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La collaboration entre éditeurs et bibliothécaires, deux exemples

1983

    La collaboration entre éditeurs et bibliothécaires, deux exemples

    Le catalogage avant publication et le catalogage partagé des publications officielles américaines

    Par Geneviève Boisard

    Durant la fin du mois d'août et le début du mois de septembre 1982 j'ai pu participer successivement à trois Congrès organisés à différents niveaux par la Fédération internationale des Associations de Bibliothécaires et faire une brève visite des services du Gouvernement printing office et de la Bibliothèque du Congrès à Washington.

    Ces différentes réunions ont toutes été pleines d'enseignement et m'ont permis de constater à quel point la collaboration entre éditeurs et bibliothécaires pouvait être fructueuse pour les deux parties.

    Le catalogage avant publication

    On sait que pour accélérer l'information bibliographique et la fournir à l'intérieur du livre, on a eu l'idée de rédiger les notices non d'après les ouvrages eux-mêmes mais d'après les épreuves ou des photocopies des pages liminaires fournies par les éditeurs. Cette idée lumineuse émise dès 1876 par Justin Winson avait fait l'objet d'une expérience à la Bibliothèque du Congrès de juin 1958 à février 1959 sous le nom de Catalogage à la Source, Cataloguing in source ou CIS. Malgré le succès global de l'opération et l'enthousiasme des bibliothécaires, l'expérience avait été arrêtée par suite de son coût élevé, (25$par volume traité), à cause des contraintes très rigoureuses du travail: pas plus de 24 heures de séjour des épreuves à la Bibliothèque et un temps moyen de 7 heures 10' pour le processus complet, catalogue, dactylographie, relecture et impression d'une fiche renvoyée à l'éditeur; en raison également des différences entre les renseignements fournis au stade des épreuves et le volume achevé. Cependant une demande se faisait jour à nouveau et en 1970, après une enquête auprès de nombreuses bibliothèques, la Bibliothèque du Congrès lançait un nouveau programme sous le nom de Cataloguing in publication, suivie peu après par le Brésil en 1971, où il gardait l'appellation de de CIS, puis l'Australie en 1974.

    Il faut mentionner à part le cas de l'URSS. Alors que dans les autres pays le CIP est assuré par une agence centralisée, en URSS ce sont les différentes maisons d'édition qui font ce catalogage. Elles peuvent au choix soit le faire figurer dans le livre, soit l'envoyer sous forme de fiches aux Bibliothèques en même temps que le livre.

    Quoiqu'il en soit la formule paraissait séduisante et l'IFLA fit entreprendre une étude sous contrat de l'Unesco en 1974 (1) . La question du CIP fut évoquée à la Conférence sur les bibliographies nationales organisée à Paris en 1977 par l'Unesco et le Bureau de contrôle bibliographique de l'IFLA. Les mêmes organisateurs ont décidé de réunir une conférence entièrement consacrée au catalogage avant publication à Ottawa en 1982. Cette réunion, qui s'est tenue du 16 au 19 août, quoique plus modeste par le nombre de ses partisants (47 au total), faisait suite à la Conférence sur les bibliographies nationales de 1977.

    15 pays avaient envoyé des délégués (Allemagne fédérale, Australie, Canada, Brésil, Colombie, Etats-Unis, France, Gambie, Hongrie, Jamaïque, Malaisie, Nigéria, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède). Tous, qu'ils fussent industralisés ou en voie de développement, possédaient une agence CIP à l'exception de la France, imitée en cela par le Québec qui ne participe pas au programme CIP canadien limité pour le moment aux publications en anglais. Au nombre des participants on pouvait compter un représentant de l'Unesco, trente-deux bibliothécaires dont le directeur de l'Agence internationale de l'ISBN, huit éditeurs; le secrétariat était assuré par l'office pour l'UBC et deux bibliothécaires canadiens.

    L'importance relative du nombre des éditeurs, et non des moindres, montre l'importance qu'ils attachent à ce programme. On sait que le CIP se présente de deux façons et répond à deux objectifs complémentaires.

