Pendant de nombreuses années les élèves-bibliothécaires ont eu à leur disposition d'excellents manuels pour s'initier au catalogue alphabétique de matières. Le premier en date est celui de Jenny Delsaux, puis vingt ans après, en 1957, les "Suggestions pratiques..." de J. Delsaux et M. Drevet explicitant la Norme Z 44-070 qui venait de paraître et sur bien des points annonçant les techniques documentaires actuelles. On trouve des chapitres sur ce catalogue dans plusieurs manuels récents, (Reboul, A.B.F., A.D.B.S.), des ouvrages ont paru dont celui de Robillard au Canada, mais celui-ci n'est en réalité qu'un mode d'emploi de la liste de vedettes de matières de "Biblio". L'ouvrage de Jacques Breton "Le Catalogue alphabétique de matières et l'indexation systématique en Dewey" publié en 1980 par le Centre parisien de l'E.N.S.B. est pratique, il rendra les mêmes services que rend le "Giteau" pour le catalogue "auteurs", car il est composé avant tout d'exercices pratiques avec fac-similés de pages de titres, de sommaires, de passages caractéristiques. En principe il se place au niveau du C.A.F.B. et du concours de sous-bibliothécaires, on aura avantage à l'utiliser pour d'autres examens, D.S.B., I.N.T.D., E.B.D.
L'ouvrage de M. Richter, dont nous recevons la 2eédition très revue, est beaucoup plus théorique que celui de M. Breton, cependant, bien qu'il ne comporte pas d'exercice, il comprend une partie pratique, choix des vedettes, organisation des sous-vedettes, il n'a pas été élaboré pour les candidats aux examens. Avant tout c'est un ouvrage destiné à nous faire réfléchir sur un catalogue difficile à manier, qu'il faut établir avant tout en fonction de l'ouvrage à traiter, mais en ne perdant jamais de vue les vedettes déjà établies afin d'éviter les dispersions et un catalogue trop diffus. Cela la Norme Z 44-070 ne le dit pas. Il y a d'ailleurs beaucoup de choses qu'elle ne dit pas et beaucoup de points sur lesquelles elle est dépassée, il serait temps de la réviser, comme l'ont été des normes pourtant postérieures. M. Richter avance un certain nombre de propositions et signale les points à revoir ou préciser, c'est un de ses mérites. Le premier, semble-t-il, tient compte des recherches sur l'indexation suscitées par l'emploi des techniques documentaires nouvelles, par la notion de langage documentaire, par les recherches faites pour établir des listes de descripteurs, les thesauri, c'est un autre mérite et sur bien des points M. Richter ne parle plus le langage classique des cours sur le catalogue alphabétique de matières. Cela apparaît dès le titre, "L'indexation alphabétique..." et non "Le catalogue alphabétique...". C'est là la terminologie de la documentation. Cela surprendra nos collègues qui ne se sont pas recyclés en prenant exemple sur les méthodes des centres de documentation, cela les incitera peut-être à le faire.
Dès le premier chapitre "La place de l'indexation alphabétique dans la chaîne documentaire", le lecteur est frappé par le changement de ton, l'analyse prend l'importance qu'elle doit avoir, le terme "indexation" s'impose, la notion de langage documentaire apparaît. Les deux premiers chapitres sont entièrement théoriques, comme tels ils seront discutés, surtout peut-être dans les deux bibliothèques où le "Catalogue analytique" faisait jusqu'ici autorité : la Sorbonne et la Bibliothèque nationale, où ces chapitres paraîtront un tantinet révolutionnaires. Ces deux bibliothèques ont d'ailleurs leurs problèmes particuliers, elles ne souscriront pas à l'affirmation de M. Richter disant qu'au temps de la multigraphie des fiches il n'y a pas de raisons de limiter le nombre de vedettes de matières à cinq ou six comme on l'enseigne. Si il y a une raison, la Bibliothèque nationale ne sait plus où les intercaler et les fichiers se font envahissants partout où la nature de la bibliothèque empêche toute élimination, c'est aussi le cas de la Sorbonne.
Les chapitres suivants apprennent comment établir les vedettes d'indexation matières que M. Richter appelle souvent descripteurs ou mots clés. Ces trois expressions ont pourtant un sens différent, on a parfois du mal à le faire comprendre aux élèves, mais les travaux de l'Afnor pour normaliser le vocabulaire de la documentation sont formels sur ce point. Forme, fonction, ponctuation sont des notions indispensables à connaître, puis l'auteur expose les règles présidant au choix des vedettes, variant selon que la bibliothèque est encyclopédique ou spécialisée, selon la nature de l'utilisateur, selon l'actualité, etc. Avec juste raison M. Richter insiste sur les problèmes posés par les polysémies et les synonymies, points sur lesquels la Norme reste vague.
Le problème de la cohérence du catalogue a été trop souvent négligé, et on n'a pas toujours vu qu'un catalogue de matières devait être pensé par tranche afin d'éviter les dispersions, l'auteur s'élève avec juste raison contre l'emploi du langage libre et il insiste sur la nécessité du contrôle, listes et fichiers d'autorité ont été trop longtemps ignorés d'où des catalogues informes.
Les chapitres sur les formes des vedettes et des sous-vedettes sont plus classiques, ils suivent d'assez près la Norme. Cette dernière n'insiste pas assez clairement sur les renvois et les orientations. Les examinateurs s'en aperçoivent, la plupart des candidats faisant en général des vedettes acceptables, mais des renvois totalement aberrants. De plus, beaucoup de bibliothèques n'ont pas assez de renvois d'orientation, en tête des tranches selon la Norme. Le chapitre 8 leur donnera d'excellents exemples, ainsi que les suivants sur les sous-vedettes.
La Norme Z 44-070 ne fait qu'esquisser le problème de l'intercalation des vedettes de matières et ses exemples ne sont pas toujours pertinents. Les usages des grandes bibliothèques sont discutables quand ils s'éloignent trop des usages du catalogue par auteurs, on aboutit alors à l'incohérence. M. Richter dans ses exemples rétablit l'unité, les usagers lui en sauront gré.
On a tendance à considérer, et malheureusement à enseigner, que le "Catalogue alphabétique de matières" est un instrument dépassé et que la recherche de l'information exige des "descripteurs" et des "mots clés", c'est exagéré car cela dépend de l'importance du fonds. Un centre spécialisé a avantage à se servir d'un thesaurus de descripteurs, mais une bibliothèque encyclopédique ne s'en satisfait pas, les "Macrothesauri", d'ailleurs peu nombreux, se placent à un niveau trop générique. Avec ses possibilités de trois, quatre ou cinq sous-vedettes, de point de vue, de lieu, de date, de forme, etc. la vedette du catalogue alphabétique de matières est bien plus souple, plus adaptable à un ouvrage précis. Revu par les méthodes de la documentation le catalogue alphabétique de matières a encore un long avenir devant lui dans les bibliothèques nationales, universitaires et les grandes bibliothèques publiques. L'ouvrage de M. Richter aidera à l'indispensable révision de la Norme et à une meilleure élaboration de ce catalogue.