Céline Guyon pascal robert

Céline Guyon, maître de conférences associée et Pascal Robert, professeur des universités et directeur de la recherche à l'Enssib codirigent le master 2 Archives numériques.

Les enjeux de la gestion de projet : rencontre avec les responsables du master 2 Archives numériques

À la faveur d’un projet que les étudiants du master 2 Archives numériques (ARN) ont conduit pour les Archives départementales et métropolitaines (Rhône et Grand Lyon), les responsables du master nous expliquent l'intérêt et les modalités pratiques de la gestion de projet, et plus globalement les enjeux pédagogiques de la formation.
 

1/ Les étudiants du master ARN ont travaillé cette année à un projet très concret pour le compte des Archives départementales et métropolitaines. Quel en était l'objet ?
Les Archives départementales et métropolitaines (AD) conservent les enregistrements audios et visuels des séances publiques de l’Assemblée départementale du Rhône. Ce fonds représente près de 200 supports différents (Betacam, VHS, CD ROM, cassettes audio, vidéos en ligne sur YouTube) pour la période de 1982 à 2019. Compte tenu de leur valeur de témoignage, ces documents sont conservés sans limitation de temps, ce qui signifie que les contenus enregistrés, quel que soit le support, devront pouvoir être lisibles et audibles dans dix, vingt ou trente ans, malgré l'obsolescence des supports d'enregistrement et des formats des fichiers. 
C’est pour accompagner cette mission de conservation des informations numériques que les étudiants du master ARN ont été impliqués. Une telle mission n’est pas anodine puisqu’il est nécessaire de mettre en œuvre des dispositifs techniques et des procédures archivistiques afin de documenter le processus de conservation (quelles opérations de migrations de supports ? quelles conversions de formats). 

 

2/ Concrètement, en quoi a consisté leur travail ?
Dans le cadre de l'unité d'enseignements « Gestion de projets », les étudiants du master 2 ARN ont formalisé un ensemble de recommandations, qui ont pris la forme de quatre documents ou livrables : un plan de conservation, une analyse des risques, un plan de classement et un profil d'archivage. Plus précisément, le plan de conservation recense les actions à mener pour assurer la conservation des contenus et des supports. Dans la continuité du plan de conservation, l’analyse des risques, par une évaluation des risques à ne pas mettre en œuvre les recommandations du plan de conservation, vise à permettre de prioriser les actions de conservation. Le plan de classement a pour fonction de structurer la description et donc de faciliter la recherche. Enfin, le profil d'archivage est un fichier XML conforme au standard d'échange de données pour l'archivage (SEDA) dont la fonction est de décrire les objets documentaires afin de permettre leur enregistrement et leur conservation dans un système d'archivage électronique.

 

3/ Vous avez l’habitude de pratiquer la gestion de projet avec vos étudiants. Qu’est-ce qui pour vous a singularisé la collaboration avec les AD ?
Tout d’abord, il s’agissait d’une première expérience avec les Archives départementales et métropolitaines dans le cadre d’une gestion projet. Cette collaboration a nécessité une implication des étudiants à la fois dans la durée, les engageant trois mois, de novembre 2019 à janvier 2020, mais aussi dans l’exigence des livrables à remettre. Les étudiants, qui ont travaillé par groupes, ne se sont pas partagé le travail : chaque groupe a produit l'ensemble des livrables précédemment décrits, élaborant ainsi différents scénarios. Enfin, les attendus étaient ambitieux : ils ont permis aux étudiants de se confronter tant aux aspects techniques en explorant de manière précise et concrète la question de l'obsolescence des supports et des formats, qu'aux aspects organisationnels et de gouvernance avec la préparation de trois comités de projet et la constitution d’une équipe projet.

 

4/ Comment les étudiants se sont-ils emparés du projet ?
Comme de vrais professionnels ! Ils ont su faire preuve d'autonomie et de débrouillardise pour appliquer la méthodologie de gestion de projet étudiée en cours, s'organiser au sein de leur groupe, cadencer leur travail pour maintenir un équilibre entre les cours, la gestion de projet, la constitution de la bibliographie pour leur mémoire de recherche et gérer leur temps pour rendre les livrables dans les délais. Ce fut trois mois très intenses au cours desquels ils ont fourni beaucoup d'efforts et pris des initiatives. Ils ont ainsi contacté des entreprises spécialisées dans le domaine de la numérisation des supports analogiques pour obtenir des devis ou encore des institutions patrimoniales comme l'INA afin de recueillir des retours d'expériences. Ainsi, ils ont su proposer un plan de conservation réaliste et adapté aux contraintes et à l'environnement du commanditaire, que ce soit en termes de budget ou de personnels. Pour finir, la qualité de leurs travaux et livrables a été soulignée par le commanditaire.

 

5/ Quel est l’intérêt de ce type de projet pour les étudiants ?
L'intérêt principal est la mise en situation professionnelle. En cours, les étudiants acquièrent des connaissances théoriques sur la gestion de projet dans le domaine de l'archivage électronique. Dans notre approche pédagogique, nous veillons à illustrer nos enseignements par des études de cas et sollicitons des professionnels en poste, tant dans le secteur public que privé, pour retours d'expériences. Pouvoir les mettre en application in vivo dans le cadre d'un projet réel est un avantage déterminant. Les étudiants peuvent ainsi mettre en pratique la gestion de projet telle qu'elle se pratiquerait dans n'importe quel environnement, en s'appuyant sur les méthodes étudiées (traditionnelles, agiles, adaptatives...) et en mobilisant des connaissances acquises dans l'ensemble des modules du master ARN. Le travail de groupe favorise également l'apprentissage du travail collaboratif. Enfin, au travers des comités de suivi de projet, tous les étudiants sont amenés à se familiariser avec la prise de parole en public. 

 

6/ Quelles autres compétences sont mobilisées lors de l’année de master ARN ?
Le master, outre sa dimension professionnalisante, est une formation universitaire qui amène également les étudiants à réfléchir aux enjeux de société des formes numériques de l'archivage. Les étudiants suivent ainsi un cours qui les conduit à une réflexion plus globale sur les manières de construire la mémoire collective, sur les outils qui jusque-là participaient à cette élaboration, sur les enjeux de pouvoir, notamment politiques, qui y étaient liés. Il s’agit ainsi de montrer ce que le numérique change, déplace et transforme. Par ailleurs les étudiants sont également formés à la recherche, à travers un cours qui les initie à la rédaction d'un mémoire et aux principes méthodologiques qui doivent y présider. Ce cours est suivi d'un travail de rédaction d’un véritable mémoire de recherche sur un sujet proposé par l'un des enseignants de la formation ou l'étudiant lui-même. D'environ 80 pages, le mémoire, qui repose sur une problématique et sur des cadres théoriques et méthodologiques, donne lieu à une soutenance devant un jury.

 

7/ Question d’ouverture / prochaine étape pour le master
L’alternance ! L'avenir du master ARN est de s'ouvrir à l'alternance, à l'instar des autres masters de l'école, dès la rentrée 2020/2021, ce qui lui permettra de répondre de manière plus efficace à une demande croissante des entreprises dans le domaine de la gestion de leurs données et de leurs documents numériques. 

 

Propos recueillis par Véronique Branchut-Gendon
Le 26 mars 2020