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La conservation des éditions locales des quotidiens régionaux au département des périodiques de la bibliothèque nationale

1982

    La conservation des éditions locales des quotidiens régionaux au département des périodiques de la bibliothèque nationale

    Par Danielle Le Nan

    CONSERVER les éditions locales des quotidiens régionaux fut toujours une des préoccupations du Département des Périodiques (1) . Trouver la solution la meilleure pour maîtriser ces publications foisonnantes, puis réaliser les mesures adoptées, prit de nombreuses années. Faute de place et de personnel'pour recevoir les exemplaires, les trier, les pointer, réclamer les lacunes, emmagasiner les collections, le Département n'a eu longtemps que l'édition principale de ces journaux, celle de la ville, siège de la rédaction du quotidien. Les bibliothèques municipales conservaient, pour leur part, les éditions locales intéressant la région ou le département. Deux catalogues collectifs (2) , publiés l'un en 1958, l'autre en 1962, permettaient de localiser les centres de conservation. Mais les bibliothèques municipales connaissent les mêmes difficultés que la Bibliothèque nationale en matière de locaux et de personnel ; il était plus que probable que la totalité des éditions locales n'était pas conservée. Et la Bibliothèque nationale ne remplissait pas son rôle de conservatoire de la production nationale.

    Les entreprises de presse gardent dans leurs services d'archives des collections reliées de toutes les éditions publiées, à l'usage des journalistes, mais aussi d'un public de chercheurs, d'étudiants, de « curieux », qui s'intéressent de plus en plus à la vie lo-- cale. Un petit nombre de quotidiens régionaux, parmi les plus grands, confié à l'Association- pour la conservation et la reproduction photographique de la presse (3) - l'un d'eux dès 1 958 - la réalisation d'un microfilm 35 mm reproduisant les diverses éditions sorties ? le même jour. Les Dernières nouvelles d'Alsace, Midi libre, Nice matin, Le Provençal, La Voix du Nord, préparent selon une grille préétablie des « cahiers qu'ils envoyent à l'ACRPP, regroupant derrière l'édition principale les pages propres aux éditions locales.

    En 1975, le Département des Périodiques décida de suivre cet exemple et tenta l'expérience pour quatre journaux, comptant, à eux tous, environ vingt-deux éditions chaque jour. Il s'agissait de l'Echo du Centre, L'Indépendant, Nord Eclair, La République du Centre. Il fallut détacher une personne et demie, à temps complet, pour effectuer le travail, depuis l'arrivée des exemplaires à la Bibliothèque nationale jusqu'à la remise à l'ACRPP des «cahiers constitués. Le Département ne disposait ni du personnel, ni de la place, pour qu'une telle entreprise soit poursuivie et, à plus forte raison, développée, rue de Richelieu. A la fin de l'année 1 978, nous réussissions à faire prendre en charge la préparation à trois quotidiens sur quatre (Nord Eclair refusa), les journaux adressant eux-mêmes des «cahiers» à l'ACRPP.

    A la même époque, nous apprenions que la Bibliothèque municipale de Toulon faisait établir le microfilm du journal régional Var Matin par un façonnier de la ville. Jean Prinet, conservateur en chef du Département des Périodiques, décida alors au début de 1976 de faire une enquête auprès des bibliothèques municipales, dans l'intention de savoir s'il existait d'autres réalisations du même type. Les réponses qui nous parvinrent dans le courant du printemps nous assurèrent du contraire, mais nous orientèrent vers les entreprises de presse. Certains collègues nous apprenaient, en effet, que le quotidien de la région faisait reproduire ses éditions locales. Une enquête fut donc lancée, de juillet 1976 à février 1977, auprès des quotidiens régionaux qui n'étaient pas en rapport avec l'ACRPP. Elle permit de déterminer que les éditions de onze quotidiens étaient microfilmées dans l'entreprise même ou par un façonnier.

    Ainsi, sur les soixante-douze quotidiens régionaux (publiant ou non des éditions locales) qui paraissaient en France, au début de 1977, nous savions que vingt-huit de ceux qui avaient des éditions multiples étaient microfilmés depuis plus ou moins longtemps : quinze par l'ACRPP, onze par les entreprises de presse, un par les Archives départementales, un à l'initiative d'une bibliothèque municipale.

