L a situation de la fourniture du document connaît actuellement en France une évolution sensible.
Jusqu'à présent, tous les efforts étaient consacrés à l'information documentaire, à la construction et à l'interrogation de bases de données. Après quelques années, le problème de la fourniture matérielle du document s'est posée avec une grande acuité, par-suite d'une situation documentaire de plus en plus difficile et de collections de plus en plus lacunaires (par rapport au total de la production mondiale).
Celle-ci est particulièrement mauvaise en France, comme en témoigne la statistque annuelle du prêt interbibliothèques : 600 000 prêts en France 3 250 000 en Grande-Bretagne 2 000 000 en Allemagne Fédérale.
On pourrait penser que cette faiblesse des prêts est due à la richesse des collections de bibliothèques qui n'ont pas besoin d'emprunter, mais la baisse des crédits qui a provoqué des suppressions d'abonnements (6000 d'après le rapport Roux-Fouillet (D), et l'arrêt presque total des achats de livres, ne peuvent justifier ce point de vue.
Il est aussi possible, grâce à l'Inventaire Permanent des Périodiques Etrangers (IPPEC) de chiffrer la presque totalité des périodiques étrangers reçus en France : 50 000 environ, sur un total de 400 000, et grâce au Catalogue Collectif des Ouvrages Etrangers (CCOE), le total des livres étrangers achetés chaque année en France: 125 000 par rapport à une production mondiale de 600 000 environ.
Les lacunes des collections françaises peuvent être ainsi globalement démontrées, mais ne permettent pas d'expliquer la faiblesse du prêt interbibliothèques en France, sinon par un blocage psychologique.
N'ayant aucun espoir de trouver un document, les chercheurs renoncent à le demander. Un mauvais service s'autodétruit. Mais il est une autre explication : c'est l'organisation du système, ou plutôt, son inorganisation. Il repose en effet sur une conception libérale totalement décentralisée et totalement inorganisée. Chaque bibliothèque ou centre de documentation est libre de prêter, ou de ne pas prêter, d'emprunter ou de ne pas emprunter. Il n'y a aucun formulaire obligatoire, aucun règlement, aucune répartition autoritaire des achats et des prêts.
Les résultats de cette fourniture du document sont devenus tellement insuffisants dans notre pays, malgré le recours obligatoire à l'étranger, que la conscience du problème a émergé dans les esprits et provoqué certaines modifications qui méritent d'être signalées.
Il faut dire que cette fourniture du document est la mission fondamentale des bibliothèques et que son insuffisance risquait de conduire les bibliothèques à leur perte.
Il est trop tôt pour dire si ces modifications sont des améliorations, bien que ce soit l'objectif recherché, mais elles apportent un changement qui doit être connu.
Le centre de documentation scientifique et technique du CNRS reste le plus gros fournisseur de documents en France.
Les statistiques donnent pour 1980 :
Le taux de satisfaction est de 92,43 % en augmentation par rapport à 1979.
Ce taux de satisfaction élevé est dû à la politique du CDST.
La majeure partie des demandes est envoyée après vérification dans son catalogue, qui, largement diffusé, permet un envoi à coup sûr. 45 % des demandes proviennent du secteur industriel. La grande question soulevée par le CNRS est son évolution. En 1960, il prêtait déjà 300 000 documents et n'a donc que peu évolué. Pendant la même période, la BLLD est passée de 300 000 à 3 000 000. Pourquoi cette différence ? -
La « politique définie ci-dessus avec l'absence de livres, le refus du prêt, explique en partie cette stagnation. Mais il y a sûrement d'autres raisons (délais de réponse importants, prix des services rendus, volonté d'une information rentable plus que d'un service public, moyens financiers et locaux très insuffisants) qui justifieraient une analyse approfondie.
La Direction du CDST envisage dans l'immédiat, plusieurs améliorations à son service :
Crée en 1935 pour le contrôle de la circulation des livres précieux et des manuscrits, le Service Central des Prêts avait vu, sur l'impulsion de Monsieur Nortier, sa fonction élargie à la réception de dons (nombreux), à partir desquels se sont constituées progressivement des collections de 100 000 livres, 30 000 thèses et 16 000 titres de revues. Une lettre du Ministre des Universités de février 1980 a précisé la fonction du Centre de Prêt : fournir aux bibliothèques étrangères (1) la documentation d'origine française, conformément aux principes de l'UAP.
