Index des revues

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    Principales richesses des collections

    Par Denise Bloch

    Manuscrits à peintures

    Evoquer les richesses du Département des Manuscrits c'est penser d'abord tout naturellement au plaisir des yeux. Les manuscrits à peintures offrent un panorama complet de l'enluminure française, comme l'a pu découvrir un public émerveillé, lors de deux expositions organisées à la Bibliothèque nationale en 1954 et 1955. On ne peut ici qu'esquisser une présentation bien sommaire des plus beaux témoins de l'évolution de cet art.

    Lettrines formées de poissons, d'oiseaux et d'éléments floraux du Lectionnaire de Luxeuil (vir-vni" siècle, latin 9 427), animaux fantastiques animant le portique-frontispice des Questions sur l'Heptateuque de saint Augustin (vme siècle, latin 12168), faune variée du Sacramentaire de Gellone (vin- siècle, latin 12048), pages-tapis, combinant motifs zoomorphes et entrelacs, des Evangiles (vni"siècle, nouv. acq. lat. 1 587) affirment le caractère purement décoratif des manuscrits précarolingiens. L'Antiquité influence par contre les somptueuses compositions figuratives des écoles de la renaissance carolingienne, qu'elles s'inspirent des productions de l'art byzantin, comme l'école du Rhin - Evangéliaire de Charlemagne, 781-783, nouv. acq. lat. 1203; Evangiles de Saint-Médard de Soissons, (début ix,: siècle, latin 8 850) ou de l'art classique, comme les écoles de Tours (Première Bible de Charles le Chauve, milieu ix,: siècle, latin 1 ;Evangiles de Lothaire, entre 849 et 850, latin 266), Reims (Evangiles de Loisel, milieu IX"siècle, latin 17 968), Corbie (Psautier de Charles le Chauve, entre 842 et 869, latin 1 152), Metz (Sacramentaire de Drogon, v. 850, latin 9 428) et l'école franco-insulaire (Deuxième Bible de Charles le Chauve, entre 871 et 877, latin 2). Les artistes transposent les modèles antiques pour représenter le Christ en majesté, les Evangélistes, les scènes de la vie des saints ou pour faire le portrait des empereurs. L'architecture gréco-romaine inspire la mise en pages des canons. L'or et la pourpre, employés à profusion donnent au livre un caractère luxueux.

    Avec l'effondrement de l'empire carolingien, l'impulsion directrice donnée par le souverain disparaît. La coupure se forme entre le Nord, ouvert à l'influence insulaire et le Midi tournée vers l'Es-pagne et l'Italie. On ne peut en quelques lignes rendre compte de la diversité de la peinture romane qui comprend autant d'écoles que d'abbayes. Les techniques se perdent, les modèles antiques sont oubliés, la représentation de la réalité fait place au symbole. La disproportion volontaire des formes suggère la majesté du sujet dans le portrait de saint Grégoire qui ouvre le recueil de ses lettres (France du Nord, 2emoitié xne siècle, latin 2287) on établit une hiérarchie entre le Christ et les simples mortels dans le Missel de saint Denis (Paris, milieu XI'siècle, latin 9 436). La lettre ornée se construit en utilisant les formes stylisées des animaux ou du corps humain à la manière insulaire (Pierre Lombard, Sur les Epîtres de saint Paul, France du Nord, fin xne siècle début xme siècle, latin 668) ou s'accompagne d'"histoires" (saint Augustin, sur les Epîtres de saint Paul, Corbie, 1 164, latin 11 575). L'influence de l'art catalan est perceptible dans les grandes compositions inspirées, aux vives couleurs de l'Apocalypse de Saint-Sever (milieu xie siècle, latin 8878); les mêmes coloris éclatants animent jongleurs, danseurs et musiciens du tropaire-prosier d'Auch (milieu xie siècle, latin 1118). L'abbaye de Saint-Martial, carrefour d'influences, retrouve les modèles antiques à travers les ivoires byzantins apportés par les pélerins (Lectionnaire de Saint-Martial, fin x'siècle, latin 5301 ) ou s'inspire de l'art italien (Bible de Saint-Martial, 2emoitié xie siècle, latin 8).