    Le Département des Périodiques pouvait donc envisager l'acquisition des microfilms dont il venait d'apprendre l'existence, mais après s'être assuré de leur qualité, à la fois pour la lisibilité du texte reproduit et pour la bonne conservation du support. Avant de passer commande, nous demandons à examiner des échantillons ; nous contrôlons, ensuite, toutes les livraisons reçues. Après certains examens, nous sommes amenés à communiquer aux journaux les observations du Service photographique en vue d'une meilleure prestation. Ces conseils techniques sont toujours très bien acceptés et le plus souvent suivis d'effet (4) .

    La politique d'acquisition s'est réalisée progressivement, en 1982, nous achetons directement aux façonniers une copie négative du film de huit journaux ; nous demandons à l'ACRPP de réaliser la duplication négative du film de deux quotidiens qui, confrontés à des questions techniques, ont préféré confier leurs bobines à cette association. Enfin, il reste toujours à persuader la direction de trois autres journaux de suivre le même exemple, puisqu'elles ne sont pas en mesure de commercialiser leur film.

    Une étape était ainsi franchie par le Département des Périodiques pour la conservation des éditions locales. Mais il restait encore un certain nombre de journaux à éditions multiples à sauvegarder. L'enquête de 1976/77 et l'expérience tentée par le Département entre 1975 et 1978 incitèrent l'Administration générale de la Bibliothèque nationale à nous donner les moyens de poursuivre. Depuis quelques années déjà, la perspective de voir, à une date prochaine, les magasins totalement pleins, à Paris comme à Versailles, sans aucune possibilité d'extension, poussait à rechercher de nouveaux locaux pour les Périodiques. L'ancien Couvent de Cordelières de Provins fut retenu, et l'on décida d'en faire un Centre de conservation et de reproduction de la presse, où pourraient être aussi microfilmées les éditions locales de journaux régionaux qui ne l'étaient pas encore. Pour entreprendre ce travail, il convenait, au préalable, de mettre à jour l'enquête dont les conclusions avaient été tirées en 1977. En effet, la presse régionale est « mouvante » : certains titres disparaissent ; d'autres réduisent le nombre de leurs éditions ou les suppriment tout à fait ; d'autres titres encore apparaissent et donnent naissance plus ou moins rapidement à des éditions multiples.

    L'enquête lancée en octobre 1979 révèla que le nombre des journaux régionaux, publiant ou non des éditions locales, était demeuré stable (71 au lieu de 72) et qu'il restait à reproduire dix-sept quotidiens totalisant quelque quatre-vingts éditions quotidiennes.

    La décision fut prise de mettre en oeuvre cette sauvegarde, dès 1980, un an avant l'ouverture du centre André François-Poncet qui ne fut inauguré que le 21 mars 1981. L'opération fut tout d'abord confiée à un façonnier installé à quelques kilomètres de Provins, puis entièrement reprise par la Bibliothèque nationale, au Couvent des Cordelières, en juillet 1981.

    Une fois connus les journaux à éditions multiples qu'il y avait à reproduire, il fallut en obtenir le dépôt régulier et complet. On demanda aux entreprises de presse que soient précisés les modes d'identification des différentes éditions, signalées plus fréquemment par un code (étoiles, symboles alpha-numériques, etc.) qu'en «clair» (villes, départements, cantons concernés). Pour faciliter le tri, on obtint également que les quotidiens expédient les exemplaires sous bandes (chaque édition séparément) portant dans la mesure du possible le signe distinctif de l'édition, plutôt qu'en paquets. Enfin, l'accord écrit des journaux fut sollicité en vue de la réalisation du microfilm pour la Bibliothèque nationale.

