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    L'accès au livre en milieu de santé

    Par Georgette Rappaport

    C'est au siècle qu'on a vu des « services de distribution de livres» dans les hôpitaux, à l'initiative de quelques philantropes qui soulageaient ainsi la misère !

    Puis, entre les deux guerres, les Assistantes sociales se sont intéressées à ce problème et ont essayé de développer ce secteur dans des hôpitaux de longs séjours.

    C'est ainsi qu'en 1 945, les pouvoirs publics ont pris le relais par des textes administratifs relatifs aux «bibliothèques dans les établissements de cure », ces derniers étant des sanatoriums et des préventoriums (1) . Ces bibliothèques avaient un objectif essentiellement pédagogique destiné à faciliter la réinsertion des jeunes malades dans la vie active.

    Les autres types d'hôpitaux et d'établissements de soins échappent complètement à ces textes.

    C'est ainsi que ce sont mis en place des « activités de lecture » par l'intermédiaire d'Associations du type Loi de 1901, animées par des personnes bénévoles.

    Actuellement, ce sont ces associations qui, avec des moyens divers et souvent réduits, prennent en charge la lecture des personnes isolées, pour des raisons de santé, des circuits de lecture traditionnels.

    Dépendant essentiellement du dynamisme de leur responsable, ces associations fonctionnent de manière très disparate et présentent une précarité importante quant à leur survie. (2)

    Et pourtant, si la notion de « distraction des malades est à l'origine de la création de nombreuses associations, l'on remarque actuellement chez certains de leur responsables, une ferme volonté de mise en place d'une véritable structure de Lecture Publique, à l'image de celle offerte aux personnes valides.

    En effet, alors qu'à l'étranger les bibliothèques publiques en collaboration avec les administrations hospitalières prennent en charge depuis fort longtemps la lecture de ce secteur spécifique (3) , en France, cette population est carrément exclue du réseau de Lecture Publique.

    On sait pourtant qu'en 1979, plus de 2 millions de personnes ont eu accès à des « activités de lecture en milieu de santé. Ce chiffre, non négligeable, ne représente pas la totalité des personnes hospitalisées ou momentanément «isolées» pour des raisons de santé.

    C'est dire l'importance de ce secteur, auquel vient s'ajouter, au sein des établissements de santé, d'autres publics ayant peu accès aux circuits de lecture traditionnels.

    1) Quels sont les publics concernés par la Lecture en milieu hospitalier ?

    L'hôpital est une communauté qui réunit, outre les malades, les familles qui les accompagnent ou les visitent, et les personnels hospitaliers.

    C'est en direction de ces trois types de public que doivent être menées les actions de lecture et que doivent s'ouvrir, au sein des établissements, des bibliothèques multimédia.

    • a) En ce qui concerne les malades, le temps d'hospitalisation est pour tous, même s'il est de courte durée, un temps disponible. Momentanément isolés de leur milieu familial et professionnel, les malades lisent. Les statistiques relevées à la Bibliothèque Centrale des Hôpitaux de l'Assistance publique, nous permettent de dire, qu'en milieu de santé, un malade sur trois lit.
    • b) Les familles des malades qui ont de plus en plus facilement accès à l'hôpital, y séjournent parfois longtemps en particulier en pédiatrie. Leur accueil à la bibliothèque pendant de longues attentes ou leur participation aux activités culturelles des malades nous semble très bénéfique. Dans certains services hautement spécialisés de pédiatrerie où les parents restent avec leurs enfants durant toute la journée, le bibliothécaire joue souvent un rôle d'information et de promotion de la lecture auprès des familles.
    • c) Enfin, les personnels hospitaliers, qui représentent 1,5 fois le nombre des malades, doivent être intégrés aux activités culturelles de l'établissement. Ils se répartissent en 3 catégories de travailleurs : les personnels soignants, administratifs et ouvriers.