    A partir du xine siècle, la peinture des manuscrits cesse d'être l'exclusivité des abbayes. L'industrie du livre se concentre autour de l'université de Paris. Des volumes de luxe sont exécutés pour le Roi et les princes de sa famille. L'interprétation mystique fait place peu à peu à la représentation de la réalité. Les formes acquièrent la souplesse et le mouvement. L'architecture et l'art du vitrail influencent les peintures du Psautier de Saint Louis (entre 1253 et 1270, latin 10525), où de longues silhouettes élégantes, illuminées par les fonds d'or, s'encastrent dans des arcatures imitées de la Sainte-Chapelle. De vivants petits tableaux de la vie parisienne accompagnent les scènes de la Vie de saint Denis (1317, français 2090-2092). Des noms d'enlumineurs apparaissent: Honoré, auteur probable de la décoration du Bréviaire de Philippe lé Bel (fin xiii» siècle, latin 1 023), Jean Pucelle et ses aides Anciau de Sens et Jaquet Maci qui illustrent sous sa direction, vers 1323-1325, le Bréviaire de Belleville (latin 10 483-10 484). La décoration envahit les marges où rinceaux à feuilles de lierre se peuplent de grotesques et d'animaux peints au naturel. Le paysage fait son apparition dans la Bible de Jean de Sy (v. 1355, français 15 397), sous forme de boqueteaux.

    Les commandes exécutées pour Charles V ne se limitent pas aux livres liturgiques, tel le beau Bréviaire (latin 1 052) dont la décoration est inspirée du Bréviaire de Belleville. Les peintres exercent leurs talents sur des traductions en français d'oeuvres morales, philosophiques, juridiques, historiques. Des peintures en grisaille sur fond de couleur ornent la traduction de la Cité de Dieu de saint Augustin, par Raoul de Presles (1376-1380, français 22 912-22 913). Un certain réalisme apparaît dans la présentation des scènes historiques des Grandes Chroniques de France - (v. 1375-1379, français 2813). Les figures du Roi et des membres de la famille royale ne sont plus stéréotypées, mais tendent à devenir de véritables portraits dans le Rational des divins offices (1374, français 437).

    L'évolution s'accentue sous le règne de Charles VI. L'art parisien se renouvelle grâce aux apports venus des Pays-Bas et d'Italie. Se forment alors de nombreux ateliers dont les peintres collaborent entre eux. L'oncle du Roi, Jean, duc de Berry, amateur éclairé et mécène, s'attache les meilleurs artistes. André Beauneveu exécute pour lui les magnifiques portraits de prophètes, délicatement modelés, du Psautier (v. 1380-1385, français 13 091); plusieurs artistes, dont le maître du Parement de Narbonne, participent à l'illustration des Petites Heures (v. 1390, latin 18014), des Très Belles Heures de Notre-Dame (v. 1404-1407, nouv. acq. lat. 3093) et des Grandes Heures (1409, latin 919); les frères de Limbourg peignent les trois premiers cahiers de la Bible moralisée (v. 1410, français 166) et l'un d'eux ajoute aux Petites Heures, vers 1419, un beau portrait de Jean de Berry partant en voyage. Le décor architectural remplace les fonds quadrillés, la perspective apparaît. L'élégance de la mise en page atteint une perfection rarement égalée. D'autres ateliers travaillent à Paris : le maître des Heures de Boucicaut peint les grands tableaux du Livre des merveilles (v. 1410, français 2810) le maître du Bréviaire du duc de Bedford (entre 1424 et 1435, latin 17294) réalise, sur des plans successifs, de grandes compositions pleines de vie; le maître des Heures de Rohan (v. 1418, latin 9 417) illustre avec une vigueur et une intensité dramatique exceptionnelles la Déploration du Christ et le Jugement de Dieu.

