Description : La tendance à n’user du mot « science » qu’en un sens restreint qui ne désigne plus le savoir ni la connaissance en général mais l’une de ses modalités a accompagné l’instrumentalisation de la pensée et le cantonnement de la raison. Que la conscience doive s’éveiller à mesure que la science progresse, nul ne se
montre assez hardi pour le contester. Le vingtième siècle a chèrement payé la transformation de l’idéal des Lumières en enthousiasme positiviste, et le trop fameux avertissement de Rabelais s’évente en subissant le sort des devises trop haut brandies : loin des yeux, loin du coeur. En ce début du vingt-et-unième,
si la course au progrès fait désormais figure d’exigence, il semble admis que la conscience suivra sans autre forme de procès. Les bibliothèques sont le lieu par excellence où, ayant systématisé la division
du savoir, on s’efforce désormais de compenser les effets de ce compartimentage par les moyens les plus divers et de subtils artifices : architecture de passerelles, voisinages étudiés, animations transversales, mixité encouragée des publics, proximité des services… Cet effort pour retrouver l’organisme sous l’organisation et faire circuler le sang de la vie dans les usages et les classifications manifeste
l’espoir qu’un savoir neuf peut sourdre du brassage et de la confrontation, et que ce savoir se construit à la mesure de chacun, résultat d’une appropriation que la bibliothèque aura favorisée.
Ainsi, au-delà des enjeux de pouvoir auxquels la science se prête, l’idée et la forme de la bibliothèque peuvent – pourraient, pourront ? – répondre au réveil non moins pressant et nécessaire d'une vigilance de l'esprit.