    Les journaux sont reçus à la régie du dépôt légal-Périodiques ; deux exemplaires de l'édition principale restent à paris pour la conservation et la communication ; les deux autres exemplaires et tous ceux des éditions locales sont envoyés à Provins. Là, une équipe de onze personnes trie, classe et pointe, pour chaque titre et chaque édition, les numéros reçus, dresse la liste des numéros manquants qui doivent être réclamés dans les délais les plus rapides ; après s'être assurée que les collections sont complètes, elle procède à la constitution des « cahiers » d'éditions locales (5) . Il s'agit d'un travail minutieux qui consiste à confronter tous les exemplaires d'une même journée, afin de repérer les pages communes à toutes les éditions et les pages d'informations locales, puis à classer, dans un ordre toujours identique, selon une grille pré-établie, les pages propres aux éditions locales derrière les pages de l'édition principale. La grille, dont le mécanisme a été mis au point par La Voix du Nord, annonce la composition de chaque édition et le classement des pages publiées le même jour. Le «cahier» est confectionné à partir des éléments que l'on a notés sur la grille, celle-ci permet, en suivant chacune de ses lignes, de reconstituer chaque édition ; elle est micorfilmée en tête de chaque «cahier». On utilise deux exemplaires de chaque édition afin que les pages à reproduire se trouvent toujours à droite pour l'opérateur, lorsque le cahier est ouvert (6) .

    Diverses difficultés se présentent au moment de l'établissement de la grille et de la confection du «cahier» : le nombre des éditions varie suivant les jours, sans que cela soit précisé sur le journal (regroupements ou, au contraire, dédoublements), leur mode de signalisation change, inopinément, et provisoirement... ce sont des modifications qui exigent du personnel soin et attention, et qui entraînent tout un courrier ou toute une série de communications téléphoniques, afin d'obtenir les éclaircissements nécessaires, que nos correspondants ne sont pas toujours en mesure de nous apporter d'ailleurs ! La publication de suppléments est une autre source de complications : suppléments vrais ou faux, intégrés dans la pagination du journal, ayant leur pagination particulière, ou non paginés, numérotés ou non, suppléments à toutes les éditions, à certaines seulement ou à une seule ; il faut décider, selon les cas et la présentation, de les classer en pages communes ou en pages locales, ou de les mettre à part du cahier, ils seront alors reproduits à la suite de celui-ci, précédés d'un texte d'annonce ou. image-témoin, cette particularité étant aussi signalée sur la grille de la journée. Quant aux doubles pages de publicité, à celles qui sont imprimées dans un autre sens que le reste du journal, c'est à la prise de vue surtout qu'elle pose un problème.

    Avant microfilmage, les pages des « cahiers » vont être soigneusement repassées, à l'aide d'un matériel approprié, afin que ne subsiste aucun pli qui pourrait gêner la lecture par la suite. Nous ne pouvons malheureusement pas remédier aux mauvaises impressions dues aux techniques nouvelles de tirage des journaux : les passages très blancs et déjà peu lisibles sur l'original sont souvent illisibles sur le film. Contrairement à ce qui se passait du temps de l'impression traditionnelle, il n'est pas possible de trouver d'exemplaires plus lisibles, parce que mieux encrés.

    La réalisation des microfilms a été confiée à l'ACRPP ; un contrat passé avec la Bibliothèque nationale lui a permis d'installer une antenne dans le Centre. La présence des opérateurs dans les mêmes locaux que le personnel chargé de la préparation des «cahiers» aide à résoudre plus facilement et plus rapidement certaines questions d'ordre technique. Conformément au cahier des charges que nous avons établi et aux normes en vigueur, l'ACRPP produit trois films : un négatif de première génération ou négatif de sécurité, un négatif de seconde génération qui servira pour tous les tirages futurs et d'après lequel est tiré le positif de troisième génératioon destioné à la communication à Paris. Les « cahiers» d'éditions locales, une fois microfilmés, sont soigneusement emballés de papier neutre et stockés dans les magasins de Provins.

    En juillet 1982 soixante-quatorze quotidiens régionaux paraissent en France ; quarante-neuf d'entre eux ont des éditions multiples qui sont désormais toutes reproduites ou le seront prochainement. La Bibliothèque nationale possède la plupart d'entre elles ; il lui reste à poursuivre avec trois entreprises de presse l'étude de la duplication de leurs films (L'Est républicain, Ouest France, Sud-Ouest), à organiser avec deux autres la prise en charge du travail à Provins (Le Courrier picard, La Dépêche du Midi), à espérer la réalisation rapide des projets de la Bibliothèque municipale d'Angers (Le Courrier de l'Ouest)...