    Au milieu du xv siècle, Paris perd sa prééminence, les nouveaux ateliers s'installent sur les bords de la Loire. L'illustration des manuscrits se rapproche de la peinture de chevalet. Avec l'harmonie des coloris et le sens de la composition qui lui sont propres, Jean Fouquet illustre les Grandes Chroniques de France, offertes à Charles VII, en 1458 par Noël de Fribois (français 6 465) et, pour Jacques d'Armagnac, les Antiquités judaïques de Josèphe (v. 1470, français 247). Il peint ses contemporains dans des décors qui représentent les villes de son époque ou les campagnes françaises, baignées par une douce lumière. Le maître de Jouvenel des Ursins, influencé par la peinture flamande, décore avec un réalisme empreint de mysticisme le Livre de prières dit de Marie Stuart (v. 1450, latin 1405).

    La fin du xv siècle, et le début du xviesiècle, dernière période de l'enluminure, sont marquées par deux artistes d'un tempérament opposé. Jean Colombe, au talent vigoureux, dirige l'illustration des Heures de Louis de Laval (entre 1480 et 1489, latin 920), dont les meilleures peintures lui sont attribuées et, peint, avec son fils François, les beaux tableaux de la Destruction de Troie la Grant (v. 1500, nouv. acq. fr. 24920). Le doux Bourdichon, célèbre par ses effets de nuit, illustre avec adresse et froideur les Grandes Heures d'Anne de Bretagne (v. 1508, latin 9 474) et les Heures de Frédéric III d'Aragon (entre 1501 et 1504, latin 10 532).

    Parmi les monuments de la peinture byzantine conservés au Département des Manuscrits, citons quelques témoins des diverses traditions: de Syrie ou de Mésopotamie, le codex Sinopensis (vie siècle, suppl. gr. 1286), écrit en onciale d'or, sur parchemin pourpré, et illustré siècle, suppl. gr. 1294) et la Theriaca de Nicandre (suppl. gr. 247); - de l'art de la capitale : les Homélies de Grégoire de Nazianze (grec 510), manuscrit exécuté entre 880 et 886 pour l'empereur Basile Ierle Macédonien, orné du portrait de l'impératrice Eudoxie et de ses fils et de 41 peintures à pleine page; le Psautier dit de Paris (Xesiècle, grec 139), très influencé par la peinture antique; les Homélies sur la Vierge du frère Jacques de Kokkinobaphos (xne siècle, grec 1 208), aux images pleines de fraîcheur et de vie; - de provenance incertaine, peut-être d'Italie byzantine, les Sacra Parallela de Jean Damascène (ixe siècle, grec 923), illustré de nombreuses scènes inspirées par les récits de la Bible.

    L'enluminure italienne est représentée par 1 700 manuscrits, du Haut Moyen-Age jusqu'au xvi°siècle. Parmi eux, un rouleau d'Exultet (xie siècle, nouv. acq. 710), l'Expositio in Psalmos d'Odo Astensis (Italie centrale, xne siècle, latin 2 508), une Bible bolonaise de la deuxième moitié du xme siècle, (latin 18); le Liber astrologiae de Georgius Zothorus Zaparus Fendulus (Italie du Sud ou Sicile, 2e quart du xme siècle, latin 7 330), le Pseudo-Mathieu (fin xme siècle, latin 2688), le Pontifical romain (Italie centrale, xiv siècle, latin 15 619), le Speculum humanae salvationis (Italie centrale, xiv siècle, latin 9 584) et les manuscrits du xve siècle, en belle humanistique ronde, à encadrements à "bianchi girari", avec les, armes et emblèmes des rois d'Aragon, oeuvres des enlumineurs Giachino de Giovanni, de Gigantibus (Plutarque, Vie des hommes illustres, latin 5831), Nardo Rapicano (Giunano Maio, De majestate, italien 1 711), Cola Rapicano (Diogène Laërce, latin 6 069 A). Les manuscrits enluminés d'origine italienne font présentement l'objet d'une publication par le Centre de recherche sur les manuscrits enluminés du département des Manuscrits. Le t. (mas. du Vie au xne siècle) a paru en 1980.