Suivant les instructions de cette lettre, le Centre de Prêt s'est vu attribuer depuis le 1.1.80 un exemplaire de tous les livres reçus à la B.N. par Dépôt Légal et une exemplaire de toutes les revues françaises non affectées aux Echanges.
Ces collections françaises complètes depuis 1980 viennent donc s'ajouter aux collections reçues par don qui continuent à parvenir très régulièrement au Centre en provenance des bibliothèques ou de personnes privées qui ne peuvent plus conserver ces collections. Ces dons sont particulièrement importants pour le Centre de Prêt puisqu'ils permettent de compléter les collections pour les documents français avant 1980.
Il complète aussi ses collections d'avant 1980 par des achats lorsque l'ouvrage est encore disponible, et par des attributions du Service des Echanges. De plus, il reçoit de la Bibliothèque Nationale un exemplaire de toutes les microfiches effectuées par le Service photographique de celle-ci et par le nouveau Centre de Restauration situé à Sablé. En effet, dans le cadre d'un grand plan de sauvegarde, la Bibliothèque Nationale va reproduire en microfiches près de 1 million de livres rendus inutilisables par l'usage ou par l'acidité du papier. Il s'agit surtout d'ouvrages du XIXe et du XXe siècle.
Le Centre de Prêt a par ailleurs bénéficié d'un accroissement de personel en 1980 et d'une meilleur organisation matérielle. La décision du Ministre est d'installer ce Centre à Troyes dans les locaux d'un lycée désaffecté, mais le transfert ne pourra être effectué avant quatre ou cinq ans. En attendant, il a donc été décidé de tirer le meilleur parti de la Grande Ecurie du Roy à Versailles, en occupant une aile du bâtiment et un grand manège de 650 m2, dans lequel pourront être installés en autoporteur, 30 000 mètres de rayons.
Les procédures de traitement des demandes ont été améliorées avec deux équipes ; celle de Versailles reçoit toutes les demandes, effectue une première recherche de localisation dans les catalogues du Centre de Prêt. Il n'a pas été possible, par manque de place et parce que les collections sont trop lacunaires, de classer les ouvrages alphabétiquement et de supprimer l'étape des fichiers.
Cette première recherche permet l'expédition rapide d'un certain pourcentage des prêts.
Les demandes non trouvées sont ensuite rapidement identifiées à partir de bibliographies courantes et revérifiées dans le catalogue. Une partie est envoyée à des bibliothèques de Paris et de province. L'équipe de Paris reçoit le reste des demandes pour une vérification plus approfondie dans les outils bibliographiques possédés par la Bibliothèque Nationale et pour une transmission aux bibliothèques parisiennes. Elle utilise aussi les collections de la B.N. pour une photocopie (périodiques), ou un microfichage (livres anciens introuvables ailleurs).
Grâce à ses doubles, à ses microfichages et à ses collections, la BN est donc un support indispensable du prêt. Elle est complétée par les Bibliothèques parisiennes (Sorbonne, Sainte-Geneviève, Institut Catholique...), et par les bibliothèques de province qui veulent bien prêter.
En attendant que le Centre de Prêt se soit constitué des collections importantes, le support de ces bibliothèques est absolument nécessaire. Nous espérons l'utiliser de moins en moins. Ce rôle est démontré par les statistiques suivantes :
81 manuscrits ont en plus transité par le CNP pour la restauration et les expositions.
Ces statistiques datent de 1980, c'est-à-dire avant que les nouvelles mesures aient pu être efficaces.
Il faudra attendre la fin de 1981 pour voir sur les prêts l'effet de la réception du Dépôt légal et celui de la nouvelle organisation. Une chose est actuellement évidente, le délai de traitement des demandes a été considérablement raccourci par la méthode à deux niveaux. La plupart des demandes sont maintenant traitées dans la journée.