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    Annexe 1 : Le courrier de Saône et Loire

    Les pages communes et les pages locales sont identifiées par des lettres.

    • * Pages communes : une consonne suivie d'une voyelle en haut et à droite. Les consonnes indiquent l'ordre de succession des pages communes (F et J ne sont pas utilisées) :
      • BA : 1 redes pages communes
      • CA : 21des pages communes

    Les voyelles indiquent l'ordre de succession des remaniements de chaque page commune (remaniements qui peuvent se produire en cours de tirage des éditions : complément d'information, corrections, nouvel emplacement des informations ou de la publicité...). Cet ordre de succession suit l'ordre des voyelles. Quand une page est remaniée plus de cinq fois, il y a doublement de voyelles (AA,; EE, etc.) :

    • Ex. : BA1 page commune primitive,
    • BE 1repage commune remaniée pour la première fois
    • BAA 1 re page commune remaniée pour la sixième fois

    Au fur et à mesure du repérage, on reporte les lettres sur la grille dans les cases correspondant à l'emplacement de ces pages dans chaque édition. Si les pages identiques se retrouvent au même emplacement dans les éditions locales et dans l'édition principale, elles sont indiquées par un simple tiret.

    • * Pages locales : la lettre Z suivie d'un numéro, de 1 à l'infini, en commençant par les pages locales de l'édition principale, et en continuant par celles des éditions locales successives. Cette numérotation est reportée sur la grille dans les cases correspondant à remplacement de ces pages dans chaque édition. Ex. : Z1 , Z2,Z3,...

    On entoure d'un cercle sur la grille les lettres et les chiffres correspondant à une page reprise d'une autre édition.

    Ainsi la grille signale par les lettres non cerclées toutes les pages différentes publiées le même jour sous le titre du journal dans ses différentes éditions ; ce sont ces pages qui constituent le cahier à microfilmer, matériellement, on groupe, pour chaque journée, les pages communes puis les pages d'informations locales, selon l'ordre de la grille ; toutes les pages correspondant aux numérotations encerclées sont éliminées ; on obtient ainsi un cahier dont les pages à microfilmer sont toujours à droite ; ces pages toutes recto sont numérotées de façon continue, en bas et à droite (coin inférieur extérieur) pour faciliter le travail de l'opérateur.

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    Annexe 2 : quotidiens régionaux, éditions locales reproduites sur microfilms (partie 1)

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    Annexe 2 : quotidiens régionaux, éditions locales reproduites sur microfilms (partie 2)

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    Annexe 2 : quotidiens régionaux, éditions locales reproduites sur microfilms (partie 3)

    1. Voir l'exposé fait au cours d'une réunion de la Section BN de l'ABF « Les Editions locales des quotidiens régionaux », publié dans le numéro du 31trimestre 1 978 du Bulletin d'information de l'ABF, pp. 139-140. retour au texte

    2. Répertoire collectif des quotidiens et hebdomadaires publiés dans les départements de la France métropolitaine de 1944 à 1956 et conservés dans les archives et bibliothèques de France. - Paris, Bibliothèque nationale (Département des Périodiques) et Université de Paris (Institut français de presse), 1958. - Catalogue collectif des journaux quotidiens d'information générale publiés en France métropolitaine de 7957 à 1961 . - Paris, Bibliothèque nationale (Département des Périodiques), 1962. retour au texte

    3. A.C.R.P.P., 4, rue Louvois 75002 Paris - Association fondée en 1958, régie par la loi de 1901. retour au texte

    4. C'est avec La Montagne que nous avons connu notre seuil échec jusqu'à présent ; la qualité du film ne s'améliorant pas, nous avons été obligés d'ajouter ce quotidien à notre programme de Provins, avec l'accord du journal qui réalise toujours un film pour son usage propre (cf. Annexe 2). retour au texte

    5. En juillet 1982, vingt journaux (vint et un si l'on compte pour deux l'édition française et l'édition bi-lingue de L'Alsace) totalisant quelque cent seize éditions quotidiennes sont traités à provins. retour au texte

    6. Cf. Annexe 1. retour au texte