    Evoquons rapidement quelques manuscrits d'autres provenances: d'Allemagne, les Evangiles de la Sainte-Chapelle (Trêves, environs de l'an 1000, latin 8851), le Sacramentaire de Saint-Géréon de Cologne (la moitié xive siècle, nouv. acq. 3105); - des lies Britanniques, les Evangiles d'Echternach (vme siècle, latin 9389) le Psautier à l'usage de Westminster (xne siècle, latin 6), deux Beatus l'un de la fin du xne siècle, (nouv. acq. lat. 1 366), l'autre du xme siècle, (nouv. acq. lat. 2 290) ; l'Atlas catalan (Major-que, 1 375 espagnol 30), le Bréviaire de Martin d'Aragon (13981403, Rothschild, 2529); - des Pays-Bas, la Vie de sainte Catherine (xv siècle, néerlandais 129);les Heures gantobrugeoises (v. 1490-1500, nouv. acq. lat. 3121).

    Reliures

    Le Département possède une belle collection de reliures du Moyen Age et de la Renaissance: reliures ornées de plaques d'ivoire ou d'émaux et de pierres précieuses, reliures carolingiennes de cuir estampé à froid, reliures romanes, reliures de velours, de soie brodée ou damassée, environ 260 reliures italiennes des xve et xvie siècle, estampées à froid ou à décor doré, reliures de l'atelier de Louis xn à Blois, reliures aux armes, chiffres et emblèmes de François Ier, Henri II, François Il, Charles IX, reliures faites pour Grolier, reliures mosaïquées ou peintes, premières fanfares, reliures à plaques, reliures byzantines estampées à froid aux petits fers; reliures "alla greca"...

    Support de l'écriture

    La parchemin est la matière la plus courante, concurrencé à partir du xive siècle, et surtout au xve siècle, par le papier. Le département des_Manuscrits possède le plus ancien parchemin grec connu, copie d'un contrat de vente du IIe siècle, avant J.-C. (Suppl. gr. 1 354, f. 1 ) et l'un des deux plus anciens livres écrits sur papier dans le monde latin (glossaire du xie siècle, latin 1 296), quelques textes sur papyrus, comme le roman grec du i»-nesiècle, de notre ère (Suppl. gr. 1 294) et le fragment d'Avitus de Vienne en cursive minuscule du vie siècle, (latin 8 913-8 914); quelques tablettes de cire contenant des comptes du xme-xive siècle, en latin (latin 9021-9025, 8 727 B, 10154) et des calendriers en caractères uniques gravés sur bois (fin xv )-début xve, scandinave 29ter).

    Ecriture

    Près de 200 manuscrits en écriture latine antérieurs au ixesiècle offrent un échantillonnage varié: capitale rustique, onciale, demi-onciale, minuscule, écriture de Corbie, de Luxeuil, écriture insulaire, minuscule wisigothique, écriture bénéventaine... Le déchiffrement des manuscrits palimpsestes permet de retrouver sous une écriture récente un texte plus ancien: ainsi le codex Ephraim rescriptus de la Bible (grec 9) et le manuscrit latin 6400 G où un texte d'Isidore de Séville du vne-vine siècle. Les productions des scriptoria monastiques de Saint-Riquier, Saint-Amand, Corbie, Mortemer, Savigny, Fleury, Angers, Tours, Saint-Denis, Saint-Germain-des-Prés, Cluny, Moissac, Saint-Martial... puis, à partir du xiiie siècle, les manuscrits copiés sous le contrôle des universités, à Paris et à Bologne, entre autres, offrent aux paléographes un terrain d'études privilégié.