(2) Le Ministère des Universités a cherché à combattre la crise actuelle de la documentation par la création des Centres d'acquisition et de diffusion de l'information scientifique et technique (C.A.D.I.S.T.). Considérant que la création d'un Bibliothèque centrale de prêt pour les publications étrangères, c'est-à-dire l'attribution au Centre de Prêt de la Bibliothèque Nationale d'une responsabilité les concernant, eût représenté un effort financier insupportable, le Ministre des Universités a préféré confiera une vingtaine de bibliothèques la charge d'une trentaine de disciplines.
Une enquête sur les spécialités des bibliothèques a été effectuée le 14 février 1980.
Le 11 septembre 1980 ont été choisies les onze premières bibliothèques devant recevoir un Cadist (cf. annexe).
Les bibliothèques désignées relèvent toutes de l'ancien ministre des universités mais ne sont pas forcément des bibliothèques Universitaires. Des bibliothèques de Grands Etablissements ou d'Instituts ont été choisies en fonction de leur fonds.
Dix-neuf autres Cadist verront le jour en 1982.
La mission de ces Cadist peut se résumer en deux points :
Les modalités de fonctionnement sont déterminées par une convention signée par le ministre des Université et l'Université siège de la Bibliothèque.
En 1980, une somme de 2,6 millions de francs a été distribuée ; 6 millions sont inscrits au budget de 1981.
Ces acquisitions sont contrôlées par un comité national d'acquisition (un par discipline) composé d'universitaires. Elle en établit chaque année la liste qu'elle fait circuler. Elle en assume le prêt ou la photocopie tout au long de l'année, et se dote à cet effet de moyens techniques suffisants.
Toutefois les Cadist ne remplacent pas les bibliothèques ni le prêt interbibliothèques.
Le rôle des bibliothèques vis-à-vis de leur clientèle locale est maintenu (même si la bibliothèque est Cadist), que ce soit par des ouvrages de référence ou par des ouvrages spécialisés adaptés aux travaux de recherche poursuivis dans l'Université.
Par ailleurs, les bibliothèques continuent d'utiliser entre elles le prêt interbibliothèques traditionnel car le Cadist n'est qu'une bibliothèque de recours qui n'intervient que dans une deuxième étape.
Cette double mission des bibliothèques et ce double niveau sont bien marqués par le Ministre des Universités qui demande que les collections achetées sur les fonds Cadist restent séparées des fonds propres de la bibliothèque, afin qu'elles soient toujours disponibles et transférables ailleurs, s'il y a changement de Cadist.
Il est beaucoup trop tôt pour mesurer l'efficacité des Cadist, mais on peut dès maintenant craindre la complexité du système mis en place, un conflit de fonction entre les lecteurs sur place et le prêt interbibliothèques, un manque de clarté dans l'organisation avec l'existence de deux niveaux et l'insuffisance des moyens en personnel et en crédits ne permettant pas d'acquérir la totalité de la production scientifique qui fait défaut, et d'assurer, dans un délai raisonnable, la fourniture du document en prêt ou en photocopie. Déjà saturées par la demande locale, les bibliothèques pourront-elles tenir tête à mille demandes de prêt par jour ? Il s'agit en effet d'un Centre de prêt éclaté et réparti, rattaché de façon parasitaire à des organismes existants. Cette création témoigne d'une confusion de conception qui à long terme nuira à leur fonctionnement : confusion entre le prêt interbibliothèques et le service au lecteur.
Néanmoins, cette initiative des Cadist aura permis d'injecter dans le circuit des bibliothèques universitaires un peu de l'oxygène dont elles ont le plus grand besoin.
Les dernier des instruments de la fourniture des documents qui a vu sa situation modifiée est l'Inventaire Permanent des Périodiques Etrangers en Cours (IPPEC).
Publié depuis 1952 et automatisé depuis 1965, l'IPPEC n'avait pas changé depuis 1980. Tous les quatre ou cinq ans, il était publié sous la forme d'un volume supplémentaire qui recensait les titres en cours dans 2300 bibliothèques.
L'automatisation n'avait pas modifié ce résultat et la photocomposition produisait le même volume avec un effort beaucoup plus important du Service. Son seul mérite a été la cumulation des données enregistrées depuis 1965.
Il fallait à tout prix changer cette situation car la réception des bordereaux, leur vérification, leur enregistrement, leur traitement informatique, devenaient de plus en plus lourd et le délai de publication de plus en plus long.
