Description : L’Inde, celle du poivre et des comptoirs, celle des fakirs et des maharadjahs, des salons de musique, des éléphants, des cobras et des singes, des temples aux
déesses nues, des rites, celle de Loti et de Judith Gautier, l’Inde exotique enfin, lointaine et rêvée, ne s’est pas effacée sous le bombardement d’images voulues plus que réelles, émeutes, famines, moussons dévastatrices, guerres et misères, ni devant la soudaine révélation qu’il faut aujourd’hui compter avec cette puissance évadée du ghetto des pays pauvres pour s’imposer sur la scène du village mondial. Comme en elle semblent coexister les millénaires, le mythe de l’Inde subsiste en Occident paradoxalement nourri par le terreau du réel. C’est que nulle autre terre sans doute, n’offre ce qu’en sa profusion l’Inde aujourd’hui étale comme sur une palme : les réponses que chacun, contradictoirement, espère. Traditionnelle, elle console des déceptions modernes ; moderne, elle confirme l’optimisme des enthousiastes. On trouvera ici l’écho de ces flux et reflux, en ce dossier tenu au plus près de la crête, qui n'a voulu ignorer ni les tours de l’histoire, ni les détours de la géographie. Mais alors que la révolution numérique nous mobilise entièrement, que représente-t-elle dans un univers qui embrasse uniment aborigènes et nababs de l’économie planétaire, illettrés riches d’un savoir millénaire et nouveaux convertis aux vertus d’Internet ? Là où le rouet a tenu tête aux navettes mécaniques de Manchester, où les systèmes les mieux armés semblent s’user ou se dissoudre, assimilés, la
version indienne de ce bouleversement pourrait être riche d’enseignements. « Je crois, déclare le danseur et chorégraphe Jayachandran Palazhy, que pour
l’Indien moyen, l’existence est une sorte de grand écart entre ses racines d’une part, solidement ancrées dans la tradition et dans notre héritage culturel, et la réalité contemporaine d’autre part, dans un monde qui change à toute allure à l’heure de l’effondrement des valeurs et de la globalisation. » C’est dans cette posture inconfortable, à hauteur d’homme et sous l’angle de nos préoccupations communes, que nous avons souhaité, modestement, aborder ce dialogue des cultures.