    Les textes

    L'importance attachée aux caractères externes ne doit pas faire oublier que la première fonction du manuscrit est de servir de véhicule à un texte.

    Parmi les manuscrits grecs les plus importants à cet égard, citons le fragment du Phaéton d'Euripide, texte unique, qui se lit en première écriture dans le manuscrit palimpseste grec 107B; le codex A de Platon, en minuscule du milieu du ixesiècle (grec 1807); le codex E d'Aristote, partie x'siècle - partie xive-xve siècle (grec 1853); le codex de Démosthène en minuscule de la fin du ixe siècle, (grec 2934) ; le manuscrit des oeuvres de Denys l'Aréopagite, en onciale du Ive siècle, envoyé de Constantinople par Michel Il le Bègue à Louis le Débonnaire en 827 (grec 437).

    La transmission des textes de l'antiquité latine a elle aussi été assurée par les manuscrits copiés à l'époque médiévale, spécialement lors de la renaissance carolingienne, au ixe siècle, puis au temps de l'humanisme des xiv-xve siècle. Beaucoup d'importants témoins de la tradition classique sont conservés par le département des Manuscrits: le manuscrit P (Puteanus) de la 3e décade de Tite-Live, en onciale du vsiècle (latin 5730) ; 2 manuscrits du ixe siècle pour la 1re décade (Floriacensis, latin 5724; Thunaeus, latin 5726) ; le manuscrit P de Térence du ixe siècle (latin 7899) le manuscrit T de Catulle (ixe siècle, latin 8071); le manuscrit R des Verrines de Cicéron (ixe-xe siècle, latin 7774 A) ; le manuscrit R (ixexe siècle, latin 7311) et le manuscrit P (ixe siècle, latin 8242) des Amores d'Ovide, etc.

    Lorsqu'on aborde le domaine de la latinité médiévale, l'écart va peu à peu s'amenuisant entre la date de l'oeuvre et celle de sa copie; citons: le De Trinitate de saint Hilaire, évêque de Poitiers (315-367) en onciale du viesiècle (nouv. acq. lat. 1592), les Ps. 29-36 des Enarationes in Psalmos (latin 9533) de saint Augustin (354-430) écrits en demi-onciale du vie siècle; les oeuvres de saint Ambroise (339-397) en onciale du vine siècle (latin 1732); 2 manuscrits de l'Historia Francorum de Grégoire de Tours (c. 540594), l'un en cursive minuscule du vil8 siècle (latin 17655), l'autre en onciale du vme siècle (latin 17654). A partir du ixe siècle on compte beaucoup de manuscrits contemporains de l'auteur et l'on a pu identifier des autographes, encore que la prudence soit de mise en la matière. Ainsi les notes de la main de Florus de Lyon (ixe siècle) sur plusieurs manuscrits, et le manuscrit de ses oeuvres probablement autographe (latin 2859);le manuscrit autographe des sermons d'Adhémar de Chabannes (v. 1031-1034, latin 2469), le Panthéon de Godefroid de Viterbe (manuscrit original, en partie autographe, 1185-1191, latin 4894), les fragments de la chronique de Bernard Itier (+1225) dans de nombreux manuscrits de saint Martial de Limoges, les notes du théologien Godefroid de Fontaines sur les traités de Boèce de Dacie et de Siger de Brabant, reflet des grandes querelles universitaires qui marquèrent l'entrée u'Aristote et de ses commentateurs, Averroes et Avicenne à l'Université (entre 1272 et 1277, latins 15819, 16297), les sermons de Benoit xin (fin xive siècle latin 3291, f. 97-107), les annotations de Pétrarque sur de nombreux manuscrits, tels le Saint Augustin du xie siècle qui lui avait été offert par Boccace (latin 19891); les Gesta Ferdinandi Regis et l'Antidotum contra Pogium de Lorenzo Valla (xve siècle latins 6174 et 8691). En dehors des autographes, on compte beaucoup de manuscrits importants. Citons, entre autres, le manuscrit unique des oeuvres d'Agobard (Xe siècle latin 2853): les collections canoniques de saint Maur (vme-ixe siècle latin 1451) et de Fécamp (ixe-xe siècle, latin 3182); les sentences de Pierre Lombard du xne siècle (latin 3022), l'un des quatre témoins fondamentaux retenus pour l'édition de ce texte qui servit de base à l'enseignement de la théologie.