    • * En tant que catalogage dans la publication, il se présente sous la forme d'une notice descriptive abrégée accompagnée des vedettes auteurs et matières au verso de la page de titre. Comme tel il est essentiellement une aide au catalogage et permet à des bibliothèques de tailles diverses de s'inspirer, ou tout simplement de recopier, une notice bibliographique élaborée par une agence centrale, d'où un gain de temps et d'argent, une harmonisation des pratiques de catalogage et des vedettes, un meilleur contrôle du dépôt légal, une aide à l'extension de l'ISBN.
    • 40 La notice CIP figure par ailleurs soit dans la bibliographie nationale soit dans des listes séparées, éventuellement sur bandes magnétiques, qui peuvent annoncer la publication jusqu'à deux mois avant sa parution. Sous cette forme le CIP offre un grand intérêt à la fois pour les bibliothèques, qui voient facilitées leurs tâches de sélection et d'acquisition, et pour les éditeurs à qui il permet une meilleure diffusion de leurs nouveautés et une gestion plus efficace de leurs stocks, puisqu'à la limite le tirage d'un ouvrage peut être fixé en fonction du nombre des commandes reçues à l'avance.

    Pendant quatre jours des échanges de vue parfois passionnés ont eu lieu entre bibliothécaires et éditeurs, agences de différents pays, pour confronter les expériences, inventorier les problèmes et leur trouver des solutions.

    Il faut souligner tout d'abord que les participants ont été unanimes à mettre en relief les avantages du CIP, les plus enthousiastes étant les Américains, les Néerlandais et les Allemands, les plus réservés les Britanniques. Tous ont souligné les bénéfices recueillis par ce programme, tout en reconnaissant que le CIP demande une équipe spéciale, parfois très réduite en fait. Il faut également accepter le principe d'une notice provisoire, incomplète, qui comportera forcément une marge importante d'erreurs et devra obligatoirement être reprise ou complétée pour figurer sous sa forme définitive dans la bibliographie nationale.

    Les discussions ont porté sur la couverture du CIP, qui doit être étendue pour être vraiment utile, surle contenu de la notice sous ses diverses formes et les règles à adopter pour les éditeurs duffusant également sur des marchés étrangers.

    Les recommandations adoptées par la conférence ont porté sur-les points suivants :

    Champ du CIP

    Tous les pays devraient envisager de mettre en oeuvre un programme CIP.

    Ce sont les besoins des bibliothèques qui doivent déterminer la couverture initiale du CIP, en donnant la priorité aux monographies. Mais dès que cela est possible, cette couverture devrait être étendue aux publications non commerciales, aux publications officielles et aux non-livres. Chaque agence devant de temps en temps reconsidérer le degré d'extension de son programme.

    Le CIP étant un programme coopératif entre bibliothèques et éditeurs, ces derniers devraient être informés des avantages du CIP et invités à y participer.

    Les éditeurs devraient participer à un programme CIP et obtenir une notice pour chacune de leurs publications. Ils peuvent s'adresser à l'agence CIP de leur choix, de préférence celle du pays où ils publient, et participer à plusieurs programmes CIP. En revanche les agences CIP doivent produire les notices même si la publication a déjà fait l'objet d'une annonce dans un autre programme. Elles sont invitées à coopérer avec les agences de l'ISBN et de l'ISDS.

    Contenu de la notice

    Le contenu de la notice CIP a été ainsi défini: Dans le livre, la notice, qui est une aide au catalogage doit être aussi complète que possible et comporter les éléments connus avec certitude au moment du catalogage.

    Elle doit comprendre trois segments : 1 ) la description bibliographique suivant l'ISBD ; 2) les vedettes auteurs; 3) les accès matières.

    Un groupe de travail devra définir un format international normalisé pour la notice dans le livre, de façon que, s'il existe plusieurs notices CIP pour un même livre, elles se présentent de la même façon. En attendant les éditeurs participants à plusieurs programmes CIP indiqueront l'existence d'autres annonces.

