Description : Carrefour du temps, où le présent le plus immédiat est en prise directe avec le passé le plus archaïque, carrefour des cultures, où des racines multiples plongent en toutes les strates de l’histoire, aux quatre coins du monde, creuset spirituel et religieux, théâtre babélien, Israël est à la fois le lieu d’un exode et celui d’un retour, indissociablement empreint de nostalgie et d’espoir, un foyer abandonné, rêvé, conquis, construit, un État, enfin, devenu l’enjeu soudain bien réel de toutes les contradictions accumulées au cours des millénaires, et, dès sa fondation en 1948, soumis à leurs tensions. Certain propos d’Amos Oz – que l’on peut lire dans Les terres du chacal, écrit en 1965, puis réécrit dix ans plus tard – résume mieux, en sa dialectique véhémente, qu’aucun discours les ambivalences et autres ambiguïtés qui firent le quotidien des citoyens d’Israël : « Nous sommes venus dans ce pays pour y réaliser un rêve et tout ce que nous avons pu faire est d’y avoir planté un décor de cinéma hollywoodien. La terre d’Israël est une putain. Un homme qui hait sa patrie est un traître. Mais celui qui hait la putain qui l’a trahi est fidèle à l’idéal bafoué. » Si ce n’est qu’aujourd’hui, quelques trente années plus tard, l’idéal s’éloigne à mesure que le réel s’impose. Sur tout cela, nous ne reviendrons pas ici, sinon à point nommé, pour mieux comprendre comment les missions traditionnelles des bibliothèques ont pu être parfois soumises à de curieux impératifs : ce fut le cas de la Bibliothèque nationale, c’est encore celui de petits établissements qui, selon leur implantation géographique, ont à répondre à des situations très différentes. C’est aussi celui des bibliothèques universitaires en lesquelles se sont imprimés plus qu’ailleurs les soubresauts de l’histoire. Percevoir Israël sous l’angle d’un regard professionnel déplace – sans les gommer – les problématiques auxquelles nous ont habitués des décennies de reportages liés au conflit israélo-arabe. C’était là une chance pour nous d'entrevoir ce que peut être, selon le mot de Michel Valensi (Éditions de l’Éclat) rapporté dans ces pages, un Israël « départicularisé », aidés en cela par l’affabilité et la généreuse collaboration de quelques-uns des plus grands bibliothécaires de ce pays, que nous remercions chaleureusement. Mais il s’agissait aussi de donner à sentir à quel point les générations qui passent se
démarquent des précédentes, à percevoir l’élan qu’impriment les plus jeunes qui, par leur appropriation des vecteurs d’expression plus populaires, le cinéma, le rap, la bande dessinée, donnent au pays sa physionomie d’aujourd’hui.