Description : Ce dossier n’a pas l’ambition de retracer l’histoire de l’Association, mais d’offrir quelques éclairages sur cent ans de vie, d’espoirs et de combats communs aux bibliothécaires de notre pays. Certaines réalités d’hier peuvent étonner les professionnels du XXIe siècle, tant leur situation diffère de celle de leurs prédécesseurs : leurs établissements ont désormais pignon sur rue et les technologies de l’information et de la communication sont omniprésentes. Avouons qu’au cours de nos recherches, nous nous sommes souvent amusés de ce décalage, et nous avons eu envie de faire partager notre amusement… qui ne retire rien à notre admiration pour toute une cohorte de « pionniers » !
Les textes ici réunis résultent tout d’abord de fouilles dans les écrits de l’ABF. D’une part son Bulletin et quelques ouvrages, souvent bien oubliés aujourd’hui. D’autre part les archives, quelques dizaines de mètres linéaires de gros cartons, correctement étiquetés par nature et par date – mais sans aucun inventaire des contenus. Ils comportent d’évidentes lacunes, mais contiennent beaucoup de choses : les comptes rendus des réunions, bien sûr, mais aussi des lettres, des coupures de presse et toute une littérature grise venue d’ailleurs : tracts syndicaux, circulaires, etc. La diversité des documents engrangés permet parfois de répondre à un point de l’histoire des bibliothèques, jusque-là mal élucidé comme, par exemple, les liens entre l’ABF et l’Association pour le développement de la lecture publique (ADLP), qui jouit d’une grande notoriété malgré son existence éphémère (1936-1939) !
Mais nous avons, plus largement encore, fait appel au regard rétrospectif de témoins ou d’acteurs qui sont pour nous la mémoire vivante du parcours associatif. Leur présence aux événements leur permet d’éviter certains anachronismes que l’on voit fleurir sous d’autres plumes, de rendre compte d’un tissu relationnel, parfois inattendu, et d’exploiter certaines données non-écrites. En effet, tout ne fait pas objet de publication : pourquoi écrirait-on ce que l’on vit ensemble ? Ce sur quoi le consensus est sans faille ? Ne serait-il pas maladroit d’afficher les divergences que l’on voudrait passagères ? D’autres motifs ont joué contre la mémoire écrite. Aucun Bulletin n’a été publié entre 1941 et 1946 ; mais à la lecture de la correspondance, des comptes rendus de réunions de la période de l’Occupation, on constate qu’il n’est jamais question des événements qui bouleversent le monde, comme si l’unique préoccupation de nos collègues était, déjà et toujours, la formation professionnelle, le statut du personnel, l’organisation du réseau des bibliothèques ! Et puis tout à coup, en marge d’un document évoquant justement l’organisation du réseau centralisé, cette mention manuscrite : « Hitler et Mussolini » ! Ouf, ils savaient ! Ils savaient même fort bien, et
ils avaient très probablement évoqué, au cours de la réunion, les visées politiques de l’organisation centralisatrice de certains réseaux, comme celui des bibliothèques de Berlin. Mais ce que tous savaient d