Description : Attraction foraine, divertissement populaire, oeuvre de création, le cinéma a été tout cela en épousant la marche d’un siècle dont il a reflété les tensions et les contradictions. Produit industriel, oeuvre de l’esprit – et, par une ruse de l’histoire, souvent les deux ensemble –, il a relayé les fictions héritées de la plume et du pinceau et tiré un prestige neuf des puissances du simulacre portées à un degré de perfectionnement inédit dans l’histoire. Cette « invention ingénieuse », parce que « c’est une société, et non une technique qui a fait le cinéma ainsi », a pu reconduire, appuyer, soutenir, « l’imitation insensée d’une vie insensée ».
Mais il est aussi, certains l’ont montré, cet instrument que des esprits plus aiguisés ont promené sur le monde pour le mieux voir, débusquer les ressorts
des sortilèges dont il abuse, et s’en déprendre. Si donc « les images existantes ne prouvent que les mensonges existants », sans doute le cinéma peut-il encore susciter des images qui n’existaient pas et indiquer les voies d’une autre façon de voir. Encore faut-il dégager dans notre espace commun, largement occupé par
les mercenaires du temps libre, un lieu où ces oeuvres critiques, ce regard émancipateur, pourront éclore, se construire un destin qui ferait du cinéma autre chose que « la dupe du présent et le faux-témoin de l’avenir ». Ce dossier montre, sans trop de mal croyons-nous, que la médiathèque – en toute fidélité à ses missions : conserver, donner accès, valoriser ses collections et leur donner sens – incarne tout à fait ce lieu qui nous apparaît chaque jour plus nécessaire, où, en pleine complémentarité avec les lieux traditionnels de l’exploitation cinématographique, peut se constituer et se transmettre une mémoire vivante du cinéma qui donne aux oeuvres actuelles leur plein horizon d’intelligibilité.
Les citations sont de Guy Debord, In girum imus nocte et consumimur igni, Gallimard, 1999