    Pour tous, et des enquêtes ponctuelles menées à l'A.P. le confirment, la bibliothèque de Lecture Publique est indispensable au sein de l'établissement. Pour des raisons diverses, liées aux horaires, à l'éloignement du domicile, aux surcharges professionnelles et familiales, ces personnels fréquentent peu ou pas les Bibliothèques Publiques.

    Pour répondre à tous ces besoins, il est nécessaire de les évaluer avec précision en tenant compte de l'organisation du monde hospitalier qui conditionne toutes les activités.

    2) Évaluation des besoins

    • a) En ce qui concerne les malades, la haute technicité de la médecine hospitalière a modifié leur recrutement.

    Désormais, toutes les catégories socio-professionnelles sont représentées à l'hôpital, avec toutefois, un pourcentage plus élevé de catégories défavorisées en direction desquelles les actions de lecture sont essentielles.

    On sait que les malades se répartissent dans les hôpitaux en fonction :

    • de leur âge,
    • de la nature de leur maladie ou handicap
    • de leur temps d'hospitalisation.

    Ces trois facteurs sont essentiels à la mise en place de toute structure de lecture et on comprendra que l'accès au livre est fondamentalement différent suivant que l'on exerce :

    • dans un hôpital général (court séjour)
    • dans un hôpital spécialisé (pédiatrie, rééducation fonctionnelle, cardiologie)
    • dans un hôpital de psychiatrie
    • dans un hôpital de gériatrie (long séjour).

    Dans ces divers types d'hôpitaux, on rencontre globalement 5 catégories de lecteurs :

    • 1) les bons lecteurs qui attendent de la Bibliothèque de l'Hôpital les mêmes services qu'en Bibliothèque Publique,
    • 2) les lecteurs qui ont perdu le contact avec le livre, souvent dès la fin de leur scolarité, et qui le redécouvre à l'hôpital,
    • 3) les non-lecteurs qui lisent pour la première fois à l'hôpital,
    • 4) les lecteurs étrangers, qui lisent lorsqu'on leur propose des ouvrages dans leur langue d'origine et proches de leurs intérêts,
    • 5) les enfants qui sont de grands consommateurs de livres.

    Pour tous ces lecteurs, l'objectif prioritaire des bibliothécaires, est le prêt de livres et autres médias, au chevet des malades qui ne peuvent se déplacer. Cette demarche est intéressante dans la mesure où elle permet d'atteindre tous les publics, et en particulier, ceux qui ne seraient jamais venus en Bibliothèque Publique.

    Elle est, par ailleurs insatisfaisante, dans la mesure où un chariot de livres ou autres documents, n'est qu'une représentation réduite d'une collection. Ainsi, dès que les lecteurs ont la possibilité de se déplacer, il est beaucoup plus intéressant de les diriger vers la bibliothèque-salle de lecture où ils auront accès à des collections variées et à des médias divers, qu'ils pourront emprunter ou consulter sur place.

    Lieu d'accueil, de rencontre et de communication, cette structure extra-hospitalière, souvent la seule de ce type dans l'hôpital, joue un rôle certes culturel, mais également social et thérapeutique.

    Précisons que la compétence et le dynamisme des bibliothécaires des hôpitaux, beaucoup plus sollicités par les lecteurs qu'en bibliothèque publique, contribuent au succès de ces activités.

    A l'Assistance publique on remarque fréquemment que, si les contacts bibliothécaire-lecteur ont été bons, l'action de lecture est souvent poursuivie par les malades à leur sortie de l'hôpital.

    • b) L'évaluation des besoins en direction des familles mérite également d'être étudiée. Mais les données sont très fluctuantes et ne permettent pas une étude rigoureuse. C'est à l'usage que l'on verra si les familles viennent nombreuses et souvent, et on adaptera les fonds en fonction de ces constats-tions, ainsi que les modalités de prêt.
    • c) En ce qui concerne les personnels hospitaliers, on sait qu'ils représentent une fraction non négligeable du public concerné par les activités de lecture à l'hôpital. Outre un véritable service de Lecture Publique de qualité, on doit prendre en considération les besoins spécifiques de ces lecteurs. Les collections doivent réserver une place aux documents d'Education Sanitaire, d'Economie de la Santé, de Gestion hospitalière... à moins qu'il n'existe une autre bibliothèque destinée à diffuser ces documents au sein du personnel.

