C'est àl'occasion de la construction de la nouvelle bibliothèque de Chambéry, ouverte en 1992, que la réflexion a été conduite sur la nécessité d'y créer un secteur spécifique pour les adolescents. L'analyse de la situation existante montrait à l'évidence que cette catégorie de jeunes lecteurs, les 11-16 ans, l'âge du collège, n'était pas très bien servie.
En effet, jusqu'en 1992, faute d'un bâtiment de taille suffisante, la bibliothèque de Chambéry au centre ville était constituée de deux bâtiments distants de huit cents mètres : la bibliothèque des adultes, dite la Centrale », où les deux étages très distincts présentaient l'un la bibliothèque d'études et l'autre la bibliothèque de prêt, et la bibliothèque Samivel pour la jeunesse (0-16 ans). La place prise par les jeunes enfants et la difficulté d'effectuer des « passerelles » avec les collections proposées aux adultes, malgré un catalogue informatisé commun, ont été des raisons de la désaffection des adolescents. Pour eux, à cette époque, « la Centrale, c'est pour les étudiants et Samivel pour les petits. Ajoutez à cela les raisons bien connues de la baisse, à l'âge du collège, de la fréquentation des bibliothèques : travail scolaire plus important, présence des CDI, intérêt se reportant sur la musique qui se prête mieux à une pratique collective (le besoin du groupe est en effet une caractéristique de cet âge), échec scolaire pour certains qui les éloigne de la lecture.
Cependant, toutes raisons entendues, il restait aux bibliothécaires le sentiment certain que des « besoins de bibliothèque » existent vraiment à l'adolescence et que les prendre en compte dans un nouveau bâtiment permettrait de reconquérir ce public à éclipses dont il fallait analyser d'abord le comportement. A la bibliothèque, les adolescents viennent emprunter des documents pour leurs loisirs et leur travail scolaire, faire des recherches sur place, faire leurs devoirs, à plusieurs souvent, et sans forcément avoir recours aux documents de la bibliothèque. Ils viennent aussi pour se rencontrer, restent généralement longtemps et lisent sur place. Il faut noter, en outre, qu'entre enfants du même âge de grandes différences de développement peuvent se faire jour (à 14 ans, on peut être en 6eou en 3e). Pour répondre à ces besoins, le programme général de la nouvelle médiathèque a donc prévu la création d'un secteur spécifique de bibliothèque destiné aux 11-16 ans. Pour la musique, la vidéo et les logiciels, les adolescents fréquenteraient les espaces adultes spécialisés.
Ce programme précisait ainsi les conditions de son bon fonctionnement :
Enfin une liaison forte avec le secteur enfants et avec le secteur adultes doit être assurée pour faciliter le passage des jeunes de l'un à l'autre.
Tous nos collègues qui ont suivi la construction de leur équipement savent la distance qui existe du programme au projet et nous devons tous reconnaître que nous demandons parfois des choses contradictoires : nous voulons tout. Une bonne surface mais aussi un lieu convivial, intime, une grande communication entre les différents publics, pas de ghettos, mais cependant des salles pour groupes homogènes... Et l'architecte nous oblige parfois à faire des choix ou les fait lui-même.
A Chambéry, l'espace d'accueil des adolescents a été réparti sur deux étages communiquant directement par un escalier. Au ler étage, la présentation des livres, revues, BD à emprunter ; au 2eétage, « Infodoc ados ", le lieu des recherches sur encyclopédies, usuels, dossiers et le lieu du travail sur place avec de nombreuses tables et chaises. Sur chacun des deux étages l'espace correspondant pour les adultes est contigu : les livres en prêt au 1er étage et la salle de consultation et d'études au 2eétage. Enfin, le secteur des jeunes enfants au 3eétage est lui aussi très proche grâce au même escalier de circulation. Au total l'espace des adolescents offre une bonne surface, 500 m2, et la possibilité de contacts avec les secteurs adultes et enfants est très bien assurée. En revanche, comme aucun cloisonnement n'était possible, aucune salle de travail en groupe n'a pu être mise en place dans la médiathèque même.
Les fonds ont été répartis selon leur usage, prêt ou consultation. Les romans sont présents sur l'espace de prêt exclusivement, classés non pas alphabétiquement par le nom de l'auteur mais selon une classification " maison par centres d'intérêt. Les autres ouvrages de fiction, bandes dessinées, revues et un bon nombre de documentaires sont eux aussi présentés à l'étage du prêt. A l'étage de consultation on trouve encyclopédies, dictionnaires, usuels, dossiers documentaires, quelques revues en consultation et des beaux livres. Au total Il 000 documents en salle de prêt et 1 500 en salle de consultation.
L'équipe du personnel (5 postes + 3 CES) est motivée et formée pour l'accueil des adolescents. Certaines formations spécifiques sont en cours. Cependant...
Le bilan n'est malheureusement pas chiffré complètement, le système informatique Opsys n'a pu prendre en compte de manière particulière le fonds des adolescents intégré dans la « bibliothèque jeunesse Mais le nombre de prêts n'est en vérité qu'un aspect de l'activité d'un tel espace.
Le succès de l'entreprise doit aussi se constater dans la fréquentation et la satisfaction de ce public. Le nombre d'inscriptions pour la tranche d'âge 11-16 ans représente 19,56 % du total des inscrits. On constate en outre que :
Ces constats nous conduisent à des réaménagements. Rapprocher les usuels des livres en prêt pour constituer un lieu unique de documentation évitera aux jeunes des déplacements inutiles et économisera un poste de renseignements.
Certes, les places de travail seront moins nombreuses, mais il semble que l'ambiance y gagnera. L'équipe professionnelle qui, depuis l'ouverture de la médiathèque, a connu quelques difficultés dues à des changements de personnel acquiert maintenant une certaine stabilité et une compétence grâce à des formations en cours. Elle va continuer une action déjà engagée en direction des documentalistes de CDI pour un travail en commun.
Dans cette nouvelle configuration, il nous faudra prendre les moyens d'une réelle évaluation de ce service par toutes les méthodes possibles : comptages, enquêtes de satisfaction, résultats de travaux, et voir enfin si l'investissement de temps de travail, d'espace, de budget est bien en rapport avec les objectifs visés, à savoir offrir un service sur mesure de documentation, de lecture, d'aide à l'enseignement à cette petite classe d'âge (quatre années) que sont les collégiens et amener aux livres une population réfractaire à la lecture. Il nous faudra encore au moins deux ans pour cela.