Description : De la forme du bâtiment aux espaces qu’il propose, aux collections qu’il héberge, aux ervices qu’il offre, aux gens qui s’y croisent, s’y rencon trent, usagers, professionnels, conférenciers ou artistes invités, dans l’espace physique, dans les rapports des hommes aux choses et dans ceux des personnes entre elles, à chaque niveau de la bibliothèque, dans son bâti, ses missions, son fonctionnement, partout en somme, parce qu’elle est faite non seulement pour tous mais aussi pour chacun, il est question du désir, de sa prise en charge, de son expression, et de sa confrontation au réel. Question de sa traduction matérielle – brique, béton, verre –, en surfaces aménagées – plateaux, cloisons, recoins –, en mobilier – assis, couché, vautré –, en services renouvelés – appelés par l’innovation technologique et en réponse à la pression qu’elle impose –, en collections élargies, adaptées – puisque l’esprit souffle aujourd’hui sur la toile, en
dehors des supports traditionnels –, en relations inédites aussi, de part et d’autre de la banque d’accueil, de l’estrade de l’invité, de la scène du musicien, de la page de l’écrivain ou de l’écran de l’ordinateur : en tout point de la bibliothèque, physique ou virtuelle. Placer l’usager « au centre » ne se décrète pas. Encore faut-il mieux le comprendre, cerner ses attentes – enquêtes, études, colloques –, inventer de nouveaux rapports et, surtout, répondre aux nouveaux comportements que fait naître un environnement sociétal toujours plus enveloppant. « Aujourd'hui, écrit Geneviève Brisac, on ne creuse plus de trous pour y enfouir ses secrets. La honte d'être à nu est un sentiment qui n’a plus cours. L'intime est tout au plus un sujet de colloque. Le village mondial croule sous
les ragots, les aveux, les révélations. L'espace public est saturé 1. » Espace public, service public, la bibliothèque est saturée de cet « intime exhibé 2 » qui va
se loger jusque, non pas dans les pages – c’est l’évidence même – mais entre les pages des livres en ces « truffes » qui, traces de cet aller-retour matérialisé entre espace public et sphère intime, sont comme les lapsus des usagers. Ces « intimités » multiples circulent dans la bibliothèque comme le sang sous la peau.
Après s’être épanchées largement dans notre partie magazine, elles auront irrigué jusqu’à notre couverture, repeinte aux couleurs du monde ombilical…
1. Geneviève Brisac, 52 ou la seconde vie, Éd. de l’Olivier. 2. Anne-Claire Rebreyend, Intimités amoureuses, cf. infra p. 64.