accordés, pour l’accès à certains musées municipaux italiens, et sous conditions d’âge, aux seuls ressortissants nationaux ou aux seuls résidents des communes concernées. Cet arrêt peut être consulté en ligne sur le site de la Cour de justice de l'union européenne (Curia) : http://curia.europa.eu/.

En droit français, il n'existe aucune disposition qui interdit ou autorise la discrimination de la tarification des services publics en général sur la base de la résidence. Le principe de tarification des services publics s'appuie largement sur le principe constitutionnel de l'égalité de traitement des usagers, il ne peut y être dérogé que de deux façons (posées par la jurisprudence française) :
- lorsqu'il existe un intérêt général en rapport avec l'objet ou les conditions d'exploitation du service
- lorsqu'il existe entre les usagers des différences de situation facilement appréciables et en rapport direct avec l'objet du service.
C'est ainsi que la jurisprudence du Conseil d'Etat, en contradiction avec la juridiction européenne, admet que l'on peut moduler la tarification des services publics facultatifs sur la base de la résidence car lorsqu'ils participent au financement du service local en tant que contribuables, les résidents permanents se trouvent dans une situation différente par rapport aux non résidents (CE 5 octobre 1984, commune de Lavelanet - une cantine scolaire et CE 2 décembre 1987, commune de Romainville - une école de musique).

L'antagonisme entre juridiction européenne et française est synthétisé dans une récente note de la Lettre du Cadre, dont voici un extrait :
"La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) n’admet pas une discrimination entre résidents et non résidents, pour des raisons économiques : « des objectifs de nature économique ne pouvaient pas constituer des raisons impérieuses d’intérêt général de nature à autoriser une restriction à une liberté fondamentale garantie par le traité ». Les tarifs préférentiels ne sauraient constituer une contrepartie à la contribution des résidents. Étant donné cette divergence d’appréciation entre le Conseil d’État et la CJUE et considérant la primauté du droit communautaire, il serait judicieux de s’attacher à la notion de « lien avec la collectivité» qui est plus large que celle de résident, en ce sens où elle regroupe non seulement ceux qui y résident, mais également ceux qui y travaillent ou étudient. Alors même qu’il a été jugé possible de fonder une odulation tarifaire selon l’origine géographique des usagers pour les services publics locaux non obligatoires comme par exemple une cantine scolaire qui n’est pas au nombre des obligations incombant à une commune pour le fonctionnement du service public de l’enseignement."
Source : GAVAIL Yvan. Services publics locaux : accès aux services et tarifs différenciés. La Lettre du Cadre Territorial, Les cahiers juridiques n°135 février 2010

Plus récemment, la Lettre des Finances Locales, à laquelle nous ne sommes pas abonnés (mais peut-être votre service des finances ou votre RH ou encore le service documentation de votre collectivité a-t-il souscrit un abonnement) a publié un article en lien direct avec votre question :
Les critères de différenciation des tarifs publics locaux. La Lettre des Finances Locales n° 245 du 17 mars 2011. Editions Sorman. Résumé : http://www.lalettredesfinanceslocales.com/article-les-criteres-de-differ....

Pour finir, étant donné la complexité de la question, nous vous conseillons de vous adresser au service juridique de votre collectivité. Lui seul sera à même d'apprécier le risque d'appliquer des tarifs "discriminatoires" pour les services publics tels que la bibliothèque.

Cordialement,

Le Service questions? réponses! de l'enssib

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