    Les textes d'ancien français sont nombreux depuis le premier texte français connu, les serments de Strasbourg en 842, insérés dans la chronique de l'historien Nithard (latin 9768, f. 1 ). Mentionnons entre autres pour la poésie épique, le manuscrit unique d'Orson de Beauvais, chanson de geste de la fin du xne siècle (xme siècle nouv. acq. fr. 16600); la Chanson de la croisade albigeoise, conservée dans son entier par un seul manuscrit (xme siècle, français 25425); parmi les romans, le manuscrit unique d'Aucassin et Nicolette (xme siècle, français 2168, f. 70-80), le Tris-tan de Béroul, seul fragment connu de ce poème (2e moitié du xme siècle, français 2171); de nombreux manuscrits du Roman de la Rose; - parmi les oeuvres lyriques: un recueil de poésies de troubadours de la fin du xme siècle, français 854), les poésies de Charles d'Orléans, en partie autographes (français 25458); - en histoire, le plus ancien manuscrit que nous ayons conservé de la Vie de Saint Louis par Joinville (v. 1360, français 13568), le manuscrit original du livre des Faits et bonnes moeurs du sage roi Charles V, de Christine de Pisan, commandé à l'auteur par le duc de Bourgogne Philippe le Hardi et remis à son fils Jean sans Peur en 1406 (français 10153) et l'un des deux meilleurs manuscrits des Mémoires de Philippe de Commynes, le manuscrit Polignac, de 1530 (nouv. acq. fr. 20960).

    Le Département conserve également les manuscrits de musique médiévale. Signalons : le Tropaire - prosier de saint Martial de Limoges (xie-xme siècle latin 1139); le Recueil du xme siècle provenant de saint Victor (latin 15139), le Recueil de la Clayette, manuscrit du xm» siècle contenant quelques chansons notées latines et françaises (nouv. acq. fr. 1 3521 ) ; le chansonnier Noailles (c. 1300, français 12615); 7 manuscrits de Guillaume de'Machaut (xiv siècle, français 1584, 22545-22546; c. 1400, français 1586, 9221 ; xve siècle, français 1595).

    Par leur diversité, les collections anciennes attirent au département des Manuscrits un nombre croissant de lecteurs : paléographes, codicologues, historiens de l'art, de la philosophie, du droit, liturgistes, théologiens, canonistes, historiens, philologues, éditeurs de textes, musicologues. Mais, en raison de leur richesse, elles sont encore incomplètement connues et exploitées. Maints textes inédits ou non identifiés dorment encore dans les fonds, bien des provenances restent à découvrir. Les inventaires et catalogues rédigés, à juste titre, de façon sommaire, pour parer au plus pressé, à la fin du xixe siècle et au début du xx) siècle ne répondent plus aux normes actuelles de la codicologie et de l'édition de texte. Chaque manuscrit, texte unique, doit désormais être décrit dans tous ses aspects matériels et intellectuels et on s'attache à retracer son histoire. C'est à ces exigences nouvelles que s'efforcent de répondre les catalogues des manuscrits grecs et des manuscrits latins en cours. La tâche est vaste et exaltante. Puisse la dureté des temps ne pas la priver d'ouvriers!