Le dernier volume, publié en 1977 recensait les titres reçus en 1974.
Pour obtenir ce changement, une seule solution paraissait efficace, la mise en conversationnel du fichier IPPEC, non seulement pour l'interrogation par les bibliothèques, mais aussi pour la gestion.
La saisie, les corrections, la mise à jour en conversationnel exigent trois fois moins de travail qu'en différé (contrôle, rédaction d'un bordereau, saisie de ce bordereau sur des key-tape, traitement informatique, deux à trois circuits de corrections, listing...), puisqu'elles ne demandent que deux opérations : l'appel de la notice sur le terminal et la procédure de correction. Ce résultat est immédiat. Ce gain de temps doit permettre de rattraper le retard de traitement des bordereaux et de fournir un instrument à jour.
Plusieurs atouts favorables ont permis en 1981 la réalisation de ce projet :
Il a paru préférable de rattacher un futur catalogue collectif national en conversationnel au fichier du CIEPS afin d'avoir une garantie de catalogage et un élément objectif de citation : l'ISSN.
Enfin, la volonté depuis longtemps affirmée par le Service de l'IPPEC, de modifier son circuit.
Tous ces éléments ont déterminé le déroulement de l'opération : les deux fichiers IPPEC et ISDS ont été mis sur disque à Grenoble sous le logiciel TEXTO. Chacun a gardé son format et sa structure d'origine. Un index des titres compactés a été créé pour chacun. Les titres des périodiques ont été pris tels quels avec suppression des blancs, accents, majuscules, ponctuation, et mis dans l'index. ex : actamedicascandinavica absceesquarterlyreview Une comparaison des deux index a permis de retrouver 12.000 titres identiques et d'attribuer ainsi 12.000 ISSN aux notices de l'IPPEC.
Le fichier des notices retrouvées a été chaîné au fichier ISDS pouvant ainsi à l'interrogation donner deux notices en une seule réponse : la notice ISDS suivie de la notice IPPEC contenant les localisations.
Le principal était alors réalisé. Il a exigé en gros deux mois de travail.
La suite des opérations a compris :
Mais cette première expérience est en elle-même insuffisante. Le Service des Bibliothèques et la Division de l'information scientifique et technique (l'IPPEC aussi, bien sûr !) souhaitaient la création d'un catalogue collectif unifié des périodiques, permettant de fusionner les trois catalogues actuels, inutilement concurrents.
C'est pourquoi la DIST et le Service des Bibliothèques ont décidé de tester le fonctionnement de l'IPPEC sous TEXTO avec une vingtaine de bibliothèques.
Après quoi, seront introduits dans le système, le Catalogue des périodiques informatisé (CPI) de Grenoble et AGAPE. Utilisant les mêmes techniques, ces catalogues seront mis sur disque, indexés, comparés à l'ISDS et chaînés à celui-ci lorsque l'iSSN sera identique.
Ils viendront compléter l'IPPEC pour tous les titres français et tous les titres récents non encore traités à l'IPPEC.
De même, le fichier nouvellement informatisé du « Répertoire de la Presse » sera rajouté.
Ainsi sera constitué un Catalogue national de périodiques (CANAPE) recensant la totalité des titres possédés par les bibliothèques françaises. Restera évidemment un énorme travail de « nettoyage » pour éviter les doublons et les incohérences, mais cette base de données permettra à la fois un accès immédiat et relativement peu coûteux à tous les périodiques disponibles dans les bibliothèques, ainsi qu'une mise à jour rapide et décentralisée. Rapide, elle évitera les délais d'un traitement par lot ; décentralisée, elle répartira la tâche de saisie en rapprochant celle-ci des collections elles-mêmes.
Mais cette base de données ne sera pas seulement accessible en ligne ; elle produira des cumulatifs sur papier ou microfiches, (un cumulatif est déjà prévu pour 1982), des listes par bibliothèque, par région, par langue, par pays, et lorsqu'une classification sera introduite, par sujet.
Sera ainsi constitué l'instrument collectif que tout le monde espère depuis longtemps en attendant que la même opération puisse être entreprise pour les livres.