    La bibliothèque destinée à tous les personnels, doit adapter ses horaires d'ouverture afin d'atteindre toutes les équipes, y compris celles de garde.

    L'accueil du personnel à la bibliothèque multimédias, outre son rôle culturel, doit permettre à tous de se retrouver dans un lieu informel, hors de toute structure hiérarchique. Il serait souhaitable que les personnels hospitaliers bénéficient d'un temps de bibliothèque sur leur temps de travail pour que toutes les catégories de travailleurs puissent la fréquenter. La même demande a été faite par les bibliothèque des comités d'entreprise (4) .

    Comment satisfaire les besoins de tous ces public?

    C'est la mise en place d'un véritable service de Lecture Publique, à l'instar de nombreux pays étrangers, qui permettra de créer un réseau de qualité.

    Pour y répondre, certaines exigences doivent être satisfaites.

    Elles concernent en particulier :

    • a) l'implantation obligatoire de bibliothèques multimedias dans tous les établissements de santé, en fonction de leur taille, de leur spécificité et de leur situation géographique. (Normes indicatives IFLA)
    • b) le recrutement de bibliothécaires qualifiés, statutairement reconnus, et en nombre suffisant. Une formation complémentaire, basée sur les domaines de la Santé, doit être donnée à ce personnel, en cours d'emploi, au sein des établissements.
    • c) L'établissement d'un budget d'investissement et de fonctionnement permettant à ces bibliothèques :
      • d'acquérir des livres de qualité, proches des intérêts des lecteurs et en fonction de leur spécificité (livres en gros caractères, enregistrés sur cassettes, en langues étrangères...)
      • d'introduire en grande quantité des médias, autres que les livres, destinés à dynamiser le temps d'hospitalisation et à atteindre les non-lecteurs (cassettes, jeux, reproductions photographiques, films...)
      • de développer l'animation autour du livre en direction de :
      • tous les publics : expositions mobiles, lectures-rencontres, participation d'écrivains...
      • de publics plus spécifiques, en particulier les jeunes et les personnes âgées. Ces derniers très isolés et souvent sans famille, nécessitent une attention particulière : clubs de lecture, écoute collective de musique, fabrication d'un journal de souvenirs...

    Toutes ces activités supposent une étroite collaboration :

    • * au sein des établissements :
      • avec le personnel para-médical : ergothérapeutes, animateurs, éducateurs, assistantes sociales, psychologues... souvent intéressés par les activités de lecture à l'hôpital.
      • avec les associations culturelles ou socio-culturelles de l'hôpital.
    • * à l'extérieur des établissements :

    avec les Bibliothèques Publiques, les Musées, les Maisons de Jeunes, les Clubs d'animation (Age d'Or de France)...

    En conclusion, nous voudrions encore souligner l'importance du public concerné par la mise en place d'un réseau de lecture de qualité. Les besoins de lecture, au niveau culturel, social et thérapeutique, justifient la création de telles structures. Nous souhaitons enfin attirer l'attention des pouvoirs publics sur ce domaine resté inexploré en France, alors que dans certains pays d'Europe, les bibliothèques hospitalières de Lecture Publique, ouvrent leurs portes, non seulement à tous les publics des établissements de santé, mais également en direction des habitants de la ville.

    1. Circulaire N° 229 du 5 septembre 1945. retour au texte

    2. Voir rapport Vandevoorde retour au texte

    3. Voir documentation IFLA retour au texte

    4. Voir rapport Pingaud-Barreau retour au texte