    Ailleurs que dans le livre, la notice dont les fonctions sont d'aider à la sélection et aux acquisitions doit être aussi complète que possible et, pour la sélection et les acquisitions, les éléments encore incertains (pagination, prix, illustrations) devraient être indiqués approximativement, elle devrait être identifiée clairement comme une notice CIP.

    Elle devrait être remplacée dans la bibliographie nationale et la base de données nationale pour une notice définitive établie livre en main, ou être détruite si la publication est abandonnée. La notice d'une publication d'un éditeur participant à plusieurs programmes CIP devrait apparaître dans les listes de chaque agence CIP.

    Procédures

    Chaque agence peut établir ses propres procédures suivant ses ressources et les accords passés avec les éditeurs, cependant des recommandations seront élaborées pour assister les agences en particulier dans leur relations avec les éditeurs. Les éditeurs devraient fournir aux agences tous les éléments nécessaires à la rédaction de la notice CIP.

    Ils devraient informer les agences de tout ce qui peut modifier la notice CIP.

    Un formulaire normalisé de renseignements nécessaires au CIP devrait être établi le plus tôt ossible.

    La conférence a souhaité que les travaux nécessaire à la normalisation de la notice CIP et du formulaire de renseignements soit confiée à l'UBC office de l'IFLA avec les moyens nécessaires. En France, pour des raisons de manque de moyens, il n'apparaît pas pour le moment, possible de créer une agence de catalogage avant publication. Cependant le projet d'une base bibliographique nationale commune au Cercle de la librairie et à la Bibliothèque nationale en remplirait d'une certaine manière les fonctions. On sait que dans chaque numéro de Livres-Hebdo la rubrique « Livres de la semaine annonce les ouvrages que les éditeurs vont mettre en vente. Ces notices, désormais rédigées d'après l'ISBD et en format Intermarc, seraient enregistrées dans une base automatisée et formeraient le premier état d'un catalogage, qui serait enrichi et complété successivement par le Service du Dépôt légal de la Bibliothèque nationale et la Bibliographie de la France. La bibliographie officielle donnerait sous forme définitive le signalement de l'ensemble de la production française, les notices enregistrées étant conservées dans la base sous leur forme la plus achevée.

    D'autres bibliothèques pourraient, si elles le désirent, participer à ce qui deviendrait un réseau de catalogage partagé.

    Tout ceci nécessite bien évidemment la mise en place du système informatique de la Bibliothèque nationale tel qu'il a été défini par son schéma directeur. Bien que ce schéma ait été approuvé dans ses principes, il faut encore que le choix du logiciel et du matériel ait été ratifié par la Commission informatique du ministère de la Culture pour que le système global soit implanté et mis en oeuvre, Comme la base bibliographique a été conçue comme résultant d'un travail progressif et partagé, rien ne s'opposerait à ce qu'une fois opérationnel, le système soit étendu en amont et qu'on y introduise des notices CIP grâce à une collaboration encore plus étroite avec les éditeurs.

    Catalogage partagé des publications officielles américaines

    Un bon exemple de coopération de ce genre existe aux Etats-Unis en matière de publications officielles. J'ai pu en prendre connaissance tout d'abord à la Conférence des bibliothécaires, éditeurs et usagers de publications officielles réunie par la Section des publications officielles de l'IFLA, puis par des visites au Government Printing Office et à la Bibliothèque du Congrès. Le Government Printing Office a été créé en 1861 d'après une résolution du Congrès de 1860. Il a la particularité de dépendre du pouvoir législatif et d'être très étroitement surveillé par le Joint committee of printing du Congrès tout en travaillant pour l'exécutif, qui nomme l'imprimeur officiel.

    Les tâches du GPO sont de plusieurs ordres:

    • il assure, doit directement, soit par sous-traitance, l'impression des documents du Congrès et de l'administration fédérale;
    • il diffuse ces documents, y compris ceux des agences qui publient elles-mêmes, soit par vente dans 25 librairies officielles ou par correspondance, soit par envoi dans les 1 366 bibliothèques dépositaires ;
    • il en assure le contrôle bibliographique par le Monthly catalog et d'autres répertoires.

