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    Notes d'un voyage au Japon

    Par Michel Marion

    EN février 1981, j'ai eu l'occasion de passer quelques jours à la Maison franco-japonaise, à Tokyo. Pendant ce séjour, j'ai visité un certain nombre de bibio-thèques et pu rencontrer des confrères nippons, qui ont été merveilleux de courtoisie et d'attention.

    Il n'est pas question ici, de faire une présentation de la situation des bibliothèques japonaises, mais, simplement de rapporter quelques impressions. Je n'ai vu, en effet, que les bibliothèques de la Maison franco-japonaise, des instituts français de Tokyo et de Kyoto, la bibliothèque de la Diète, la bibiothèque centrale de Tokyo (the Tokyo métropolitain central library) la bibliothèque médicale de l'université de Keio Kitasato Memorial Medical Library, à Tokyo, et abordé quelques problèmes au cours d'une réunion tenue par la Société des bibliothèques francophones.

    La Diète.

    Reconstruite après la guerre - rappelons que Tokyo était dans le même état que Varsovie -, c'est un grand bâtiment conçu comme un silo à livres entourés de bureaux et de salles de travail. Largement ouverte au public, puisqu'il n'y a pas de cartes de lecteurs, sauf pour la salle réservée aux chercheurs, elle est très fréquentée par les étudiants et aussi par les « curieux » qui viennent y rechercher des éléments de travail, et s'informer auprès d'un service bibliographique efficace. Un très grand nombre de salles spécialisées répond, en principe aux demandes des lecteurs : consultation des périodiques avec une large utilisation des appareils de lecture de microfilms ; catalogues collectifs des ouvrages étrangers se trouvant dans les principales bibliothèques japonaises ; salle de lecture proprement dite ; salle de références bibliographiques ; salles de référence bibliothéconomique et professionnelles ; salle de la réserve. Les fichiers sont d'une utilisation facile. Par contre le temps d'attente des livres qui ne sont pas en accès direct, et c'est la majorité dans cet établissement qui en possède près de 3 500 000, est relativement long (de l'ordre de la demi-heure) étant donnée la mécanisation séduisante mise sur pied par les organisateurs. Les magasins sont bien entretenus mais saturés. Aussi la construction d'autres bâtiment vient-elle d'être entreprise.

    La Bibliothèque centrale de Tokyo.

    Ouverte en 1973, c'est assurément la plus séduisante de toutes les bibliothèques que j'ai vues. Construite dans un cadre agréable, dans le parc de l'ancienne Maison de la Noblesse, elle s'élance sur 5 niveaux, qui ont tous leur spécialisation et leur salle de lecture. Un des plus intéressants est assurément celui où se trouve rassemblée la documentation concernant la ville de Tokyo (50 000 volumes).

    Riche de 1 million de volumes dont 200 000 en accès libre (elle a atteint la moitié de sa capacité depuis son ouverture !), c'est une bibliothèque de documentation pour le plus grand nombre et j'ai pu constater combien elle était fréquentée le dimanche matin où je m'y rendais. Elle conserve également un fonds ancien intéressant et à bien des égards supérieurs à celui de la Diète.

    Un effort particulier a été fait pour les handicapés, tant au niveau des commodités que de la lecture : tapis pour guider la marche des aveugles, salle de lecture à haute voix, appareils grossissants pour les moins-voyants, etc.

    La Bibliothèque médicale de l'université de Keio (Kitasato Memorial Medical Library).

    Elle date de 1933 et a été fondée moins pour les étudiants en médecine que pour les chercheurs et les membres du corps médicadésireux de poursuivre leur propre formation professionnelle. Ce n'est point une bibliothèque publique, d'autant moins que l'université de Keio, n'est pas d'Etat. Elle m'a intéressé surtout à cause de ses relations avec des bases de données américaines et par le grand nombre d'ouvrages étrangers et de périodiques qu'elle reçoit. Malheureusement la recherche médicale française - pourtant de haut niveau - ne s'y trouve que sous forme de classiques et de périodiques auxquels s'abonnent les étudiants français des premières années. Il est vrai que nombre de savants publient de préférence en anglais, dans des revues anglo-saxonnes. On ne peut hâtivement en conclure que la recherche médicale française est inconnue des Japonais. De ce point de vue, l'honneur est presque sauf !

    La Bibliothèque de la Maison franco-japonaise.

    Je ne citerai que pour mémoire les bibliothèques des instituts français de Tokyo et de Kyoto, honnêtes services de ces établissements, de composition essentiellement littéraire et d'accroissement médiocre - mais non de mauvaise qualité - eu égard à la faiblesse des crédits qui leur sont alloués.

    La bibliothèque de la Maison franco-japonaise est intéressante à plus d'un titre, d'abord à cause du prestige qu'a cet établissement dans le monde savant, ensuite parce qu'elle a été longtemps la seule bibliothèque francophone du Japon, le seul centre à pouvoir offrir un choix excellent de livres en français aux japonais. Riche de 40 000 volumes de haut niveau, mais de nature encyclopédique elle est en train d'entreprendre une reconversion qui lui permettra d'être le fer de lance de la recherche française au Japon. Comme beaucoup de nos bibliothèques, elle a souffert de dotations distribuées avec parcimonie, et surtout de la concurrence des grandes bibliothèques universitaires du Japon, qui ont su en quelques années profiter des crédits généreusement dispensés par leur autorités, et créer des fonds en littératures occidentales, où le français n'est que relativement représenté mais acheté tout de même. Le fonds français de la bibliothèque universitaire de Kyoto dépasse largement le chiffre total de la bibliothèque de la Maison. Soigneusement composées par les bibliothécaires, puissamment aidés par les enseignants, soutenus par un réseau de librairies spécialisées en langues étrangères, et qui proposent non seulement les nouveautés de la Bibliographie de la France, mais aussi un choix de titres rétrospectifs, les bibliothèques peuvent offrir à leurs étudiants des ouvrages remontant largement dans notre XIXesiècle.

    Certes les bibliothécaires japonais sont confrontés à des problème graves quant à l'avenir de leur profession, le moindre n'étant pas celui de la formation professionnelle et les débouchés, à la perspective de crédits moins abondants et pour les francophones à l'invasion de l'anglais, qui relègue notre langue au niveau de l'attention polie des interlocuteurs et sa connaissance au musée des curiosités !

    De ce passage, il me reste l'impression d'avoir rencontré des gens - bibliothécaires et lecteurs - extrêmement appliqués au travail, bénéficiant de conditions encore favorables du point de vue des crédits, affrontant des problèmes peu différents des nôtres, en particulier sous l'angle de l'inflation documentaire et de l'introduction de l'informatique. Je n'ai d'ailleurs pas eu l'impression que cette dernière est omniprésente, mais loin de moi d'en déduire, comme l'Anglais qui débarquait à Calais au 18esiècle, qu'elle existe pas... Le Congrès de IFLA qui se tiendra en 1985 à Tokyo permettra à tous d'en juger.

    Bibliographie sommaire

    Libraries in Japan. Tokyo, Japan Library association, 1980, 48 p. KULIC (Keio University libraries and information centers) N° 12 et 13 (1979-1980).

    FRANK (B.) IYANAGA (S.). - La Maison francojaponaise, son histoire ses buts, son fonctionnement in Nichifutsu Bunka, Tokyo, N° 31, 1974, pp. 1 - 98.

    A classified catalogue of books of the Henri Cordier collection, Tokyo, Keio university, 1979. 149 p.

    Diverses publications de la bibliothèque de la Maison franco-japonaise.

    Catalogues de libraires japonais.