    Si toutes ces tâches requièrent des moyens importants, rien n'est négligé pour obtenir un meilleur rendement, augmenter les ventes par la publicité, diminuer les frais en réduisant le personnel et le nombre de titres en vente.

    A la suite de demandes instantes des bibliothécaires et des recommandations du Joint committee on printing, autorité de tutelle du Government Printing Office, une coopération étroite a été nouée entre la Bibliothèque du Congrès et le GPO. Auparavant la Bibliothèque du Congrès ne cataloguait qu'une sélection étroite des publications fédérales et souvent avec des délais importants ; par ailleurs le Monthly catalog du Government Printing Office était l'objet de nombreuses critiques. Après de longues négociations le GPO comença en 1976 à enregistrer ses données dans la base de l'OCLC (Ohio Collège Library Center). Les notices du Monthly catalog sont désormais rédigées suivant les normes de catlogage anglo-américaines adoptées par toutes les bibliothèques (AACR) et l'ISBD et sont disponibles en bandes magnétiques dans le format MARC, si bien qu'elles sont accessibles soit en ligne, soit sous forme de fiches imprimées.

    De plus, comme le Monthly catalog est désormais l'instrument bibliographique le plus à jour en matière de publications officielles, il permet au Government Printing Office d'éditer pour les administrations qui le demandent des catalogues particuliers de leurs publications.

    Par ailleurs la couverture du Monthly catalog s'est étendue pour comprendre les publications des agences qui publient en dehors du GPO. Ce dernier a des représentants dans chaque agence et deux exemplaires de tout ce qu'elles publient lui sont envoyés. Le Monthly catalog doit être un instrument servant à la fois aux acquisitions et aux recherches rétrospectives, ses notices doivent comprendre toutes les indications permettant de se procurer les publications et les index pour les retrouver.

    En 1977, la coopération entre la Bibliothèque du Congrès et le Government Printing Office a atteint sa dimension complète. Depuis cette date le GPO a l'entière responsabilité de l'acquisition, de l'identification et du recensement bibliographique de toutes les publications officielles américaines. Il a la charge d'établir la forme des noms des administrations et des auteurs et alimente ainsi les fichiers d'autorité de la Bibliothèque du Congrès. Cette dernière reste responsable de la cohérence du système d'ensemble des vedettes, elle attribue aux fiches son numéro d'identification, donne l'ISSN aux publications en série et complète les enregistrements en ajoutant la classification du Congrès et la CDU ainsi que les vedettes-matières. De même c'est elle qui distribue aux utilisateurs extérieurs les bandes magnétiques ou les fiches bibliographiques.

    Une coopération du même genre existe entre le GPO et la Bibliothèque du Congrès pour les documents audiovisuels, grâce à la collaboration du Centre national de l'audiovisuel (National audio-visual center), et les cartes.

    Des projets sont en cours pour étendre le réseau à d'autres agences spécialisées dans l'éducation (ERIC) ou les publications scientifiques et techniques (NTIS).

    Ce catalogue en coopération a nécessité de nombreuses réunions pour se mettre d'accord sur l'interprétation et l'application des normes de catalogage. Un manuel d'utilisation est en préparation. Un groupe de travail particulier cherche à améliorer l'in-dexation-matières des publications officielles. Des moyens supplémentaires ont été accordés au GPO pour cataloguer l'arriéré des publications. Il dispose à l'heure actuelle de 6 catalogueurs contractuels et de 22 professionnels, dont 3 correcteurs. Sans vouloir rêver il semble qu'un tel exemple doivent être suivi. En ces temps de pénurie de personnel, il est plus que jamais nécessaire de répartir la charge de travail, d'éviter que les opérations de catalogage soient répétées à tous les niveaux. Cela demande un effort non négligeable de mise en commun des ressources et d'harmonisation des pratiques. Il faut bien reconnaître qu'en France les bibliothécaires sont loin d'avoir l'influence qu'ils ont aux Etats-Unis. Seules notre compétence et notre efficacité plaideront pour nous.

    1. SWINDLEY (L.R.). - Cataloguing in publication : an international survey. - Paris : Unesco. 1975. - (ICOM 75/WS/32). - Diffusion restreinte. retour au texte